mercredi 31 décembre 2008

A toi bien sûr, cher lecteur...

Et pour 2009, vous savez quoi ? La lecture, rien que la lecture... Les bibliothèques font salles combles et les ventes de livres augmentent... L'un des rares consumer good, avec mes créations Alchimiques (www.alchimie-forever.com) à prendre de la hauteur !

Et à bientôt, pour l'épiphanie...

"A toi bien sûr" sur lagedhomme.com


Sortie littéraire

Working Men
Editions Luc Pire - Editions QUE
Art contemporain et travail


L’exposition Working Men est née d’une interrogation sur l’ambiguïté entre l’importance du travail aujourd’hui et sa relative invisibilité (dans les images comme dans l’existence). Enjeu sociétal et individuel, le travail fait et défait la destinée, d’aucun le considérant comme leur vie, leur identité, le gage de leur liberté, et non comme une simple partie de celle-ci.

Si le labeur peut être représenté par les artistes, une part non négligeable demeure insaisissable, imperceptible, se déroulant dans l’intimité des cerveaux...
Les œuvres présentées témoignent aussi bien de la vision de l’artiste sur le travailleur que de l’artiste en travailleur.

Au-delà du seul champ de l’art contemporain, ce livre souhaite questionner les nombreuses résonances géopolitiques, psychologiques, culturelles du travail à l’heure actuelle.

Sortie en France le 8 janvier, le livre est déjà disponible sur internet.
Commandez l'ouvrage en ligne.

Andrea Mastrovito chez Christian Dior

L'artiste Andrea Mastrovito rencontre Kris Van Assche, un lien plus que virtuel généré par Barbara.

Article de Barbara dans Blast à propos de ce lien... (PDF)

Dior Homme, l’art et les papillons
de Anne-Cécile Sanchez
Une nuée de papillons s’est posée dans la boutique Dior Homme de la rue Royale. Cette vision imagée et discrètement spectaculaire (ce sont, en tout, 9 000 lépidoptères de papier qui butinent en silence) est l’œuvre d’Andrea Mastrovito. Kris Van Assche a eu un coup de cœur pour cet artiste défendu par la galeriste Barbara Polla, par ailleurs médecin, écrivain et personnalité politique suisse. Le thème des papillons a fait le lien entre l’univers de Dior et celui d’Andrea Mastrovito, qui s’est inspiré pour cette installation de la collection hiver 08/09. C’est tout naturellement que l’artiste italien a ensuite imaginé de recourir au papier découpé, une de ses techniques de prédilection avec l’origami et la peinture. Après l’exposition de séries photographiques de Nan Goldin à la boutique d’Omotesando cet automne à Tokyo, cette première carte blanche parisienne traduit l’intérêt de Kris Van Assche pour l’art contemporain. Rédacteur en chef de « A Magazine » en avril dernier, Kris Van Assche avait déjà fait appel à Nan Goldin, mais aussi à Sarah Moon ou Jeff Burton. Avec cette installation éphémère, les adjectifs « poétique » et « romantique », très souvent employés pour évoquer le travail du directeur artistique de Dior Homme, semblent plus que jamais de circonstance.

Jusqu’à fin décembre
25 rue Royale, 75008 Paris.

Texte publié sur PRESTIGIUM.COM - LUNDI 8 DECEMBRE, avec Diaporama.

Et quelques liens supplémentaires, parmi tous les autres disponibles sur google:

LUXEMODE.FR - VENDREDI 5 DECEMBRE

LE FIGARO ET VOUS - QUOI DE NEUF - LUNDI 8 DECEMBRE

VOGUE.COM - LUNDI 8 DECEMBRE

MENSTYLE.FR - LUNDI 8 DECEMBRE

WALLPAPER.COM - MARDI 9 DECEMBRE

LIBERATION.FR - MARDI 9 DECEMBRE

La mode est un jeu


Et l'article au sujet de Kris Van Assche et Andrea Mastrovito

Blast, décembre 2008

lundi 1 décembre 2008

Humour noir

« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous. »
Paul Eluard

Le 14 juillet 2008 fut jour de chance : nous avions tous rendez-vous avec Jenny Mannerheim. Le 15 juillet aussi : j’ai rendez-vous, dans quelques instants, avec Christophe Fluder. Christophe est ce que l’on nomme pudiquement un homme de petite taille. Il avait défilé pour John Galliano et je l’ai trouvé si beau dans ses habits d’apparat, avec ses yeux brillants d’intelligence et son sourire moqueur, que je l’ai mis, avec son accord (celui de John, pas de Christophe), en couverture de l’un de mes livres.



Il arrive. En retard, comme d’habitude. Qu’il s’agit d’une habitude, cela, je ne le saurai que plus tard. Il s’assied. Nous sommes alors, les yeux dans les yeux. Elégant et cool, T shirt et pantalon kaki, ses petits pieds chaussés de petites baskets blanches. Ses grands yeux brillants d’intelligence. Il me raconte la chance d’être différent. Différent de qui, de quoi ?
Christophe est différent parce qu’il est noir. Noir vraiment ? Mais non, il ne cumule pas à ce point-là… Mais un jour, alors qu’il allait entrer « à la grande école », son père a pensé qu’il devait lui parler, lui expliquer, les choses, la vie…
« Bibi, approche, j’ai quelque chose à te dire ! Maintenant tu es un grand garçon, tu viens d’avoir six ans, demain tu vas entrer à la grande école. Tu vois ton copain Mamadou, Mamadou M’Boundé, lui par exemple il n’est pas pareil, il est différent. »
Christophe : « Ben oui ! »
« Bon eh bien toi c’est pareil, tu es différent. «
Christophe : « Ah bon. »
Et son père de lui expliquer pourquoi il est différent, comment, et que ce n’est pas grave, puisque d’autres aussi sont différents. Et à la fin il lui demande s’il a bien compris.
Christophe l’assure que oui : « Ben oui, je suis noir, et alors ! »



Christophe Fluder joue ses propres textes : son baptême de saut en parachute par exemple, avec ses trois amis, qui est en fauteuil roulant, qui malvoyant – avec son chien bien sûr - et qui n’a qu’un seul bras. Et sur scène, en parachutiste, il s’adresse au public : « Eh mais attention j’ai pas toujours eu ce corps ! Ca c’est grâce au sport … ».
« Monter sur scène, c’est un rêve qui était le mien bien avant que je n’aie réalisé que j’étais… noir. Ma chance, c’est de pouvoir, par le prisme de ma condition d’homme de petite taille, aborder des problèmes propres à ce que je suis mais dans lesquels tout le monde peut se reconnaître, et démontrer que nous partageons tous nos petites méchancetés, nos jalousies, nos mesquineries, nos difficultés à trouver notre juste place dans le monde, nos complexes, nos inhibitions. Je mélange les clichés, j’entretiens le quiproquo avec le public. Ma chance, c’est cette transversalité, les interactions qu’elle entraîne. Le fait d’être de petite taille m’a contrait à voir le monde autrement, de plus bas, et c’est encore une chance : je vois les choses avec une acuité que je n’aurais pas eue si je mesurais 1m80. »
Et ma chance à moi en cet été 2008 ? D’avoir désormais pour ami l’homme que j’avais choisi pour la couverture de mon livre. Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous.


