samedi 5 juillet 2008

Parfum de père

La mémoire olfactive est probablement la plus puissante - même si nous n’en sommes pas toujours conscients - et l’odeur de l’autre déterminante dans la chimie de l’amour et du non-amour, de la proximité et de la distance. Je t’aime parce que tu sens bon, parce que ton parfum me rappelle mon enfance, ma petite enfance, ma toute petite enfance. Ou au contraire, je ne t’aime pas, parce que je ne peux pas te sentir. Parce que je ne t’ai jamais senti. Parce que tu m’es étranger, lointain extérieur.

J’aime ma maman parce qu’elle sent bon. Parce que c’est la meilleure odeur, celle que je connais depuis toujours. Les hommes aiment les femmes parce qu’elles sentent bon et les femmes s’aiment elles-mêmes pour la même raison. Parfum de femme, toujours si proche de celui que nous avons tous respiré au premier cri de notre vie. Et moi j’aime mon bébé, ce tout petit moi-même, parce que son parfum dérive du mien. Ah les délices du mélange de nos odeurs, quand il tète, le minuscule : celle du lait, celle de sa peau, celle de notre sueur, la mienne et la sienne qui perle délicatement en microgouttes à sa mesure sur sa lèvre supérieure et dans sa nuque lorsqu’il accomplit cet effort majeur : manger pour vivre, pour grandir, pour devenir, pour être, pour faire, pour voir, entendre, sentir, sentir surtout...

Papa ! Et toi ? Jetons, vite, tous nos bébés dans leurs bras. Dès la première minute, déshabillons les pères, qu’ils prennent au creux d’eux-mêmes nos tous petits, les nôtres, à eux et à nous. Que les bébés hument leur parfum masculin à travers les poils de leur mâle poitrine, leur haleine fraîche du matin et leur haleine du soir, l’odeur du savon à barbe, le tabac, le musc, le vent, les épices du sud et de l’est, romarin, basilic, gingembre et cumin... Qu’ils dorment dans les bras de leur père, qu’ils se baignent ensemble, que chaque occasion soit une source de bonheur olfactif partagé : ma fille, mon fils, mon papa… J’aime mon papa parce qu’il sent bon. Une autre odeur que celle de ma maman, un autre ressenti : un parfum différent, qui colle à une peau différente, associé à une voix différente - mais aussi délicieux, aussi rassurant, aussi évocateur, aussi puissant, aussi inoubliable. La diversité olfactive dès le berceau est désormais un must : pour chaque parfum de femme, un parfum de père.

Et quant aux papas, après avoir humé cet entêtant parfum d’extrasmall, ils ne pourront plus s’en passer. Nous devrons réclamer notre tour, pour pouvoir encore porter nos tout petits dans nos bras…

Barbara Polla, médecin, écrivain, mère de quatre filles.

Extra Small, été 2008

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