lundi 31 mai 2010

"Je suis gourmande d'amour"



Publié dans Migros Magazine, le 31 mai 2010

Yves Saint-Laurent au Petit Palais

Une exposition à ne pas manquer. De l'art ? Pas tout à fait - mais beaucoup d'artistes. Yves Saint-Laurent lui-même, d'abord, qui disait : « J’ai toujours placé au-dessus de tout le respect de ce métier, qui n’est pas tout à fait un art mais qui a besoin d’un artiste pour exister ».

Ses inspirateurs ensuite, de Mondrian à Picasso, d'Aragon à Cocteau - et les artistes qui ont réalisé l'exposition, en premier lieu Florence Müller, commissaire général et Farid Chenoune, commissaire associé, tous deux historiens de la mode et enseignants à l'Institut Français de la Mode, ainsi que Nathalie Crinière, responsable de la scénographie de l'exposition - mais aussi Catherine Deneuve et Buñuel le magicien : dans ce chef-d'oeuvre du cinéma qu'est Belle de Jour comme dans la vie, Catherine Deneuve était habillée par Saint-Laurent, et ceux qui ont aimé Belle de Jour ne peuvent avoir oublié la robe de grain de poudre noir et satin ivoire créée tout exprès pour donner à la sublime Deneuve ce faux air inimitable de jeune fille sage. Ou encore Marguerite Duras, écrivant que : "Les femmes de Saint Laurent sont sorties des harems, des châteaux et même des banlieues, elles courent les rues, les métros, les Prisunic, la Bourse." Nous donc... nous et notre corps de femmes, notre corps comme acteur du vêtement. Nous et notre modernité intemporelle que Saint-Laurent a si bien comprise, nous et nos smokings, nos blousons noirs empruntés aux mauvais garçons que nous aimons tant, nous et Robin des Bois.

Dans son studio mental d'abord, puis dans son studio de la rue Marceau, Yves Saint-Laurent, inspiré par la rue autant que par les artistes, créa ce troisième genre qui nous protège des deux autres, et constamment travaillait. Travaillait à oublier pour mieux recréer : "Tout ce que j'ai appris j'essaie de l'oublier." Oublier, entre autres, que l'on est Yves Saint-Laurent tout de même : indispensable, cet oubli là, pour pouvoir créer le personnage burlesque de "la Vilaine Lulu", qui après toutes ses aventures tristes et drôles finira par épouser le pompier de son coeur... Un bijou, la petite Lulu, ne l'oubliez pas, elle se cache derrière Belle de Jour, avant l'immense salle des voyages imaginaires et le mur des smokings...

Il faut apprendre beaucoup, et oublier beaucoup, pour créer toute sa vie, plus qu'un vêtement, un style ; plus qu'un style, un style de vie.

Publié dans les Quotidiennes, le 31 mai 2010

samedi 29 mai 2010

Les bagnoles de Barbra


Analix Forever, la galerie genevoise de Barbara, propose avec "Cars & Bikes" une plongée dans la relation ambiguë qu'entretiennent hommes, voitures et motos. Femmes exclues.

Article au format PDF.


Article publié dans l'Hebdo du 27 mai 2010.

jeudi 27 mai 2010

Philippe Nantermod change l'Histoire

Philippe Nantermod, dont je suis depuis bientôt dix ans le travail acharné, en droit, en politique, dans sa propre entreprise, à Morgins..., m'a souvent parlé de ses soucis et ses craintes face à l'extrémisme de certains jeunes de son canton et d'ailleurs. Convaincu que la propagation des connaissances est le meilleur moyen de lutte contre l’extrémisme, il propose, par l'intermédiaire d'un postulat déposé par le PLR valaisan, de modifier le contenu des cours d’Histoire dispensés aux écoliers.

"Trop souvent, les programmes se sont concentrés sur l’étude d’époques très éloignées (préhistoire, antiquité) en ignorant complètement l’étude des faits marquants du XIXe et XXe siècle qui influencent pourtant d’une manière beaucoup plus forte et évidente notre quotidien." Pour Philippe Nantermod, les jeunes ne peuvent plus sortir de l’école obligatoire sans avoir entendu parler des révolutions industrielles et soviétiques, des deux guerres mondiales ou encore de la guerre froide alors que seul l’apprentissage de l’histoire récente saura leur donner les outils nécessaires pour comprendre notre monde et sa complexité.