Publié dans NUKE, décembre 2008

Prélèvements Urbains

Atypique, inclassable, exigeant et solitaire, méfiant et marginal, acrobate de l’autodérision - « I’m the Best in the West » - l’artiste prélève, dans la ville, des parkings, des vitrines, des escalators vertigineux et y laisse ses traces écrites, « Cry for beauty not for sense », toujours signées rouge vif « Patrick Mimran ». Mais il n’y a plus personne dans les photos de Mimran, comme si la ville s’était vengée d’avoir été prélevée et avait retiré à son tour toute vie humaine de ses merveilles sur papier glacé.

Il ne nous reste alors que la perfection plastique, et la panique de l’escalator dont on ne sait s’il monte vers l’Olympe ou s’il descend, au fond des parkings, vers les rives du Léthé, le fleuve dont l’huile s’écoule aussi silencieuse que les escalators de Mimran, et qui tient dans l’une de ses mains la coupe de l’Oubli. L’oubli de l’absence. La dernière chance.

Publié dans NUKE, décembre 2008

Le site de Patrick Mimran
En savoir encore plus sur Patrick Mimran





dimanche 30 novembre 2008

Paris – Buenos Aires et retour

Envol érotique

L’avion roule sur la piste. Airbus 319. Il tourne, tout en souplesse, de cette souplesse particulière des grands. Je me laisse aller, je me laisse bercer. Je regarde par le hublot, tous ces avions qui attendent et qui tournent, qui roulent doucement comme d’énormes lions repus et paresseux qui attendent d’avoir digéré leur plein de fuel pour porter à nouveau leur attention aux femelles qui les entourent et choisir celles qui les sortiront de leur feinte torpeur. Les Boeing 747 avec leur double pont sur le devant seulement, renflement voluptueux et prometteur, regardent de haut les Airbus 321 en version allongée. C’est étrange, tous ces avions qui tournent sur le tarmac : immaculés et luisants. Quelqu’un a dû effacer pendant la nuit ou repeindre en blanc toutes les inscriptions indiquant habituellement leur appartenance à des compagnies ou des nations. Désormais anonymes, affranchis et libres de leurs mouvements, ils s’envolent sans contrainte ni d’espace ni de temps.
Après de longues et délicieuses minutes de préliminaires pendant lesquels la douceur du roulage n’est troublée que par les délicats soubresauts du félin, le moteur soudain se met à gronder à plein volume, évoquant la puissance sauvage du désir retenu. L’avion bouge pourtant à peine. Le grondement s’amplifie : l’animal va s’élancer, il s’élance, dans un rythme désordonné d’abord - l’A319 s’érige, s’élève devant, puis au moment précis de l’envol, le rythme devient régulier, sans rien perdre de sa puissance, le mouvement parfaitement maîtrisé. La machine s’horizontalise dans les airs. Accélération, envol, acmé. Lorsque l’avion arrive à l’hyperbole de sa courbe, j’ouvre les yeux et regarde à nouveau par le hublot. Je me laisse couler au creux de mon fauteuil comme si je me lovais dans l’immense nappe crémeuse et veloutée qui soutient l’appareil en vol. Et je m’endors… Il n’y a personne dans le fauteuil à côté de moi et je puis impunément déguster mes rêves qui flottent comme une énorme voile gonflée par un vent aussi spatial que le vaisseau. Le calme revient, j’entrouvre les paupières pour regarder les autres passagers, je les vois lire, parler, regarder des images, comme si rien ne s’était passé. Le B747 suit puis dépasse : plus long à décoller, mais plus efficace dans l’horizontal. Avec toujours cet arrondi fastueux qui ne s’effondre jamais sur lui-même, même en croisière.


Retour sur terre

Des heures plus tard, le B747 amorce sa descente. Nulle effervescence, le calme de la plongée. Nuages épais, blanc nacré, ivoire, océan de douceur, perte de vitesse, apesanteur évanouissement désafférentation oubli de soi. Je perds pied, enrobé noyé immergé dans la douceur. L’avion pénètre avec délicatesse dans la marée nacrée. Absorption, abandon, délice. Je ne sais plus où je suis, au milieu d’un monde de mollesse et de tiède tendresse, quant au Boeing, il se laisse caresser par les nues, son extrémité avant s’y désintègre, il n’existe plus, seul existe le rapport à la matière, sa coque se gélifie, elle devient transparente, il n’est plus dans l’épaisseur même des nuages : il est devenu, lui-même, nuage.
Mais la déchirure guette, celle des nuées : des éclats éblouissants de lumière la traversent, la pénombre tiède est perdue à jamais. Aveuglement. L’euphorie organique se termine comme à chaque naissance, par le pire des chocs, celui de l’arrivée sur Terre. J’ai envie de hurler, mais il n’y a pas d’autre issue que la sortie par la porte avant de l’avion, aussi étroite que celle de la vie. Le temps volé est hors d’atteinte, le Pampero souffle froid, je dois respirer et me mettre à marcher, bien droit, sur ce tarmac que je n’ai pas vraiment choisi. Je dois désormais suivre les autres passagers, dans le même traumatisme, et en faisant semblant, comme eux, que je maîtrise la souffrance. Jusqu’au prochain départ… vite, un avion, encore… ou jusqu’au retour, Paris, Charles de Gaulle.



