mercredi 12 août 2009

Collections particulières

Nadia Cantet est une enthousiaste amante de l’art pour qui « vivre avec l’art » est une nécessité. Son ouvrage Collections particulières (Flammarion 2008) présente 150 commandes privées d’art contemporain en France : l’une des multiples manifestations de la passion pour l’art et du besoin souvent irrépressible d’appropriation qui fait les collections privées. Elisabeth Lebovici dans son texte introductif intitulé « Les status du commandeur » décrit avec subtilité les liens qui se tissent entre collectionneur et artiste autour de la commande, avec références à Masoch : le collectionneur victime de sa passion cherche un bourreau qui le forme et fasse alliance avec lui. « Faire entrer le partenaire dans son univers et son fantasme comme un des éléments indispensables de la mise en scène… : préliminaire psychique à la relation entre l’artiste et le collectionneur ».

Mais parfois le collectionneur est aussi artiste, une situation des plus ambiguës rend le modèle immédiatement intéressant : Jean-Charles de Castelbajac est l’un d’entre eux, artiste, collectionneur, et ambigu, lui et son univers « où les hybridations sont légions ». N’est-il pas fils de Louis, marquis de Castelbajac et Jeanne-Blanche (née Empereur-Bissonet), pensionnaire chez les Oratoriens et les frères de Bétharam de l'âge de six ans jusqu'à ses dix-sept ans, passionné d'histoire militaire et marqué par Hannibal Barca et autre Bertrand du Guesclin ? En 1967, il rencontre le dadaïste Raoul Hausmann à Limoges : ce sera l'année de sa première photo, de sa première moto et de sa première veste, taillée dans sa couverture de pensionnaire.

Mais Jean-Charles de Castelbajac n’est pas seulement aristocrate et ambigu, il sait aussi être drôle et l’autodérision fait partie de ses armes. Il s’amuse sans retenue dans Collections particulières en allant jusqu’à l’extrême du narcissisme de l’artiste-collectionneur : chaque pièce parle de lui, du portrait de Pierre et Gilles Jean-Charles de Castelbajac et ses fils, aux dessins d’Artus : « Je suis je ne suis pas Jean-Charles de Castelbajac » ou encore « Après la mort de Malaval, de Jean-Michel Basquiat, de Keith, j’ai mis longtemps à trouver l’écho de mes idées, de mes intentions… »
Une collection, sans aucun doute, des plus particulières !


Publié dans les Quotidiennes, le 12 août 2009

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