Un vent d'espoir souffle du Valais

Et Nantermod de se demander : "Comment - par exemple - saisir la complexité du phénomène migratoire sans avoir jamais entendu parler de la colonisation?" Nantermod demande que cet apprentissage de notre Histoire récente se fasse impérativement avant la fin de la scolarité obligatoire, avant la dernière année (ceci pour tenir compte du fait que certains étudiants redoublant n’ont pas l’occasion d’aborder cette part du programme).

La réponse à cette question a paru si évidente aux députés que le postulat a été accepté par le Grand Conseil valaisan. Mais en réalité, l'Histoire n'est plus valaisanne : en effet, étant donné les accords intercantonaux, c’est bel et bien le programme scolaire de toute la Suisse romande qui devra évoluer !

Il est heureux qu'un jeune politicien analyse avec finesse les problèmes de ses contemporains et propose des solutions aussi intelligentes que pragmatiques. Un vent d'espoir souffle en Valais et balaie la Suisse romande !

Publié dans les Quotidiennes, le 27 mai 2010

dimanche 23 mai 2010

La santé et la beauté, une question d'équilibre




Le début de ce 21ème siècle dans lequel nous vivons est caractérisé par une authentique volonté d'harmonie et d'équilibre entre la nature et la science, entre l'individu et la population du monde, entre les nécessités de tous et les émotions de chacun. La mouvance écologique est l'une des manifestations de cette volonté ; le retour au local, très présent en Italie : acheter, promouvoir, consommer les produits du terroir en saison plutôt que les fraises du Chili et les agrumes d'Afrique en est une autre ; rester jeune mais sans avoir recours à une chirurgie esthétique invasive une autre encore...
Les évolutions démographiques fantastiques de ces dernières décennies ont vu l'augmentation de plus de 20 ans de notre espérance de vie, avec une augmentation de durée de notre existence qui est accompagnée d'une augmentation parallèle de la qualité de vie. Il n'en reste pas moins que le vieillissement global des populations occidentales pose des défis importants, notamment dans le domaine de la beauté. La beauté fait partie de la qualité de vie, alors qu'il est généralement accepté que le vieillissement est associé à une perte de beauté... y a-t-il moyen de moduler cette situation tout en douceur ?

La réponse est définitivement oui. Premièrement, si le vieillissement chronologique est inscrit dans nos gènes et que personne vraiment ne souhaite arrêter ce processus, nous avons à disposition toute un arsenal de moyens pour diminuer les effets secondaires du vieillissement d'une part et le vieillissement accéléré d'autre part. Parmi toutes les théories du vieillissement actuellement à l'étude, nous retiendrons ici essentiellement celle de l'oxydation. L'oxydation provient de l'oxygène, absolument indispensable à notre vie, mais qui génère, au cours de son utilisation par le corps pour la production d'énergie, des produits de dégradation très toxiques, appelés oxydants ou radicaux libres de l'oxygène. Alors que nous venons au monde avec certaines défenses innée contre les oxydants, ce capital de protection est progressivement consommé, et toute augmentation de l'oxydation environnementale (fumée de tabac, inflammation, et, pour la peau, essentiellement les UV) va accélérer cette consommation. Il faut alors intervenir avec des antioxydants externes pour restaurer l'équilibre interne entre oxydants et antioxydants indispensables à un vieillissement en santé et en beauté. Et... où trouve-t-on ces antioxydants ? Essentiellement dans la nature. En effet, les plantes, constamment exposées aux oxydants de l'environnement (dont les UV) ont développé pour survivre des stratégies antioxydants multiples que nous pouvons importer dans notre propre manière de nous protéger. Manger quotidiennement et en grande quantité des fruits et des légumes est probablement aujourd'hui encore la meilleure manière de prévenir le vieillissement - mieux que n'importes quelles pilules miracles qui ne sont jamais aussi miraculeuse que l'on aimerait bien le rêver. Cependant, si les antioxydants alimentaires sont essentiels pour la prévention du vieillissement des organes internes, seul un tout petite pourcentage arrive jusqu'aux couches supérieures de l'épiderme. Raison pour laquelle il faut mettre à même la peau les mêmes jardins que nous mettons dans notre assiette... Les antioxydants de plantes, ou phytoantioxydants, vont prévenir et atténuer tous les signes du vieillissement cutané, s'ils sont appliqués quotidiennement et généreusement : rides et ridules, taches brunes et couperose, imperfections cutanées diverses liées à l'âge... en sachant bien sûr qu'il s'agit là de méthodes douces, préventives, à utiliser dans la durée, avec plaisir - le plaisir de prendre soin de soi - et à associer, chaque fois que cela s'avère nécessaire, à l'esthétique médicale de pointe mais elle aussi, en douceur.