Publié dans Intersection, novembre 2008

mercredi 26 novembre 2008

Jean-Michel Olivier sur "A toi bien sûr"

A lire sur le blog de Jean-Michel Olivier:
jmolivier.blog.tdg.ch

Patrick Mimran, une solitude si parfaite

A Paris, le mois de la photographie n’en finit pas de s’étirer. ParisPhoto semble loin déjà, mais de nombreuses expositions consacrées à la photographie restent ouvertes jusqu’à la fin de l’année et justifient à elles seules le déplacement dans la Ville Lumière. Celle par exemple des photographies de Patrick Mimran, au Passage de Retz, en plein cœur du Marais. Dès l’entrée, d’immenses escalators d’une plastique vertigineuse happent notre regard, qui s’enfonce ensuite dans les entrées de parkings newyorkais. Une douzaine d’entrées de parking tellement parfaites qu’elles semblent avoir été toutes conçues par des artistes désormais disparus depuis longtemps, comme ont disparu aussi de ce réel magnifié les humains qui normalement habitent ces mondes urbains où ils aiment à se réunir autour d’eux-mêmes. Il se dégage de cette série de photographies une solitude totale, qui nous renvoie à celle du photographe lui-même - preneur d’image et technicien de la perfection - et par extension, à la nôtre. A l’entrée des parkings, au bord du désespoir, nous restons sidérés à la lisière d’un monde d’en bas d’où l’humanité a été chassée par toute cette beauté sur papier glacé.

En mezzanine, un autre monde nous attend, même si là aussi, le long des rues de Chelsea ou des canaux de Venise, les hommes ont disparu comme par enchantement : le monde des billboards de Mimran qui envahissent l’espace public avec des phrases telles que « Art is not where you think you’re going to find it », « Cry for beauty not for sense », « No art inside » placardé sur les poubelles urbaines, ou des prénoms, Masha, Laetitia, Jessica, probables souvenirs de celles qui ont été les femmes de sa vie – ou encore, dans le ciel bleu de Miami, une banderole probablement tirée par un avion hors champ, « I’m the best in the west »… toutes assertions signées en rouge majuscule, Patrick Mimran. Une promenade plus légère, entre drôlerie, tendresse et désenchantement.

Une exposition contrastée qui hantera longtemps votre mémoire – alors n’oubliez pas, avant de quitter le Passage de Retz, d’emporter avec vous l’un de ces gardiens du souvenir que sont les livres – il y en a plusieurs, à choix, anthologiques ou spécifiques de l’un des aspects de la création plurielle de Patrick Mimran – des livres signés Paul Ardenne, Paul Ardenne qui est aussi le commissaire de ces Prélèvements Urbains.

Patrick Mimran, Prélèvements Urbains, Passage de Retz, 9 rue Charlot, jusqu’au 4 janvier 2009, 10-19h tous les jours sauf le lundi.

Publié dans L'Extension, le 26 novembre 2008

mardi 25 novembre 2008

Cher tous

Chers tous

J'espère que vous allez tous bien et j'ai le plaisir de vous dire que...

... mon dernier roman, A toi bien sûr, vient de paraître à l'Age d'Homme et vous pouvez le trouver à la librairie, 5 rue Férou, juste derrière Saint Sulpice

... pour les hommes en particulier... - mais vous toutes bienvenues évidemment ! - tout près de Saint Sulpice aussi, 5 rue de Tournon, au Comptoir de l’Homme, jeudi prochain le 27 novembre, dès 17h, une surprise vous attend : moi bien sûr, avec chocolats suisses et tout ce dont votre peau pourrait avoir besoin

... après avoir été à la Hayward Gallery à Londres, Alchimie Forever se retrouve aussi, en collaboration avec la galerie Magda Danysz, chez Arty Dandy, à la Grande Epicerie du Bon Marché, au premier juste après l’escalator, en compagnie d’une magnifique photo de ma merveilleuse amie Ornela Vorpsi, que vous retrouverez d’ailleurs dans le prochain numéro du magazine Nuke, magazine de Jenny Mannerheim, une autre de mes merveilleuses amies, un numéro consacré à la CHANCE, il était temps !

... la semaine du 15 décembre, jusqu’au 22, si vous vous ennuyez de moi, pas de panique, vous pouvez me retrouver chez Sephora, aux Champs Elysées, avec mes esthéticiennes, qui vous offriront un soin inoubliable...

... et quoi encore ? Ah oui, le travail... L’exposition que nous avons co-signée, Paul Ardenne et moi, ce printemps à Genève, a fait l’objet d’un livre, Working Men, que vous devriez trouver aussi en librairie à Paris dès janvier

... et puis... quelques autres surprises nous attendent, un peu secrètes encore, comme une rencontre privilégiée entre deux artistes avec qui j’ai le bonheur de collaborer – qui ? ha ha, tout le reste de vive voix !


Je vous embrasse tous - et... Yes we can !

