dimanche 15 mars 2009

L’éducation par la confiance : effet Obama ou effet Sarkozy ?

L’effet Obama d’abord. Oui bien sûr il y a mille effets Obama. Mais celui qui m’intéresse aujourd’hui me semble remarquable entre tous.
Il est de notoriété publique aux Etats Unis d’Amérique que lorsque l’on fait passer des tests académiques standards à des étudiants blancs et des étudiants noirs, les seconds performent en général environ 30% moins bien que les premiers. Eh bien, ces tests ont été administrés avant, puis après l’élection de Barak Obama à la présidence des Etats Unis. Lorsque les tests ont été administrés juste après, la différence classique avait presque disparu.
Pour étayer encore cette observation riche de sens, le New York Times du 7 février nous rappelle que lorsqu’avant ces mêmes tests académiques, on demande aux étudiants noirs de rédiger un texte détaillant leurs valeurs, la différence de performance est de même abolie.
Que nous disent ces résultats ? Ils nous évoquent des réalités que nous connaissons bien sûr : que la confiance en soi améliore la performance. Que le respect que les autres me portent – l’attention qu’ils portent à mes valeurs par exemple - me donne de moi-même l’image de quelqu’un d’intéressant, donc de performant. Une connaissance tout intuitive souvent, que nous transmettons naturellement en famille, en valorisant nos propres enfants, pour améliorer leur intégration et leur « réussite » sociales.
Connaissance intuitive parfaitement transférable en entreprise aussi : la notion de « capital humain » et de sa gestion optimalisée : mon meilleur « outil », mes collaborateurs ; ma mission prioritaire, en ma qualité d'entrepreneur : les former, les encourager, les valoriser. Leur dire, en mots ou mieux encore en action, la petite phrase magique… Yes we can ! Sans oublier que la valorisation ne va jamais sans écoute.
L’effet Sarkozy ensuite. Les discours, les réformes, les media. Un effet parmi d’autre, particulièrement regrettable : le découragement des professeurs et des enseignants-chercheurs, en province surtout, et, dans la foulée, des étudiants.
Au cours de son discours de présentation de ses futures mesures anti-crise, Sarkozy a omis de se pencher sur ce qui est pourtant l’une des composantes essentielles de la vie en général et de la vie française en particulier, à savoir, l’éducation. Une telle omission ne saurait inspirer confiance. Et pourtant, s’il est une richesse que la France, jamais, ne devrait vilipender, s’il en est une plus précieuse que toutes les autres, c’est bien la richesse intellectuelle. Peu cotée en bourse, peu sujette à la volatilité ou aux spéculations, la richesse de la pensée, sa complexité, les rapports entre réflexions et réalité et comment les premières peuvent infléchir la seconde sont un des fondamentaux français et la source, aujourd’hui comme hier, de la vraie gloire de la France, s’il en est une.
C’est en tous cas pour la pensée française et non pas pour sa politique que très personnellement, pendant des années, j’ai fait et continue de faire le voyage à Paris plus souvent qu’à mon tour : pour étudier, pour chercher, pour enseigner, pour apprendre, pour m’inspirer.
Il suffirait pourtant d’écouter les étudiants français : ils ont bel et bien des idées et cherchent à les appliquer au réel. S’ils aiment l’université, ils savent aussi que là-bas, dehors, dans « le vrai monde » il y a les entreprises et que leur avenir dépend d’elles, entre autres. La Confédération Etudiante a d’ores et déjà récolté les propositions - concrètes, intelligentes, modestes aussi - de … 70.000 étudiants ! Quelles propositions ? En voici quelques-unes, si raisonnables : Pour se préparer au mieux à leur avenir professionnel, les étudiants demandent à savoir ce que sont devenus les anciens de leurs filières. Ils voudraient aussi pourvoir travailler à la Fac même, dans les bibliothèques ou les salles informatiques, et que ce type de job puisse équivaloir à des stages pratiques en entreprise. Ils voudraient avoir plus de possibilités de partir à l’étranger, et pouvoir bénéficier en cours de cursus d’au moins une année d’expérience professionnelle. Ils sont favorables aux bourses d’entreprises : celles-ci leur mettraient à leur disposition des bourses d’études en échange de quelques années de travail, à la fin de leurs études.
Sur cette base, il serait très facile à Nicolas Sarkozy de transformer le découragement en confiance (et donc, d’améliorer significativement la performance estudiantine !) : il lui suffirait de reprendre ces propositions et de les appliquer, telles quelles. Simple, facile, économique, retour sur investissement maximal. Dans le domaine de l’éducation, la confiance n’a pas de prix. Valoriser les étudiants (et les collaborateurs de même…) en leur montrant que l’on tient compte de leur avis et que l’on fait confiance à l’intelligence de leurs propositions nous ramènerait à l’effet Obama !
Ne l’oublions jamais, à Genève non plus…



LIBRE LIVRE DE BARBARA POLLA
Journal d’une année noire de J.M. Coetzee, Seuil, 2008

Coetzee, né en Afrique du Sud et résidant australien, prix Nobel de littérature 2003, nous offre un étrange journal, à plusieurs voix, à la fois politique et affectif, présenté comme une musique dissonante se jouant sur trois portées qui ne se rencontrent jamais. Un vieil écrivain donne ses écrits politiques à rédiger à une jeune femme sémillante. Elle travaille – elle commente. Une troisième voix est celle de l’écrivain encore, son regard cette fois-ci non plus porté sur la politique, mais sur sa propre vie quotidienne, dont sa rédactrice fait intimement partie... Le livre se lit à l’horizontale, chacune des voix ayant sa place propre, page après page, et l’intelligence aiguë, la tendresse et la disgrâce se racontent en parallèle.
De l’Université, Coetzee nous dit notamment ceci : « les professeurs, qui auparavant menaient leurs recherches dans une liberté absolue, ont été changés en employés qu’on harcelait pour qu’ils remplissent des quotas sous la surveillance de professionnels de la gestion… » Il ne parle ni de la France ni de la Suisse – heureusement !

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Publié dans l'Extension, mars 2009

1 commentaire:

ADZAER a dit…

J'apporte mon témoignange sur un point précis. J'ai deux Masters II, et j'étais "majeur de promos" dans les deux Masters. La plupart de mes collègues ont trouvé un travail, moi non. Je ne suis pas un cas particulier, beaucoup de français d'origine étrangère souffrent d'un conservatisme primaire et d'une fermeture du système francais. J'ai arrêté mes recherches au bout de deux ans, et je prépare actuellement un doctorat. Je ne suis même pas sûr des résultats, mais que faire? Je n'ose pas parler à mes neveux et mes cousins encore jeunes, pour ne pas les décevoir davantage. En plus, avec le fameux "aimer la ou quitter la", Sarkozy a consacré l'idée de "français de seconde zone". Malheureusement, l'idée est tellement généralisée qu'ont ose même pas parler sans qu'on soit accusé de "communautarisme". Enfin bref, en attendant, beaucoup de gens souffrent. C'est pour dire, que le conservatisme n'est pas seulement dans l'appareil étatique.