En ce qui me concerne, il m'aura fallu une dizaine d'années d'études de médecine et autant d'années de recherche bio-médicale pour arriver à cette conclusion : les meilleurs antioxydants sont dans la nature. La création de la gamme de cosmétiques Alchimie Forever répond à cette évidence, et se réfère aux Alchimistes de la Renaissance, dont l'italien Cagliostro, qui connaissaient mieux que quiconque les secrets de la nature, le potentiel thérapeutique des plantes, leurs pouvoirs de transformation. Alchimie Forever est basée sur ce concept : associer la science et la nature, en équilibre (www.alchimie-forever.com).

La santé du corps, la santé de la peau, qui sont toutes deux magnifiées par la consommation quotidienne de fruits et de légumes, tant par l'intérieur (la nourriture) que par l'extérieur (les cosmétiques), permet de conserver - mieux, de révéler la beauté naturelle de chacun d'entre nous. Voire de créer une nouvelle beauté, faite de ce rayonnement que donnent la santé et le bien-être. La santé, nous le savons tous, n'est pas seulement absence de maladie, mais l'association d'un bien être physique, mental et social. Et la beauté participe du bien-être, à la fois une manifestation d’équilibre et de santé et tout autant essentielle au maintien de l’équilibre de la personne “qui gagne des années”.

Publié en mai 2010 dans "Benessere e Salute Oggi", en Italien

jeudi 20 mai 2010

Galerie Analix à Genève des histoires d'hommes érotisées

Après la beauté des hommes (Handsome, 2006) et leur travail (Working Men, 2008), la galerie Analix Forever s’intéresse à une autre activité éminemment masculine : le transport, la vitesse, les véhicules, et en particulier, les voitures et les motos, ces objets puissamment esthétisés,
sexués, intégrés dans notre histoire, dans nos rêves et dans notre monde.

Ejecté de l’utérus, son véhicule premier, ce moyen de transport primitif dans lequel il aura appris le balancement, l’intériorité, la chaleur, le déplacement protégé et sans effort, l’enfant puis l’homme ne va rêver que d’une chose : retrouver un moyen de transport à peu près équivalent.

Il va dès lors construire des carrosseries plus belles, plus solides, plus résistantes, plus légères même que celle des femmes : voyez ces courbes, ce brillant, caressez ces carrosseries...


