lundi 31 mai 2010

Yves Saint-Laurent au Petit Palais

Une exposition à ne pas manquer. De l'art ? Pas tout à fait - mais beaucoup d'artistes. Yves Saint-Laurent lui-même, d'abord, qui disait : « J’ai toujours placé au-dessus de tout le respect de ce métier, qui n’est pas tout à fait un art mais qui a besoin d’un artiste pour exister ».

Ses inspirateurs ensuite, de Mondrian à Picasso, d'Aragon à Cocteau - et les artistes qui ont réalisé l'exposition, en premier lieu Florence Müller, commissaire général et Farid Chenoune, commissaire associé, tous deux historiens de la mode et enseignants à l'Institut Français de la Mode, ainsi que Nathalie Crinière, responsable de la scénographie de l'exposition - mais aussi Catherine Deneuve et Buñuel le magicien : dans ce chef-d'oeuvre du cinéma qu'est Belle de Jour comme dans la vie, Catherine Deneuve était habillée par Saint-Laurent, et ceux qui ont aimé Belle de Jour ne peuvent avoir oublié la robe de grain de poudre noir et satin ivoire créée tout exprès pour donner à la sublime Deneuve ce faux air inimitable de jeune fille sage. Ou encore Marguerite Duras, écrivant que : "Les femmes de Saint Laurent sont sorties des harems, des châteaux et même des banlieues, elles courent les rues, les métros, les Prisunic, la Bourse." Nous donc... nous et notre corps de femmes, notre corps comme acteur du vêtement. Nous et notre modernité intemporelle que Saint-Laurent a si bien comprise, nous et nos smokings, nos blousons noirs empruntés aux mauvais garçons que nous aimons tant, nous et Robin des Bois.

Dans son studio mental d'abord, puis dans son studio de la rue Marceau, Yves Saint-Laurent, inspiré par la rue autant que par les artistes, créa ce troisième genre qui nous protège des deux autres, et constamment travaillait. Travaillait à oublier pour mieux recréer : "Tout ce que j'ai appris j'essaie de l'oublier." Oublier, entre autres, que l'on est Yves Saint-Laurent tout de même : indispensable, cet oubli là, pour pouvoir créer le personnage burlesque de "la Vilaine Lulu", qui après toutes ses aventures tristes et drôles finira par épouser le pompier de son coeur... Un bijou, la petite Lulu, ne l'oubliez pas, elle se cache derrière Belle de Jour, avant l'immense salle des voyages imaginaires et le mur des smokings...

Il faut apprendre beaucoup, et oublier beaucoup, pour créer toute sa vie, plus qu'un vêtement, un style ; plus qu'un style, un style de vie.

Publié dans les Quotidiennes, le 31 mai 2010

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