Barbara

jeudi 6 novembre 2008

Bienvenue en Obamie

Yes we can. L’Amérique, le lieu où tout est possible. Le pire parfois, le meilleur souvent. Selon Barak Obama : « Le rêve de nos fondateurs est en vie ».
La victoire de Barak Obama est une victoire historique, tout le monde est d’accord là-dessus. Obama Makes History, titre le Washington Post de ce mercredi 5 novembre. Et quels que soient les problèmes, problèmes de proportions non moins historiques que son succès, dont Obama va hériter le 20 janvier 2009, si ce n’est dès aujourd’hui, la victoire du premier Président américain afro-américain restera pour toujours un jour de joie dans ce pays. La nuit dernière l’ambiance dans Washington était celle des rues de Paris lors de la victoire de la France au mondial de football. Mardi, les gens ont attendu, devant les églises, devant les écoles, trois, voire quatre heures, pour pouvoir voter. Ce matin, plus personne n’attend, tout le monde s’affaire, sourire aux lèvres. Au travail. Barak Obama s’est bel et bien adressé à tous les « working men and working women » du pays. Et par trois fois, au moins, il a parlé de sacrifices. Ceux d’ores et déjà concédés, mais aussi ceux qu’il va falloir concéder encore pour reconstruire le pouvoir de la démocratie, la paix, le pays, et sa place dans le monde. A ce message, même la bourse de Hong Kong répond positivement – même si oui, en effet, les choses ne se feront pas toutes seules.
Barak Obama l’a dit et répété : pas tout seul. Il se veut le président de tous les Américains : « démocrates et républicains, homosexuels et hétérosexuels, handicapés et non handicapés, nous ne sommes pas une addition, nous sommes et nous serons toujours, les Etats Unis d’Amérique ». Républicains et démocrates : la saveur de la victoire est d’autant plus belle que l’adversaire est meilleur. Le discours de John McCain, avant minuit, ce quatre novembre, ne pouvait qu’emporter l’adhésion de tous ceux qui ont voté Obama, aussi. « Je n’ai ce soir dans mon cœur, que mon amour pour mon pays et ses citoyens. » L’Amérique, nous dit essentiellement McCain, est la plus grande nation du monde. Et maintenant nous allons tous offrir à notre Président notre soutien et notre collaboration, pour construire un monde meilleur. Barak Obama est mon Président, mon soutien lui est acquis, pour le meilleur du pays. Et Barak Obama de répondre, une heure plus tard : Je veux être le président aussi, de tous ces Américains dont je dois encore gagner le soutien. Je félicite le Sénateur McCain. Je félicite le leader qu’il est, comme je félicite tous les républicains, et je me réjouis de travailler avec eux. La promotion des libertés individuelles et de l’unité nationale sont des valeurs républicaines que nous partageons tous.
Jim Hunt, professeur d’entrepreneurship à Georgetown University à Washington, « serial entrepreneur » lui-même, républicain depuis toujours, a voté pour McCain. Mais il ne lui a pas échappé que la défiscalisation des gains en capitaux pour les petites entreprises proposée par Obama serait très intéressante pour le développement du tissu entrepreneurial. Tina Alster, l’une des top ten dermatologues des Etats Unis, établie à Washington depuis une vingtaine d’années, cheffe d’entreprise d’une douzaine de collaborateurs dans le domaine de la beauté high-tech, vote depuis toujours démocrate, et après avoir soutenu Hillary Clinton contre vents et marées, a voté pour Obama avec conviction. Sans relation avec les efforts qui seront consentis par lui pour les petites entreprises – elle ne prévoit pas de vendre – mais parce que « les problèmes sociaux de l’Amérique sont aujourd’hui bien plus importants que la questions des taxes. Payons nos impôts et préparons l’avenir ! » Cet avenir est fait de défis. Les principaux rappelés par le Président élu sont, bien sûr, la pire crise financière que nous connaissions depuis longtemps, l’Irak, mais aussi et surtout les gens, les écoles, les emplois… Toutes nos priorités restent des priorités, précise Obama aujourd’hui, même si certaines devront attendre un peu plus longtemps que d’autres. Conscient des difficultés, il précise encore « qu’on ne va peut-être pas y arriver en un an, ni même en quatre » – mais même si le gouvernement ne peut pas résoudre tous les problèmes, nous y arriverons, nous, peuple d’Amérique. Nous ferons les sacrifices nécessaires. « Car la victoire de ce soir n’est pas encore le changement, elle n’est que la possibilité de créer ce changement. » Malgré tout, les Américains ont bel et bien l’impression, aujourd’hui, d’avoir su infléchir « l’arc de l’Histoire », et d’être, une fois de plus, porteurs de changement. Pour eux-mêmes certes, mais aussi pour le monde.
On entend encore, ici et là, dans les rues, dans les Starbucks, même aux guichets des quelques banques qui restent ouvertes, que « la vraie force de notre nation vient de la puissance de nos idées, de la démocratie. » C’est cela, le génie de l’Amérique : yes we can. America, never surrender !
« Sobre », conclut, sobrement elle aussi, une immigrée à la fin du discours d’Obama. « Il me rend fière d’être américaine » dit Laurel, étudiante en sciences politiques à l’Université de Georgetown. « Les quatre prochaines années vont voir venir le temps l’intégration de toutes nos minorités - Obama peut faire cela » affirme une jeune républicaine qui ne semble pas déçue. D’autres, en Europe, prévoient des lendemains de gueules de bois sans précédents. Mais je donnerai le mot de la fin à une enseignante genevoise : « Le bon sens est de retour. » Bienvenue en Obamie, le pays du bon sens et du calme.

Publié dans l'Agefi, le 6 novembre 2008

mercredi 5 novembre 2008

L'histoire est en marche

Les femmes, paraît-il, ont voté Barak Obama. Nous avons gagné cette nuit et nous allons changer le monde!

Je passe ma soirée à Washington, à Georgetown University, dans un appartement du campus, Henle 58, avec filles qui habitent ici et quatre étudiantes en sciences politiques toutes âgées de 19 ans. Depuis que je suis arrivée aux Etats Unis, un seul nom sur toutes les lèvres : Barak Obama. Une seule image : les queues devant les locaux de vote, sous la bruine de novembre. Je hèle un taxi : «Lady, je ne vous prends que si vous allez voter, aujourd’hui je ne conduis que ceux qui vont voter… ».

Les chauffeurs de taxi sont heureux aujourd’hui. Il règne une sorte de frémissement palpable, une attente sans agressivité. Les républicains semblent d’ores et déjà résignés. Je demande aux filles – mais pourquoi les femmes votent-elles Obama ? «Les minorités votent démocrate ». Je m’élève: mais nous ne sommes pas minoritaires ! La réponse fuse, immédiate : «oui mais les femmes sont considérées et traitées comme une minorité». Quant à la grande inconnue des hispaniques, elle s’avèrent limpide; ils ont voté Obama, eux aussi, comme nous.

Nous allons de CNN la démocrate, à FOX la républicaine, à MNSBC la neutre. Il est 22h30 heures. Sur CNN, on nous dit que McCain «has no path to victory». Roxy la texane tremble un peu, son père lui a dit qu’il la déshériterait, si elle votait Obama. Ce qu’elle fit, dans une grande excitation. Kelly avait prévu de voter Mc Cain, jusqu’à ce qu’il choisisse Sarah Palin comme vice-présidente. «McCain est modéré, c’est bien, mais Palin est vraiment trop concervatrice sur les questions sociales.» Tory quant à elle, aurait aimé voter pour l’un des outsiders, mais Ralph Nader lui paraissait trop dogmatique et Bob Barr trop libertaire; quant à Sarah Palin, «elle aura été la pire stratégie de McCain pour faire voter les femmes pour lui.» L’échec républicain sera pour toujours, «la faute à Bush» et «la faute à Palin».

Il est 23h. Obama a gagné la Virginie, un état républicain.

Encore quelques minutes, et Obama est Président des Etats Unis. Nous sommes encore le 4 novembre 2008. Il le sera le 20 janvier 2009. La question raciale est à peine abordée. C’est quelque chose dont les Américains ne parlent pas. Les commentateurs épuisés disent seulement que c’est la première fois que les Etats Unis ont un président noir – non, «afro-américain».
Mc Cain ne dit rien de différent. La réparation de l’injustice. Un grand silence soudain, à travers le pays. Des millions de visages afro-américains, à travers le pays, couverts de larmes. Edwin Neill, chef d’une entreprise familiale séculaire à la Nouvelle Orléans, me disait hier : «Je vote Obama, je vais expier le fait que mes ancêtres ont été des esclavagistes. Imagine l’espoir que cela représentera pour les enfants noirs de La Nouvelle Orléans !»