Publié le 20 mai dans les Quotidiennes

mardi 18 mai 2010

Une Nuit de Plomb hors du temps

En 2007 déjà, sur ce même site , je vous disais : "La prochaine exposition à voir ? Sans hésiter : Ugo Rondinone au Palais de Tokyo. The third mind : Dès le 28 septembre et jusqu’à la fin de l’année."
Presque trois ans plus tard, je vous redonne le même conseil : allez voir Ugo Rondinone. Pas à Paris cette fois-ci, ni à la Biennale de Venise - mais à Aarau. Pas très glamour ? Détrompez-vous. La directrice du Kunsthaus, Madeleine Schuppli, consacre à celui qui est l'un des artistes suisses les plus importants, sa première exposition solo depuis plus de 10 ans et nous offre une opportunité unique de découvrir ou de revoir non seulement son "labyrinthe mental", mais son travail, son monde, ses atmosphères. Comme le disait à l'époque Marc-Olivier Wahler à propos de Third Mind, cette exposition n'était pas seulement l'oeuvre de Rondinone en tant que telle, mais sa matière même, sa nourriture, ses inspirations : "…un scan de son cerveau: aucun curateur ne pourra jamais imaginer cette structure mentale, un système de correspondance unique à ses propres obsessions." (Marc-Olivier Wahler).
A Aarau, vous pourrez découvrir la poésie de Rondinone, son approche synesthésique de la conjonction des images sonores - ou des silences - et des images visuelles - vous pourrez découvrir une exposition à la fois historique et futuriste, si tant est que le temps "qui passe" est pour Rondinone le temps qui vient, celui de la découverte continuelle de lui même et du monde (le titre de l'exposition, La nuit de Plomb fait référence à un roman dans lequel le "héros", au cours d'une de ces nuits de plomb que nous visons tous parfois, rencontre comme par hasard - lui-même, mais un lui-même qui se serait arrêté dans le temps "qui passe" : lui-même dans sa jeunesse...). Cette rencontre constante avec soi-même est "personnalisée" dans l'exposition par une empreinte de la main de l'artiste - un geste qui dit tout peut-être, à ceux qui sauront partager ne serait-ce que l'instant d'une regard, l'émotion de l'empreinte, de la trace d'une singularité fondue dans une vision de l'humanité aussi intemporelle qu'elle est inscrite dans l'espace qui est le nôtre : le monde, notre musée.
Comme l'écrit Madeleine Schuppli, "Ugo Rondinone comprend l'art comme un phénomène qui se tient hors du temps." Une nuit de plomb, notre temps, hors du temps.
Le dimanche 13 juin, le Aargauer Kunsthaus propose un évènement festif autour de la présentation du catalogue qui accompagne l'exposition, avec notamment des textes de Klaus Biesenbach, et Agustin Pérez Rubio, ainsi que de Beatrix Ruf, directrice du Kunstmuseum Zürich, à propos de The Third Mind.

Publié dans l'Extension, le 18 mai 2010

Pour une journée des hommes

Dimanche dernier, c’était la fête des mères. Ce qu’il y a de bien, avec la Fête des Mères, c’est qu’il y a aussi une Fête des Pères. On pourrait d’ailleurs instaurer la fête des parents... Mais on peut aussi s’abstenir, et considérer simplement que tous les autres jours, à part donc ces deux dimanches, celui de la fête des mères et celui de la fête des pères, c’est la fête des parents. Donc tout va bien !

Mais tout ne va pas bien avec la Journée des Femmes. Parce qu’ils n’y a pas de Journée des Hommes. Et pourtant, les hommes, ces êtres magnifiques, pure merveille de la nature, qui vivent à nos côtés, ont aussi leurs questions et leurs problèmes spécifiques: nous. Et leurs joies spécifiques, leurs bonheurs intimes: nous. Et leurs incompréhensions, leurs souffrances: nous encore. Et leurs rêves que nous ignorons le plus souvent : nous évidemment...

Alors vite, une Journée des Hommes, pour que nous pensions à eux, à ces êtres étranges et différents, incompréhensibles et séduisants – oui pour que nous pensions à eux et leurs difficultés existentielles – mais surtout en fait, pour que les 363 autres jours de l’année ne leur appartiennent pas par nature et par notre erreur fondamentale d’avoir instauré une Journée des Femmes... Une Journée des Mères, une Journée des Pères et les autres à qui les veut ; une Journée des Femmes d’accord, mais seulement s’il y a une Journée des Hommes et que tous les autres jours de l’année soient partagés, ou à prendre par les plus entreprenants !

Je propose le 7 mars pour cette Journée des Hommes: c’est mon anniversaire, et d’ailleurs c’est le lendemain de ma naissance que le monde s’est dit, ouh la la, faut vite qu’on crée une journée des femmes... Alors les hommes le 7 mars et les femmes le 8, l’égalité des droits et des jours de l’année, et pour le reste, vive la différence !

Publié dans les Quotidiennes, le 18 mai 2010

lundi 17 mai 2010

Ugo Rondinone à Aarau, l'exposition de la décennie

Ugo Rondinone est l'un des artistes suisses les plus importants et les plus émouvants. Celui que l'on appelle parfois "le clown" nous touche au plus profond, à la fois par son esthétique et par son humanité. Madeleine Schuppli, directeur du Aargauer Kunsthaus, lui consacre la première exposition solo en Suisse depuis plus de 10 ans. Elle lui consacre d'ailleurs plus qu'une exposition : elle lui consacre son musée. En effet, Rondinone non seulement expose des pièces - mieux, il investit le musée d'atmosphères spécifiques, de rêves parfois monumentaux, parfois fragiles, mais toujours poétiques. Rondinone est un poète de vie, comme tous ceux qui savent habiller le quotidien le plus banal de la plus belle des magies sans oublier la souffrance que cet indispensable exercice inflige : les clowns, donc.


