jeudi 31 décembre 2009

L’estime de soi en cadeau, ou la lucidité bienveillante

Tribune libre

Noël approche, les cadeaux à offrir, les cadeaux à s’offrir. Le plus beau probablement : le travail sur soi. – « Non mais vous voulez rire, c’est Noël, et encore du travail ? » Eh oui…. car l’estime de soi est un travail de chaque jour. Un travail de construction de soi, jamais acquis, toujours à remettre sur le métier. Et peut-être le plus beau des cadeaux !
L’estime de soi ? Selon le Docteur Christophe André, psychiatre et psychanalyste français : le regard et le jugement que l’on porte sur soi-même, sous l’influence du jugement et du regard - réels ou supposés - des autres. Le miroir de soi, en somme, par son propre prisme et par le filtre des autres. L’estime de soi n’est pas une dimension stable de la personnalité, elle nécessite des apports réguliers pour se maintenir à un niveau satisfaisant, elle doit être entretenue par au moins deux nourritures essentielles : d’une part, toutes les formes de lien social (reconnaissance, approbation, admiration, affection… et élection) et, d’autre part, les différentes formes de sentiment de contrôle (réussir suffisamment souvent ce que l’on entreprend, se sentir en situation de faire de libres choix). De l’ensemble des travaux scientifiques qui portent sur l’estime de soi émerge une notion particulièrement importante sur l’équilibre intérieur et l’estime de soi : tous deux reposeraient « l’acceptation de soi ». Oui, une bonne estime de soi requiert cette acceptation, mais pas dans le sens de la résignation par rapport à ses défauts ou limites. Jamais de résignation – never surrender ! - mais une « lucidité bienveillante ». Une lucidité bienveillante envers soi-même, soucieuse de s’engager vers l’amélioration constante et le développement personnel. En d’autres termes, prendre conscience de nos faiblesses pour nous améliorer – mieux, utiliser nos faiblesses ou ce que nous considérons comme telles comme un levier de notre développement personnel.
Ce concept de lucidité bienveillante s’applique de manière particulièrement intéressante au domaine de l’esthétique et de la cosmétique. Une partie de l’estime de soi repose en effet sur la satisfaction de chacun de nous avec sa propre apparence physique. Et d’autres études montrent que la majorité d’entre nous pense qu’il est possible d’améliorer l’estime de soi et les relations avec autrui en prenant soin de son apparence physique. Là encore, acceptation oui, résignation non : la « lucidité bienveillante » envers notre propre apparence physique nous permet ainsi de révéler le meilleur de nous même, de notre esthétique fondamentale, voire de nous améliorer constamment. Il ne s’agit ni de se contraindre à des critères de beauté rigides et obsolètes ni de dériver dans le jeunisme à tout crin, mais d’être au mieux avec soi-même, dans son corps et dans sa peau, en utilisant sa personnalité, ses goûts et ses éventuels défauts physiques comme un levier d’amélioration. Bien manger (fruits et légumes y compris pendant les fêtes), se mouvoir avec plaisir (trente minutes de marche rapide au quotidien ou Saint Jacques de Compostelle, à choix), soigner son visage et son corps, retrouver une sérénité qui d’apparente peut-être au départ entraînera dans son sillage une sérénité plus profonde. Cosmétique, étymologiquement, vient de cosmos : décorer son visage c’est aussi décorer le monde. La cosmétique et l’art, d’une certaine manière, procèdent ainsi d’une même volonté de décorer le monde et de nous enrober de beauté. Pour une meilleure estime de soi, ou, en d’autres termes, parce que je le vaux bien !
Finalement, la notion d’estime de soi et de développement personnel est également essentielle dans le contexte entrepreneurial. Selon le Professeur William B. Finnerty, professeur d’entrepreneurship à Georgetown University, le développement de l’entrepreneur est essentiel au bon développement de l’entreprise : en effet, le concept même du succès de l’entreprise, à savoir, selon Finnerty, « la Maison de l’Equilibre », ne tient debout que si le chef d’entreprise s’attache autant à son propre développement personnel qu’à celui de ses collaborateurs. Le développement personnel ? La formation continue, l’innovation réussie, la créativité partagée… tous facteurs d’estime de soi. A s’offrir et à offrir. Joyeux Noël de travail !



Libre livre
Le Paradoxe amoureux de Pascal Bruckner

Le dernier livre de Pascal Bruckner, cet universel « spécialiste ès amour » comme je me plais à l’appeler, est à la fois didactique et littéraire. L’amour, toujours l’amour : depuis le tout début de l’étonnante production de romancier, d’essayiste et de philosophe de Pascal Bruckner, de Lunes de Fiel (adapté au cinéma par Roman Polanski) aux Voleurs de Beauté, de Mon Petit Mari à L’Amour du Prochain, du Nouveau Désordre amoureux au Paradoxe Amoureux, l’amour et ses splendeurs et ses misères (si misères il y a ?), tiennent une place essentielle. Avec ce dernier ouvrage (dont les plus belles pages sont dans les encadrés, comme des bijoux dans leur écrin), Pascal Bruckner, en pleine maturité, nous apporte sans en avoir l’air, une bonne nouvelle et beaucoup de judicieux conseils. La bonne nouvelle ? C’est qu’il n’y a pas de progrès en amour. Les conseils ? Aux couples déçus de ne pas retrouver l’absolu qu’ils attendaient au quotidien, il faut rappeler qu’aucune demande d’absolu ne peut être satisfaite. A ceux que terrasse le besoin de performance sexuelle, que le terrorisme de l’orgasme n’est que l’un des cadavres de mai 68, à enterrer au plus vite et définitivement. A nous tous : que nous devrions cesser d’attendre de l’amour ce qu’il ne peut pas offrir, à savoir la réalisation de soi. A tous ceux que tenaille la peur de la déception et des moqueries, il faut au contraire répéter : n’ayez pas honte de vos contradictions ou d’être qui vous êtes, « il n’y a pas une seule route vers la joie ». Sans oublier la plus fondamentale de toutes les recommandations de Pascal Bruckner : « Ne jugez pas ! ». Ni les autres, ni surtout vous-même. Lucide bienveillance, là encore.
Parce que… « Fuir qui vous aime, aimer qui vous fuit. Se jurer chaque matin de quitter l’autre et tenir ainsi vingt ans en caressant l’idée de la rupture. N’être sûr de rien, ni de son orientation sexuelle ni de son attachement, habiter le pays du peut-être, de l’hésitation sentimentale, n’être qu’un point d’interrogation qui dit : Je t’aime. Pleurer le départ d’un être auquel on croyait ne pas tenir, qui s’était fiché dans votre coeur à la manière d’une écharde. Vénérer, morte, une personne qu’on avait maltraitée, vivante…. Telles sont quelques-unes des inconséquences de l’amour. Pourquoi voudrions-nous qu’il en soit autrement ? Parler d’amour, c’est toujours partir de son désordre intérieur, fouiller le fond boueux de son âme pleine de bassesse et de noblesse. Mettons en scène sans les juger les folies du cœur des hommes. »

Publié dans l'Extension, décembre 2009

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