Tory enlève son T-shirt rouge et enfile un T-shirt bleu. «Cela vient d’arriver, cela arrive maintenant, nous sommes dans l’Histoire !» «Nous n’aurons pas l’air idiots, Sarah Palin ne sera pas notre porte parole auprès du concert des nations». Enthousiasme sur CNN, retenue sur Fox. Déferlante de joie à l’Université, à Georgetown, à Washington.

Cette nuit, l’émotion. Barak Obama ce soir, représente tous les Américains. Et le reste du monde qui s’est enthousiasmé pour lui. «L’Amérique, nous dit McCain, est la plus grande nation du monde. Et maintenant nous allons tous offrir à notre Président notre soutien et notre collaboration, pour construire un monde meilleur». L’Amérique existe ce soir. La politique reprendra ses droits, demain matin.

Publié dans les Quotidiennes

lundi 3 novembre 2008

Transformer la peur en valeur

On connaît le rôle fondamental de l’Amérique et des Américains : il leur appartient, fondamentalement, de sauver le monde. En attendant la relève du 4 novembre, ils s’activent… par exemple, en écrivant des best sellers, comme Tim Sanders http://www.timsanders.com/ : Saving the World at Work (2008). Et que nous dit Tim Sanders ? Que plutôt que de passer du temps à nous pencher de manière obsessionnelle sur l’analyse de la crise, nous ferions mieux de nous occuper de nos clients !
Certains ont vu les amateurs d’art déambulant à la FIAC la semaine dernière les Echos à la main, détaillant les résultats des bourses de ce monde, sans jeter même un coup d’œil à ses vraies merveilles qu’hier encore ils achetaient frénétiquement. Tim Sanders, lui, nous propose de lever la main gauche si nous avons regardé le cours des bourses au moins quatre fois par jour. Et de lever la main droite si nous nous sommes penchés sur la question de la satisfaction de notre clientèle, au moins quatre fois par jour. Si la main gauche se lève plus vite ou plus souvent, cela signifie que nous nous laissons faire par les temps qui courent, au lieu de saisir l’opportunité de fidéliser une clientèle qui a plus que jamais besoin qu’on s’occupe d’elle. Améliorer le service à la clientèle et accumuler des points positifs en « customer-love » nous prépare au renouveau : nous serons là, les premiers, fin prêts lorsque le printemps reviendra. Comme le dit encore Sanders, le marché s’occupe de lui-même, et les cours des bourses vont monter et descendre sans l’intervention des chefs d’entreprise. Mais le marché ne s’occupe pas des clients… les clients, c’est notre champ d’action. Il s’agit de leur montrer aujourd’hui que nous sommes confiants de savoir transformer la peur en valeur, plutôt de se les arracher à coups de dumping des prix. Celui qui a vendu à la FIAC une video de Bill Viola à un client, qui en avait acheté une l’an dernier, à 30% moins cher qu’en 2007, aura beaucoup de peine à tenir les prix en 2009. Celui par contre qui vend la vidéo du même Viola, au même prix qu’en 2007, mais qui en même temps, offre une petite œuvre d’une jeune artiste inconnu, ou se propose d’aller au domicile du client pour lui suggérer la meilleure installation possible de cette vidéo, tout cela avec le sourire bien sûr, investit dans la satisfaction clientèle. La cote du sourire a d’ailleurs monté en flèche en bourse : sa rareté le rend extrêmement précieux !
D’autres manières encore de transformer la peur en valeur : se rendre compte que les négociations sont plus aisées que jamais. Sans en abuser, il s’agit d’en profiter pour négocier même avec ceux qu’on n’aurait jamais cru accessibles à la discussion. La mise en place de collaborations multiples est grandement facilitée par la crise et « mon succès à moi meilleur que les autres » peut aisément être remplacé par notre succès commun : notre valeur ajoutée. C’est aussi le meilleur moment d’engager des collaborateurs de haut vol qui sont prêts à oublier allégrement les parapluies dorés, tout occupés qu’ils sont à installer les paratonnerres ! Alors en attendant que Barak Obama sauve le monde, occupons-nous donc de notre clientèle et de sauver nos entreprises.

Publié dans l'Agefi, le 3 novembre

jeudi 30 octobre 2008

Sylvie Fleury, YES TO ALL & YES TO HER !

Hier soir Sylvie Fleury était la reine de Genève. Une foule compacte au MAMCO, impossible de circuler dans les rues voisines du musée, la pluie froide dehors, bientôt novembre – mais à l’intérieur, paillettes, couleurs, sexe humour et flamenco, à la manière de l’exposition de Duchamp, Man Ray et Picabia proposée cet été au Passage de Retz à Paris par Hubert Martin. Comme le célèbre trio, Sylvie Fleury n’aura «jamais abandonné les principes fondateurs d'une création centrée sur l'individu, en rupture avec toutes les idéologies, croyances et idéalismes de toutes sortes».

Elle est là, au milieu du musée, attendant l’heure du champagne, rayonnante «oui, j’ai voulu offrir du plaisir, seulement du plaisir, abattre toutes les barrières, balayer toutes les peurs». Pari réussi: l’exposition, anthologique pourtant, est jouissive, surchargée, colorée, intelligente, drôle, belle, ironique, «traversée de désirs et de dérives consuméristes».

Des voitures crashées aux champignons géants de couleurs irisées, des fusées à la conquête de l’espace à la cosmétique - HYDRATE, LIGHTEN, PURIFY, SOOTHE, enjoignent les néons disposés dans l’escalier – Sylvie Fleury nous présente à sa manière un hommage aux futuristes qui au début du siècle dernier proclamaient: « Nous voulons chanter l'amour du danger, l'habitude de l'énergie et de la témérité... Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l'audace, et la révolte… Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle: la beauté de la vitesse…»

La vitesse de la transformation notamment – le MAMCO lui, en tous cas, est transformé en une usine à rêves, rêves de paillettes et de néant. L’histoire d’une vie, l’histoire d’une œuvre, une vraie puissance et une grande cohérence. Merci Sylvie - et que tous ceux qui ont aimé le néon rouge YES TO ALL sur la Plaine de Plainpalais courent le retrouver au MAMCO!

Paillettes et dépendances ou La fascination du néant, MAMCO, jusqu’au 25 janvier 2009.

