Aussi loin que la philosophie a existé, l’esthétique fut sa compagne. Guy Mettan en organisant cet automne sur le thème de la beauté les troisièmes rencontres internationales de la philosophie francophone à Saint Maurice ne l’a pas oublié. J’ai déjà abordé dans une chronique précédente la question de la beauté des idées et de l’indispensable liberté que nous devons encore conquérir au quotidien(nes) par rapport aux critères de beauté trop souvent imposés par la société. Il s’agit, comme le disait à Saint Maurice Jean-Marc Tétaz, le Président de la Société romande de philosophie, de «conserver l’authenticité de l’être par contraste à la façon dont la société veut le définir».

L’une des manières de conserver une telle authenticité est de s’exercer continuellement à «penser à l’envers», une expression parfois utilisée par le célèbre publiciste Jacques Séguéla. Penser à l’envers par rapport à la beauté: par exemple, la beauté des personnes handicapées. En général, quand nous pensons au handicap, la beauté n’est pas la première idée qui nous vient à l’esprit. Et pourtant… porter notre regard sur la beauté des personnes handicapées est une manière de souligner l’authenticité de l’être.

"Tout de suite, j'ai su que j'étais différente"
C’est aussi l’un des messages de Elle, moi, une autre… de Delphine Censier, qui souffre d’une amyotrophie spinale de Werdnig-Hoffmann. Son livre commence ainsi: «Tout de suite, j’ai su que j’étais différente. Tout de suite, j’ai eu conscience de ce que je ne pouvais pas faire. A l’âge de cinq ans, on m’a mise dans un fauteuil à roulettes et je me suis adaptée à la situation.» Aujourd’hui, Delphine présente ses autoportraits photographiques qui découvrent la beauté de son corps et la tendresse de ses formes. «Emerveillée et ravie», dit-elle, « je découvrais ce que je pouvais faire avec mon corps et repoussais mes limites». Et surtout: « Ma différence ne me pèse plus depuis que j’ai commencé à poser pour les photos. Je me sens légère et libre, pleine de projets et d’espoir. Demain sera encore plus beau qu’aujourd’hui… ».

A voir aussi, le défilé de John Galliano. «Everything and everybody is beautiful» dit Galliano, le nain et le géant, le jeune et le vieux, l’obèse et l’anorexique, chacun dans son plus grand apparat. Le message est très clair: vous êtes tous beaux, je vous vois tous beaux, chacun avec ses particularités et souvent son excentricité (excentrique, en dehors du cercle, différent…) et je vous habille en conséquence.

Sans oublier Alison Lapper, née sans bras et avec les deux jambes atrophiées, aujourd’hui mère d’un enfant non handicapé et inspiratrice, pendant sa grossesse, de la monumentale sculpture en marbre de Marc Quinn, Fourth Plinth, montrée à Trafalgar Square à Londres. «I regard it as a modern tribut to feminity, disability and motherhdod. The sculpture makes the ultimate statement aboiut disability – that it can be as beautiful and valid a form of being as any mother » dit Alison – et je me plais à ajouter, as any other.

Dans ce même contexte, chère lectrices des Quotidiennes, venez toutes à la soirée de l’Association Handiculturelles, le 6 décembre 2007. Pour information et inscripition: handiculture_6@hotmail.com.

La beauté sauvera le monde!


Publié dans les Quotidiennes le 14 novembre 2007