Rondinone va plus loin encore : non seulement il expose des pièces magnifiques, comme son olivier blanc à la fois ancestral et futuriste ou ses ciels immenses, dont les galaxies sont révélées par la terre - non seulement il investit le musée tout entier de multiples atmosphères Ugoiennes, notamment sonores, car l'artiste, peut-être synesthésique, fait constamment appel à nos sens pluriels et fait parler ses oeuvres - mais il cherche encore à sortir du musée à la rencontre du monde, car sans cette connexion, sans cet aller vers l'autre, même la création la plus belle reste incomplète.


S'il est une exposition à voir en ce moment en Suisse, c'est donc bien "La Nuit de Plomb", une rencontre de l'artiste avec lui-même, avec la poésie, avec nous tous. La vie pèse parfois comme du plomb sur nos épaules. La poésie nous rend ce poids très cher.


NOTE:
Mardi 18 mai , conversation entre Ugo Rondinone et Madeleine Schuppi.
Dimanche 13 juin, présentation du catalogue qui accompagne l'exposition, avec notamment des textes de Beatrix Ruf , Klaus Biesenbach, Agustin Pérez Rubio et Madeleine Schuppi.


Publié dans les Quotidiennes, le 17 mai 2010

vendredi 14 mai 2010

Le rêve est dans le bois,...

Genève Ma Plage, vous connaissez? Il est un projet tout en bois... enfin disons, à 80% en bois...

Et Gstaad, vous connaissez? Oui bien sûr. Le village de rêve des skieurs du monde entier, le snobisme et la simplicité, les chalets et le luxe, la musique et le tennis... Mais pas seulement. Dans le style très haut de gamme, Gstaad va encore plus haut en décidant d’ouvrir un centre culturel, «Les Arts Gstaad». On aurait pu craindre un machin pompeux, sans authentique ancrage culturel contemporain. Eh bien non: en choisissant parmi vingt et un projets pour les Arts Gstaad le projet de l’architecte français Rudy Ricciotti, Gstaad s’assure un centre forcément culturel et qui ose la beauté. Et en s’habillant de bois, Les Arts Gstaad soulignent que Gstaad, malgré sa population migrante, reste essentiellement rural et montagnard...
Rudy Ricciotti
Rudy Ricciotti? Beaucoup font la moue en entendant son nom. Ricciotti a pourtant des liens anciens avec la Suisse et Genève, où il a étudié en 1974 à l’Ecole d’Ingénieurs avant de poursuivre ses études d’architecture à Marseille. Mais s’il est indubitablement admiré pour son travail d’architecte (il a notamment été le lauréat du Grand Prix National d’Architecture en 2006), il est parfois détesté pour son caractère et sa langue plus que bien pendue et il est vrai que son indépendance forcenée ne va pas sans un certain goût pour la discorde... Passionné par nature, qu’il s’agisse de son métier, de politique ou de poésie, l’homme est amant de l’esthétique - mais non de l’esthétisme - des coups de gueule plus souvent qu’à son tour, mais aussi des coups de cœur. N’a-t-il pas sauvé récemment la maison d’édition Al Dante, qui publie entre autres folies de la poésie expérimentale, poésie-sonore et poésie-action, un investissement dont on ne saurait imaginer qu’il soit rentable?

