mardi 26 août 2008

Barbara Polla boxe la vie en jouisseuse, merci à Spinoza

Elle aimerait comprendre comment marche un cerveau masculin et pouvoir écrire «je» à propos d’un personnage viril tout en étant crédible. Barbara Polla a déjà pondu un essai sur les mâles: Les hommes, ce qui les rend beaux. «J’en ai interrogé deux cents en un an, c’était passionnant.» Elle aime la moto en passagère, les machines et la boxe, qu’elle pratique depuis trois ans avec un coach, deux fois par semaine. L’ancienne conseillère nationale libérale genevoise semble posséder mille cordes à son arc. Médecin, autrefois directrice de recherche à Paris, ex-chef de l’unité d’allergologie à Genève, capitaine, avec son mari, de Forever Laser Institut, fabricante de cosmétiques, mère de quatre filles, galeriste, auteur, essayiste, chroniqueuse: ce diable de femme vibrionne et affiche une énergie foudroyante.

Ce n’est pas la jeunesse derrière laquelle elle court, même si elle se pomponne un maximum. Non: sa mise en forme ne vise qu’à être bien dans sa peau. Et le secret de sa bonne humeur, c’est chez Spinoza qu’elle le puise. «Avec lui, on apprend à transformer les émotions négatives en positives. L’autonomie et la clarté dépendent de la personne. Chaque matin, je me demande ce que je veux. Lorsqu’on le sait, on agit en conséquence. La frustration est une émotion négative à transformer en action. Il y a une différence entre pouvoir et puissance. Si le premier s’exerce sur l’autre, la seconde, on la donne, on la transmet.» Et de citer Deleuze après Einstein. Madame, qui semble avoir réponse à tout, affectionne aussi les minuscules choses qui font la vie. Sourire à quelqu’un dans la rue, ce n’est rien, mais… C’est aussi une façon de dire merci à la chance.

Barbara Polla pense sans cesse et s’entraîne à abattre les barrières du cerveau. «Les choses multiples se fertilisent.» Ses adversaires politiques lui reprochaient d’embrasser trop. Lorsqu’en 2003 elle n’a pas été réélue, après quatre ans sous la Coupole fédérale, elle a mis d’octobre à Noël pour métaboliser le revers. «Mes filles s’en souviennent. Réussir, c’est facile. Je souhaitais leur montrer comment transformer un échec politique en réussite globale.»

La socialiste Marlyse Dormond Béguelin a siégé avec elle à Berne: «Elle jouait sur son apparence et affichait un discours très libéral. Je n’ai jamais trouvé son centre de gravité: vent et bulles de champagne sans substance profonde.» Le radical John Dupraz l’adore: «C’est une chef d’entreprise remarquable. Elle s’exprimait très bien, de manière originale, inventive, créative, hors des sentiers battus avec des idées décoiffantes.»
La production de cosmétiques absorbe beaucoup Barbara Polla. Deux de ses filles travaillent avec elle. Une assiste son père dans leur centre d’esthétique médicalisée. La dernière étudie.

Leur mère vient d’écrire deux romans en deux ans. Victoire est sur le point de sortir en Belgique. Sa galerie, qui expose de jeunes artistes plus ouverts sur le monde que sur leur nombril, se nomme Analix Forever. Analix était le nom du laboratoire d’analyse «criminologique» et chimique de Charles Wakker, un lointain cousin ayant joué un rôle important dans l’affaire Jaccoud qui secoua tout Genève dans les années soixante. En rachetant le lieu, les Polla ont gardé le nom. Elle dit s’inspirer beaucoup des Machines célibataires, le catalogue d’une exposition du très regretté Harald Szeemann, dont le titre renvoie à Marcel Duchamp. En mode, elle ne jure que par Khris Van Assche (KVA et Dior), qui expose à Analix.

Toujours libérale? De plus en plus, depuis qu’elle a démissionné du parti. Barbara Polla signe désormais ses chroniques dans L’Agefi et Les Quotidiennes en intellectuelle indépendante. Elle collabore aux revues françaises Intersection et Nuke . La sensualité des mots la chatouille et c’est à tort que son éditeur avait qualifié Empreinte , son premier roman, d’érotique.
Son défaut majeur? «Je suis très déterminée et il est difficile de me faire changer d’avis.» Elle se croit chiante alors que ses collaborateurs la décrivent comme «légèrement lunatique» ou impatiente. Elle peut rire comme une folle. Ambitieuse? «Evidemment.» Extravagante? «Tout à fait et je pourrais l’être davantage.»

Publié dans Les Quotidiennes