Publié dans Les Quotidiennes, le 29 octobre 2008

lundi 20 octobre 2008

Les effets bénéfiques de la crise (II)

Toute crise, quelle qu’elle soit, a toujours des effets positifs. Elle est comme une boule dans un jeu de quilles, elle remet tout en jeu, elle permet à certains d’émerger qu’on avait oublié, elle « set the moove ».
Mais dans Genève la feutrée, il ne se passe pas (encore ?) grand chose. On entend bien quelques plaintes, les banquiers souffrent de l’angoisse de leurs clients - plus que de la leur semble-t-il - les activités se restructurent, certaines se centralisent à Zurich, les mesures d’économies pointent à l’horizon, l’emploi frémit. D’aucuns nous recommandent de cultiver notre jardin. La boule n’a pas encore fait tomber les quilles et la stabilité n’a pas encore été remplacée par le mouvement.
Une chose a pourtant, déjà, fondamentalement changé. La crise ferait presque croire à la Suisse qu’elle fait partie de l’Europe. Même les plus anti-européens d’entre les Suisses – et cela en fait beaucoup – ont soudainement changé de ton, surtout dans les milieux bancaires. On n’a plus que l’Europe à la bouche, l’Europe unie. Unie contre, ou plutôt pour, la finance mondiale. C’est bien là l’un des effets les plus positifs de toute crise, ces liens que les menaces extérieures créent classiquement à l’intérieur d’une structure, qu’elle qu’elle soit. Que la menace extérieure soit la concurrence sur les entreprises, ou le risque d’effondrement des systèmes en place pour les nations, elle crée toujours, dans le meilleur des cas, une nouvelle cohésion.
Et à lire les medias suisses se congratuler des accords européens, sur les prêts, les faillites et la recapitalisation ; déplorer le manque de coordination entre responsables politiques et le temps mis (une semaine tout de même !) pour prendre la mesure des risques, se réunir, préparer un plan, le présenter, et rassurer tout le monde ; se féliciter ensuite de cette coordination, du rôle de Nicolas Sarkosy, le leader qui se révèle dans les crises (personnelles ou politiques, la rupture d’abord) ; souligner la cohérence entre les actions britanniques et celles de la zone euro… C’est presque comme si tout ceci se passait en Suisse, à Genève, au cœur de l’Europe. Where else ? Peut-être que l’un des effets bénéfiques de la crise, sera-t-il, pour la Suisse, de réaliser enfin que l’Europe n’est pas seulement structure de centralisation, mais surtout de coordination ; qu’elle n’est pas seulement un monstre qui coûte cher, mais qu’elle peut rapporter gros ; qu’elle n’est pas seulement garante de stabilité géopolitique et de paix, mais aussi de stabilité financière et économique ; qu’elle n’est pas seulement Tour de Babel mais aussi creuset de cohésion globale ? Si cela pouvait être le cas, et que la Suisse décide enfin de remettre en cause son isolement qui n’a de splendide que l’ignorance qui le fonde, bénie soit-elle !

Publié dans l'AGEFI

jeudi 16 octobre 2008

Les effets bénéfiques de la crise (I)

Au-delà de ses effets de déstabilisation et de déperdition, toute crise a aussi des effets bénéfiques, qu’il s’agisse de crise politique, financière, personnelle, entrepreneuriale… En premier lieu, la situation de crise a des effets physiologique sur notre propre organisme : elle stimule l’adrénaline, entre autres, ce qui fait que l’on prend des décisions plus rapides et que l’on se sent en fait, notablement plus vivant. De manière intéressante, les médias en général, qui montrent et présentent plus volontiers des images de crise que des images de calme, misent sur cet attrait si humain pour les situations de crise – de préférence bien sûr, celles des autres.
Mais en l’occurrence, la crise financière nous concerne tous – comment alors en tirer bénéfice ? Tout d’abord, une telle crise remet en cause des principes souvent trop vite considérés comme établis. Le mouvement (même s’il est vers le bas), la changement, l’adaptation, l’évolution sont des principes fondamentalement libéraux. La crise actuelle bouscule les positions des uns des autres, certaines entreprises de taille moyenne disparaissent, certaines grandes deviennent immenses, certaines petites, peuvent saisir l’opportunité que leur laissent les plus grandes - tout occupées que celles-ci sont à régler leur propres problèmes internes - de se positionner de manière plus intéressantes sur le marché. Car le monde économique n’est pas sidéré, les gens n’arrêtent pas d’acheter, même s’ils modulent leurs comportements d’achat.
Parmi les grandes, on peut citer la Société Générale, dont le PDG, Daniel Bourton, aurait réalisé une plus-value de 1,3 million d'euros en moins de quatre mois, malgré la chute du titre en Bourse, en revendant des actions de son groupe acquises au titre de stock-options. Mais « les bonnes affaires de la crise », comme titrait Marianne le 5 novembre 2001 et Le Point cette semaine, concernent avant tout les petites entreprises, en particulier celles qui proposent des produits originaux, novateurs, et pas trop chers, que ce soit dans le tourisme, les voyages, l’immobilier, ou le « affordable luxury ». Comme disait Leonard Lauder « when the economy gets worse, lipstick sales increase ! ». Après les défilés de ce début d’automne, les acheteurs de vêtements par exemple ont privilégié les maisons personnalisées, les productions de niche et les marques exclusives du fait de leur positionnement plus que de leur prix. Ces atouts, on les retrouve dans tout ce qui peut donner aujourd’hui à un prix raisonnable un sentiment de bien-être, d’exclusivité, de protection – de s’occuper de soi et de se faire plaisir. Les restaurants n’ont jamais été aussi pleins, les fitness battent leur plein et le succès exponentiel, à Paris, du Comptoir de l’Homme, une boutique de cosmétiques dont les clients sont des hommes de tous horizons, en étonne plus d’un. Not only lipstick ! Les bonnes affaires de la crise n’ont pas fini de nous surprendre. Et pourtant, elles répondent tout simplement au besoin d’en inverser les effets physiologiques. Retour au calme et à la maîtrise.

Publié dans l'AGEFI

mercredi 15 octobre 2008

L’intelligence, l’esprit, la beauté, l’amour

Un credo à la puissance 104. C’est en tout cas avec ces mots: «l’intelligence, l’esprit, la beauté, l’amour», prononcés sans emphase ni faux-semblant, que le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, a clos son discours d’inauguration du 104. Le 104? Mais oui, 104, rue d’Aubervilliers. Rue Curial aussi – en fait, une sorte de passage, entre le 18e et le 19e arrondissement, constitué par les bâtiments des anciennes Pompes funèbres municipales.