Esprit créatif
Parmi les projets exceptionnels de Rudy Ricciotti, plusieurs salles de spectacle, dont le Pavillon Noir conçu pour le ballet Preljocaj à Aix en Provence, mais aussi, en collaboration avec le groupe gênois 5 + 1 AA, qui se réclame quant à lui du réalisme magique, le futur Nouveau Palais du Cinéma du Lido de Venise: un bateau échoué, à l’envers, sur la plage du Lido... L’idée de l’ensevelissement, d’une architecture en partie invisible, souterraine, a poursuivi son chemin dans l’esprit créatif de Ricciotti. Mais pour Gstaad, celui qui n’a de cesse de s’énerver contre les exigences environnementales parfois absurdes dans la construction d’aujourd’hui - lire à cet égard son brûlot HQE, les Renards du Temple, selon l’auteur lui-même, «un pamphlet en réponse au diktat imposé par les technocrates à l’heure de l’environnement prétexte. Un cri de colère et de révolte, une remise à plat, sans faux plis, de l’expertise environnementale et de ses génuflexions serviles» - pour Gstaad donc, Rudy Ricciotti a pris en compte l’environnement de la meilleure des manières: en privilégiant l’effacement. Le bois dans la forêt... Oui, le projet Ricciotti invite au rêve dans la montagne, qui va accueillir une vraie sculpture, intégrée dans le paysage: Les Arts Gstaad seront en effet constitués d’un volume majestueux, habillé de bois, contenant une salle de concert aménagée comme une grotte de cristal, alors que les autres espaces (salle d’exposition, foyer...) seront souterrains et de ce fait invisibles. Une fois n’est pas coutume, voilà un aménagement ménageant la topographie et l’environnement villageois, tout en introduisant, dans ce lieu qui ne s’y attendait pas, une vraie intensité théâtrale. Le théâtre, Ricciotti connaît...
Ecoutons celui qui remet le bois au sommet de la montagne, rencontré sur la plage de Marseille le mois dernier: «J’ai gagné Gstaad parce que je n’ai pas eu peur du récit, de la narration. Le projet parle de la géographie d’un territoire. Je suis allé puiser l’inspiration dans les croyances anciennes, dans la montagne, dans l’onirisme... J’ai mis toute mon énergie au service de l’esthétique, des signes et des principes de beauté.»
Nous ne pouvons qu’espérer qu’à Genève, les principes de la beauté guident toujours ceux qui construisent pour nous notre monde de demain.


Libre livre La Grande Peur dans la Montagne, de Ramuz

Le roman le plus mystérieux de Ramuz, le plus obscur aussi, l’homme face à lui-même, dans la nuit de la montagne, une allégorie onirique parfois cauchemardesque de la rencontre de l’existence avec elle-même et sa propre fin. Cela se passe à Sasseneire, un pâturage de haute montagne que les gens du village avaient laissé à l’abandon pour une vieille histoire de maladie et de mort dont le souvenir fait encore trembler les vieux du village. Mais faut-il perdre tant de bonne herbe par crainte d’un prétendu mauvais sort alors que la commune est pauvre ? Le clan des jeunes finit par l’emporter : en été, le troupeau monte à l’alpage, à 2 300 mètres d’altitude, sous la garde du maître fromager, son neveu, quatre hommes et un jeune garçon. Mais les vieilles craintes ne sont pas mortes, et la montagne et la nuit, garantes toutes deux des forces trop souvent ignorées de la nature, les ravivent plus aigues que jamais. La montagne comme la nuit, n’existent que pour elles-mêmes, comme d’une certaine manière, le livre magnifique de Ramuz. La Grande Peur dans la Montagne, une allégorie de l’existence. Je ne sais pas si Ricciotti a fait le voyage de Sasseneire, mais sa sculpture habillée de bois, elle aussi, est pour être.

Et... La Plage
La Plage, un récit de Cesare Pavese, dont je vous avais déjà recommandé la lecture (Le métier de vivre). C’est l’été, la lumière flotte au-dessus du sable, réfraction onirique elle aussi, mais les sensations de solitude de l’homme sont différentes. Le narrateur observe un couple, qui semble se déliter doucement dans la moiteur de l’été, dans le farniente de la plage, dans la mer, alors que ce devait être le dernier été de jeune fille de Clelia... «La compagnie de la mer me suffit. Je ne veux personne. Dans la vie je n’ai rien à moi. Laissez-moi au moins la mer.» Des solitudes si différentes, face à la montagne, ou face à la mer. Inquiétante et fondamentale, dans la montagne. Solitudes partagées, à l’italienne, sur la plage... A vous de choisir!




Publié dans l'Extention, le 14 mai 2010

lundi 10 mai 2010

Le style de Richard Shusterman, une affaire de corps

Les 7 et 8 mai derniers, le Professeur Laurent Jenny, responsable du Certificat "Littérature et esthétique et auteur de Je suis la Révolution, organisait à Genève un Colloque international intitulé “Le Style en acte”, avec la participation, entre autres, de Richard Shusterman ( http://www.shusterman.net/) . Shusterman qui allie les compétences rarement conjointes de philosophe, spécialiste de l’esthétique et créateur du concept de Soma-esthétique – une esthétique construite du corps – et celles de thérapeute du corps, porteur de la conviction que l’amélioration des perceptions est possible et que le travail sur le corps conduit à une matérialisation du corps.

