mercredi 5 novembre 2008

L'histoire est en marche

Les femmes, paraît-il, ont voté Barak Obama. Nous avons gagné cette nuit et nous allons changer le monde!

Je passe ma soirée à Washington, à Georgetown University, dans un appartement du campus, Henle 58, avec filles qui habitent ici et quatre étudiantes en sciences politiques toutes âgées de 19 ans. Depuis que je suis arrivée aux Etats Unis, un seul nom sur toutes les lèvres : Barak Obama. Une seule image : les queues devant les locaux de vote, sous la bruine de novembre. Je hèle un taxi : «Lady, je ne vous prends que si vous allez voter, aujourd’hui je ne conduis que ceux qui vont voter… ».

Les chauffeurs de taxi sont heureux aujourd’hui. Il règne une sorte de frémissement palpable, une attente sans agressivité. Les républicains semblent d’ores et déjà résignés. Je demande aux filles – mais pourquoi les femmes votent-elles Obama ? «Les minorités votent démocrate ». Je m’élève: mais nous ne sommes pas minoritaires ! La réponse fuse, immédiate : «oui mais les femmes sont considérées et traitées comme une minorité». Quant à la grande inconnue des hispaniques, elle s’avèrent limpide; ils ont voté Obama, eux aussi, comme nous.

Nous allons de CNN la démocrate, à FOX la républicaine, à MNSBC la neutre. Il est 22h30 heures. Sur CNN, on nous dit que McCain «has no path to victory». Roxy la texane tremble un peu, son père lui a dit qu’il la déshériterait, si elle votait Obama. Ce qu’elle fit, dans une grande excitation. Kelly avait prévu de voter Mc Cain, jusqu’à ce qu’il choisisse Sarah Palin comme vice-présidente. «McCain est modéré, c’est bien, mais Palin est vraiment trop concervatrice sur les questions sociales.» Tory quant à elle, aurait aimé voter pour l’un des outsiders, mais Ralph Nader lui paraissait trop dogmatique et Bob Barr trop libertaire; quant à Sarah Palin, «elle aura été la pire stratégie de McCain pour faire voter les femmes pour lui.» L’échec républicain sera pour toujours, «la faute à Bush» et «la faute à Palin».

Il est 23h. Obama a gagné la Virginie, un état républicain.

Encore quelques minutes, et Obama est Président des Etats Unis. Nous sommes encore le 4 novembre 2008. Il le sera le 20 janvier 2009. La question raciale est à peine abordée. C’est quelque chose dont les Américains ne parlent pas. Les commentateurs épuisés disent seulement que c’est la première fois que les Etats Unis ont un président noir – non, «afro-américain».
Mc Cain ne dit rien de différent. La réparation de l’injustice. Un grand silence soudain, à travers le pays. Des millions de visages afro-américains, à travers le pays, couverts de larmes. Edwin Neill, chef d’une entreprise familiale séculaire à la Nouvelle Orléans, me disait hier : «Je vote Obama, je vais expier le fait que mes ancêtres ont été des esclavagistes. Imagine l’espoir que cela représentera pour les enfants noirs de La Nouvelle Orléans !»

Tory enlève son T-shirt rouge et enfile un T-shirt bleu. «Cela vient d’arriver, cela arrive maintenant, nous sommes dans l’Histoire !» «Nous n’aurons pas l’air idiots, Sarah Palin ne sera pas notre porte parole auprès du concert des nations». Enthousiasme sur CNN, retenue sur Fox. Déferlante de joie à l’Université, à Georgetown, à Washington.

Cette nuit, l’émotion. Barak Obama ce soir, représente tous les Américains. Et le reste du monde qui s’est enthousiasmé pour lui. «L’Amérique, nous dit McCain, est la plus grande nation du monde. Et maintenant nous allons tous offrir à notre Président notre soutien et notre collaboration, pour construire un monde meilleur». L’Amérique existe ce soir. La politique reprendra ses droits, demain matin.

Publié dans les Quotidiennes

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