Après une très longue histoire de sauvetage, de reconstruction sans démolition, de restauration, de transformation, d’imagination, conduite par l’Atelier Novembre (Marc Iseppi et Jacques Pajot, architectes) sous une houlette politique enthousiaste de bout en bout, qu’il s’agisse du Maire du 19e, du Maire de Paris, ou encore de la Région, les anciennes Pompes funèbres se voient transformées en un lieu de création vivante, un lieu, selon Delanoë, dont «rien de l’âme de la création ne soit exclu», un lieu qui devra s’inventer chaque jour, un lieu de mondialisation humaine, «sans barrière à l’émotion du beau ou de l’art».

39 000 mètres carrés: ateliers de création, de «fabrication artistique», salles de diffusion, artistes en résidence, ateliers pour artistes amateurs, ouverture sur le monde, pépinière d’entreprises innovantes, jardin suspendu, club fondateur des sponsors… rien ne semble avoir été oublié.

Trop idyllique? Forcément récupéré, la culture mise sous tutelle politique? Dirigé par deux hommes de théâtre (Robert Cantarella et Frédéric Fisbach) sans compétence dans les arts plastiques? Populiste? Rien n’indique que cela sera. Si vous n’étiez pas à l’ouverture, ce 11 octobre; si vous n’avez pas entendu le concert gratuit de Tricky; si vous n’avez jamais mis les pieds dans le 19e arrondissement et si vous n’avez pas encore vu Slick, la foire alternative d’art contemporain qui sera cette année accueillie en ces lieux, à faire verdir de jalousie le Grand Palais: allez voir le 104, toutes affaires cessantes. Car l’art et la culture sont désormais des biens de première nécessité. Et dans le 19e arrondissement de Paris, c’est bien de cela dont il s’agit: de la première nécessité. L’intelligence, l’esprit, la beauté, l’amour.

Publié dans Les Quotidiennes, le 15 octobre

mardi 7 octobre 2008

7 octobre 2008 La culture, source et cadre de toute politique urbaine

Publié dans Les Urbanités, RSR.

La ville est ma patrie. Je préfère les hommes aux arbres. Et il me plaît que l’immense majorité des humains préfèrent comme moi habiter les villes, pour être proches des autres humains, le plus proches possible. Quitte à réduire leur espace vital à presque rien – pourvu que l’on soit avec les autres, avec l’Autre. Qu’importe alors, la qualité urbaine souvent déplorable en terme d’habitat, de logements, de transport. L’important est ailleurs : dans la parole échangée, dans la stimulation de la pensée, dans la créativité fourmillante. Dans le rapport à l’Histoire, à sa permanence, ou à l’illusion que l’on pourrait faire partie de celle qui est en train de s’écrire. Dans la solitude partagée avec le plus grand nombre.

Seule la culture permet de pardonner aux villes d’être ce qu’elles sont. De pardonner voire d’oublier leur urbanisation aberrante, leur segmentarisation, l’externalisation des derniers arrivants, la mise des marges à la marge. Elle seule permet d’intégrer la perte permanente, de ce qui est et qui l’instant d’après, n’est plus, déjà remplacé par autre chose. Seule la culture… mais - laquelle au juste ? La culture humaine bien sûr, pas celle de l’herbe sur mon balcon – la culture qui, selon l’Unesco, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société, un groupe social ou un individu. C’est pour tout cela très précisément que nous aimons les villes : pour ses traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs. La question de la place de la culture dans la politique urbaine trouve sa réponse dans le fait que la politique urbaine n’est rien d’autre que l’une des multiples émanations de la culture.

Sans hésitation : la culture est primordiale. Elle est la vi(ll)e même. Toute politique urbaine qui souhaite endosser ce nom ne peut être que culturelle. Il n’y a pas d’alternative. Et dans la mesure où la parole, création permanente, universelle, toujours en activité - songez un peu, combien de mots se disent, chaque jour, dans une ville digne de ce nom, simultanément et dans toutes les langues - dans la mesure où cette parole est bel et bien la manifestation la plus spécifique de l’activité culturelle humaine et le vecteur du savoir, la politique urbaine se doit de lui donner une place toute particulière. Lui offrir par exemple des lieux alternatifs, des marchés noirs de la connaissance (Blackmarket of Useful Knowledge and Non-Knowledge, http://www.mobileacademy-berlin.com/englisch/2006/schw_be06.html) comme d’immenses écrans urbains sur lesquels la MobileAcademy projetterait en plein air, au milieu de la nuit, au coeur d’une Genève palpitate, des débats de philosophie plus fréquentés que toutes les star académies. Lui rendre, à la parole, et à celle poétique de préférence, les espaces publicitaires, ces espaces carnivores, et tous les espaces intermédiaires, que les artistes de rue tels Robert Montgomery, Banksy ou ZEVS utilisent subrepticement pour nous émouvoir ou nous surprendre.

La culture, l’activité humaines, sont donc la source et le cadre de toute politique urbaine. Reste la question corollaire de savoir, quelle politique urbaine va satisfaire l’homme de la ville ? La réponse n’est en fait pas la même, selon que cet homme habite durablement la ville en question, ou n’y soit que de passage. Un certain délabrement, la vétusté, le désordre, la place laissée à l’énergie vitale, l’hétérogène, l’étranger, l’intriguant, le trouble, le spectaculaire – toutes caractéristiques culturelles qui vont fasciner l’homme de passage. Mais la fascination pour cette vi(ll)e-là prend fin au seuil des dortoirs. Là où l’homme dort nuit après nuit, mange, regarde la télévision et élève ses enfants, il préfèrera le calme, la propreté, l’ordre voire l’ennui mortifères, garants d’un semblant de sécurité. Mais en réalité,

When we are

Sleeping,

Aeroplanes

Carry memories

Of the horrors

We have given

Our silent

Consent to

Into the

Night sky

Of our cities, and

Leave them there

To gather like

Clouds and

Condense into

Our dreams

Before morning

Robert Montgomery

Robert Montgomery

Mais concrètement alors, comment et où habiter?
Dans la hauteur, toujours. Le sol est terriblement limité, l’espace l’est beaucoup moins dans sa verticalité. La hauteur n’a pas de propriétaire. Elle appartient à la ville et à ses habitants. Détruisons donc les villas, vite, et élevons haut les plafonds ! La ville sera verticale ou elle ne sera pas. Los Angeles est une aberration écologique, New York proche de la perfection.
Aucune politique urbaine ne saurait se passer de la hauteur.