Ce corps qui est le seul endroit ou chacun de nous vit tous les jours, l’architecture intime de nous-mêmes. Une architecture qui selon Shusterman peut toujours être améliorée : le philosophe-thérapeute se situe ainsi clairement dans la ligne de la pensée pragmatique et mélioriste et croit à la plasticité somatique – dans la limite des contraintes corporelles.


Shusterman convaincu par ailleurs que l’esthétique du corps du philosophe lui-même - le “style somatique” de celui qui professe - est aussi importante, dans la transmission de ses idées, que les idées elles-mêmes. “Même chez les philosophes, nous dit Shusterman avec modestie, la pensée passe par un comportement somatique : il s’agit de convaincre logiquement et de séduire esthétiquement...


L’apparence donne beaucoup de pouvoir aux idées : le philosophe est comme un acteur, a performing artist, et la distance qu’il y a entre convaincre et persuader est comblée - ou non - par le corps.” Shusterman se réfère, entre autres, à Wittgenstein, dont les élèves décrivaient abondamment l’allure impériale, le regard souvent féroce, la personnalité très “physique”... Une somaesthétique très palpable aussi, dans l’abécédaire de Deleuze par exemple, dans les cours de Roland Barthes aussi.


Le “style”, ainsi, qu’il soit la présentation physique de soi-même ou l’expression parlée ou écrite, implique un choix. Il peut être, de manière plus ou moins inconsciente, l’expression du caractère ; il peut aussi être travaillé, jusqu’à l’excès – mais dans tous les cas, le style est un choix. De manière intéressante, le terme même de “style”, si on se réfère à l’écriture, ne vient pas de la physicalité des mots (la bouche, les cordes vocales, la respiration) mais du geste corporel d’écrire – de graver, avec un “stylet”... Le style est donc contextuel, en relation avec les instruments utilisés pour écrire. Le “traitement” de texte induit d’autres formes stylistiques que l’antique machine à écrire et réécrire, avec ses contraintes et ses marges... La plasticité du langage ET le choix du style rejoignent la plasticité somatique et le choix de son corps, ceci dans la limite des contraintes de base liées tant au corps qu’à l’écriture d’une époque donné. Il y a une “stratégie du style” (selon Laurent Jenny ) comme il existe une “stratégie somaesthétique”. Le style a affaire à de “l’étrange” dans la langue – à de l’étrange dans le corps peut-être aussi – étrange, étranger à l’autre et propre à soi-même.


Publié dans les Quotidiennes, le 10 mai 2010

samedi 8 mai 2010

Everything I learned about life I learned from my Mom

Ma fille Ada me souhaite joyeuse fête des mères sur son blog...

This year Mother’s Day is falling so early in May, I am remiss in shopping for a gift. Somehow I thought I had at least two more weeks. So I thought I would gift my Mom this blog (and my arrival in Geneva Monday morning, and our Alchimie Forever mother's day gift set!). Typically, if I were to have a conversation with you about pretty much any topic eventually I would say something like “Well, as my Mom always told me…”. Here are her top rules to live by, which I try to live by too (although she would never call them rules - she is not much of a rule person).

  1. Choose to be happy. Happiness is a conscious choice. If something doesn’t go your way, just believe that the way it is going is the better way (and that you wanted it that way all along).
  2. Force a smile. If you force it long enough, it will end up coming naturally. Start your day by smiling to yourself (even if forced) in the mirror. (This is actually such a funny thing to do it ends up making me laugh!). Smiling will help you succeed in choosing happiness.
  3. Guilt is a feeling made up by men to upset women. Don’t feel guilty. Ever. Just remove that feeling from your feeling repertoire.
  4. Spend time daydreaming - not working, not reading (not sleeping either). Just thinking, brainstorming without speaking, alone. You will be surprised where your thoughts take you.
  5. When you are done daydreaming, spend time writing. A published author (fiction, essays, novels, and more), she has always encouraged me to put pen to paper – she suggested I start blogging years ago!
  6. Spend lots of time in your bathroom, looking at yourself in the mirror (smiling of course), and applying lotions and potions. Apparently massaging creams into your face and body helps to release oxytocin and enhances your mood. She of course uses every single Alchimie Forever product, twice daily.
  7. Extra tired (or grumpy, or ill, or heartbroken, the list goes on) = extra cute outfit and extra red lipstick. People will then compliment you on how you look all day – and your day will get better.
  8. Champagne makes everything better. The bubbles make victories sweeter, and problems smaller. The colder the better; the pinker the better too!
  9. Be a loyalist in your spending habits. Always shop at the same boutiques. Always stay at the same hotels. Always fly the same airlines. Always go to the same hair dresser. Amazing the perks you get after a while.
  10. And my personal favorite: if you stay true to yourself, you will be happy. No matter what happens.
Happy mother’s day Mom! And thanks for the pearls of wisdom!

