vendredi 30 avril 2010

Tempo di moda, tempo del'arte



Le temps est une composante essentielle de l'art contemporain. Selon l’historien d’art français Paul Ardenne, les artistes d'aujourd'hui célèbrent le culte du transitoire plus que de l’éternel. Et le désir d'éternité se dissout dans la contemporanéité, dans le présent et son activisme parfois délirant, mais revient en force dans la citation perpétuelle du passé.
Pour le philosophe italien Giorgio Agamben : « le contemporain n’est pas seulement celui qui, en percevant l’obscurité du présent, en cerne l’inaccessible lumière ; il est aussi celui qui, par la division et l’interpolation du temps, est en mesure de le transformer et de le mettre en relation avec d’autres temps... ». Gilles Deleuze, lui, que l'on pourrait imaginer en conversation avec Agamben, affirme que « la nouveauté est le seul critère de toute œuvre. ... Le nouveau, c’est toujours l’inattendu, mais aussi ce qui devient immédiatement éternel ... ».

La mode, elle, ne vit qu'un instant. Et cet instant, toujours, est déjà dépassé, oublié... Agamben encore l'analyse avec finesse : on n’est jamais « à la mode », le présent est déjà le passé. La temporalité de la mode est courte, rapide, saisonnière, évanescente. Au contraire, pour l’art, les temporalités sont longues, par définition et par goût, même dans l’art éphémère, dans l’art conceptuel, l’objectif est toujours de laisser une trace. Mais ces distinctions s'estompent, alors que que le temps de l'art devient rythmé par les foires, les salons et les ventes et que la mode entre en musée. Stylistes et artistes exposent ensemble en oubliant le temps qui les sépare, tels à Paris le styliste Kris Van Assche et l’artiste américain Matt Saunders. L'art, processus de transformation, est à la mode et le musée, lieu de conservation, se met en marche. Walking building de l'architecte grec Andreas Angelidakis adapte ainsi le musée à notre temps : « The walking building does not want to become another static museum. To reanimate this building we insert Athens, cars, buses, parks, housing, museum, shopping, transit empty space – a building animated by the everyday city line : a city animated by a hybrid hyperbuilding. » Un concept de musée dans lequel l'espace et le temps se rejoignent, et dans lequel l'art et la mode trouvent tous deux leur place hybride elle aussi.

Un concept de fusion, d’enrichissement et de différentiation hors temps que l’on retrouve dans la vidéo d’Ali Kazma, Casa di Moda (production Missoni). Dans cette vidéo, de fil en aiguille, de travail en défilé, le temps long et pénible de la confection et celui court et glamour de la présentation des vêtements est compressé en une dizaine de minutes. Reste la nostalgie de revoir et revoir encore ce qui a déjà disparu.

Publié dans Drôme, No 17, avril 2010

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