A lire: "Nous sommes toutes de mauvaises mères", in Le Matin, 8 mai 2010

lundi 3 mai 2010

La vérité, la vraie vérité : L'argent ne fait pas le bonheur mais le bonheur fait l'argent !

Excellente nouvelle : les gens heureux gagnent plus d’argent. La source est imparable : Saatchi & Saatchi. Ecoutez du peu : “Greater happiness is associated with higher future income, research shows. A one-point increase in people's assessment of their happiness on a five-point scale was linked to a 3% higher income five years later, according to a study cited by Saatchi & Saatchi.


Normal en fait ! Les gens préfèrent, souvent, suivre les heureux plutôt que les grincheux. Dans l’entreprise comme dans la vie, celui qui est heureux va avoir davantage tendance à donner, à valoriser l’autre, à développer le capital humain – et donc à faire fructifier l’entreprise.


Voltaire disait : “j’ai décidé d’être heureux parce que c’est bon pour la santé”. Aux Etats Unis on dira : je décide d’être heureux parce que c’est bon pour ma carrière ! Mieux vaut être riche, jeune et en bonne santé, que pauvre vieux et malade. C’est du moins ce que dit le dicton, et aussi ce que l’artiste russe Elena Kovylina a écrit sur l’une de ses toiles...


Une passante, à la foire d’art de Bruxelles, regarde, lit et me dit : “mais, et le bonheur ? Peut-être que si j’étais riche, jeune et en bonne santé, je ne saurais pas ce que c’est que le bonheur ?” En effet. Commençons donc par être heureux...


Publié dans les Quotidiennes le 3 mai 2010

Lena Award, le prix de la liberté

Le vendredi 30 avril étaient décernés à Genève, à la Salle de la Madeleine où le BPW a été fondé il y a quatre-vingts ans, par le BPW (Business & Professional Women), les Lena Awards, en mémoire et en honneur de la fondatrice du BPW International, Lena Madesin Phillips.

L’objectif de ces prix – dans l’esprit de Lena Madesin Phillips – est de présenter à un large public les succès atteints par des femmes et pour les femmes - comment ne pas en parler dans les Quotidiennes !


Responsables, engagées, financièrement indépendantes et libres de leurs choix et décisions, voilà le profil de femmes BPW. Les lauréates : Véronique Goy Veenhuys, fondatrice de Equal Salary , une initiative, comme elle le soulignera, qui sert d'abord l'économie, avant même que de servir les femmes - Jolanda Plüss, une femme de chantiers, à la tête d'une entreprise de nettoyage de bâtiments, à la tête aussi d'une famille monoparentale, et Paola Ghillani, qui s'est fixé comme objectif de rendre le monde meilleur grâce à des modèles économiques durables, intégrant le coeur et l'esprit et la profitabilité pour tous.

Trois femmes engagées dans l'économie, chacune à sa manière, en accord parfait avec le "profil BPW". Trois femmes très émues : Jolanda Plüss en particulier, modèle de femme remarquable et discrète, qui dans son entreprise compte de nombreuses femmes cadres, mais aussi des hommes, des étrangers, qui tous semblent nous dire, comme Kadriye Tanilmis - oui, chaque jour je me réjouis, de travailler dans cette équipe...


Bravo aux trois lauréates - et aux nominées aussi - et bravo aux hommes qui nous soutiennent, dans notre chemin vers la liberté personnelle et la responsabilité économique. Ce fut une des conclusions importantes de la soirée : les hommes avec nous !


Publié dans les Quotidiennes, le 3 mai 2010