La culture, source et cadre de toute politique urbaine Par Barbara Polla

La ville est ma patrie. Je préfère les hommes aux arbres. Et il me plaît que l’immense majorité des humains préfèrent comme moi habiter les villes, pour être proches des autres humains, le plus proches possible. Quitte à réduire leur espace vital à presque rien – pourvu que l’on soit avec les autres, avec l’Autre. Qu’importe alors, la qualité urbaine souvent déplorable en terme d’habitat, de logements, de transport. L’important est ailleurs : dans la parole échangée, dans la stimulation de la pensée, dans la créativité fourmillante. Dans le rapport à l’Histoire, à sa permanence, ou à l’illusion que l’on pourrait faire partie de celle qui est en train de s’écrire. Dans la solitude partagée avec le plus grand nombre.

Seule la culture permet de pardonner aux villes d’être ce qu’elles sont. De pardonner voire d’oublier leur urbanisation aberrante, leur segmentarisation, l’externalisation des derniers arrivants, la mise des marges à la marge. Elle seule permet d’intégrer la perte permanente, de ce qui est et qui l’instant d’après, n’est plus, déjà remplacé par autre chose. Seule la culture… mais - laquelle au juste ? La culture humaine bien sûr, pas celle de l’herbe sur mon balcon – la culture qui, selon l’Unesco, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société, un groupe social ou un individu. C’est pour tout cela très précisément que nous aimons les villes : pour ses traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs. La question de la place de la culture dans la politique urbaine trouve sa réponse dans le fait que la politique urbaine n’est rien d’autre que l’une des multiples émanations de la culture.

Sans hésitation : la culture est primordiale. Elle est la vi(ll)e même. Toute politique urbaine qui souhaite endosser ce nom ne peut être que culturelle. Il n’y a pas d’alternative. Et dans la mesure où la parole, création permanente, universelle, toujours en activité - songez un peu, combien de mots se disent, chaque jour, dans une ville digne de ce nom, simultanément et dans toutes les langues - dans la mesure où cette parole est bel et bien la manifestation la plus spécifique de l’activité culturelle humaine et le vecteur du savoir, la politique urbaine se doit de lui donner une place toute particulière. Lui offrir par exemple des lieux alternatifs, des marchés noirs de la connaissance (Blackmarket of Useful Knowledge and Non-Knowledge, http://www.mobileacademy-berlin.com/englisch/2006/schw_be06.html) comme d’immenses écrans urbains sur lesquels la MobileAcademy projetterait en plein air, au milieu de la nuit, au coeur d’une Genève palpitate, des débats de philosophie plus fréquentés que toutes les star académies. Lui rendre, à la parole, et à celle poétique de préférence, les espaces publicitaires, ces espaces carnivores, et tous les espaces intermédiaires, que les artistes de rue tels Robert Montgomery, Banksy ou ZEVS utilisent subrepticement pour nous émouvoir ou nous surprendre.

La culture, l’activité humaines, sont donc la source et le cadre de toute politique urbaine. Reste la question corollaire de savoir, quelle politique urbaine va satisfaire l’homme de la ville ? La réponse n’est en fait pas la même, selon que cet homme habite durablement la ville en question, ou n’y soit que de passage. Un certain délabrement, la vétusté, le désordre, la place laissée à l’énergie vitale, l’hétérogène, l’étranger, l’intriguant, le trouble, le spectaculaire – toutes caractéristiques culturelles qui vont fasciner l’homme de passage. Mais la fascination pour cette vi(ll)e-là prend fin au seuil des dortoirs. Là où l’homme dort nuit après nuit, mange, regarde la télévision et élève ses enfants, il préfèrera le calme, la propreté, l’ordre voire l’ennui mortifères, garants d’un semblant de sécurité. Mais en réalité,

When we are

Sleeping,

Aeroplanes

Carry memories

Of the horrors

We have given

Our silent

Consent to

Into the

Night sky

Of our cities, and

Leave them there

To gather like

Clouds and

Condense into

Our dreams

Before morning

Robert Montgomery

Robert Montgomery

Mais concrètement alors, comment et où habiter?
Dans la hauteur, toujours. Le sol est terriblement limité, l’espace l’est beaucoup moins dans sa verticalité. La hauteur n’a pas de propriétaire. Elle appartient à la ville et à ses habitants. Détruisons donc les villas, vite, et élevons haut les plafonds ! La ville sera verticale ou elle ne sera pas. Los Angeles est une aberration écologique, New York proche de la perfection.
Aucune politique urbaine ne saurait se passer de la hauteur.

Barbara Polla, Galeriste / Analix, Genève

Publié dans les Urbanités, le 7 octobre 2008

lundi 6 octobre 2008

Sur Radio Cité

L'émission de Viviane de Witt, "La bouteille à moitié pleine", sur Radio Cité du 6 octobre à écouter en MP3 ici.

vendredi 3 octobre 2008

De leaders en accompagnatrices, le plafond de verre est encore haut!

L’année dernière, lors de la campagne présidentielle française, la possibilité d’avoir une femme Présidente de la France n’était pas écartée d’emblée. Madame Royal n’a pas été élue. C’est d’une autre first lady que les media montent désormais la tête en épingle: Carla Bruni. Deux femmes magnifiques – une candidate sérieuse à la présidence d’un pays magnifique ; une accompagnatrice de président. La répartition des rôles la plus classique qui soit reprend droit de cité, la beauté, la fantaisie, la classe féminines aux côtés du pouvoir masculin. Ouf, tout va bien, on respire. La régression a opéré.

Cette année, lors de la campagne présidentielle américaine, la possibilité d’avoir une femme présidente des Etats Unis d’Amérique, semblait à portée de mains. Certes, cette femme-là avait été précédemment accompagnatrice du pouvoir masculin. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles Hillary Clinton n’a pas passé les primaires. Et c’est désormais une autre femme qui fait la une des sondages: Sarah Palin. Sous l’aile protectrice du vieux loup, qui a bien besoin d’elle pour rafraîchir quelque peu son image, elle fait la belle, répète avec assiduité les vérités proférées par l’auguste candidat, ravie de reproduire en politique l’image hyper-conservatrice et stéréotypée d’une famille bien rangée. Merci Seigneur ! La régression est en marche.

Vous savez quoi? Eh bien, tout cela nous donne une raison de plus de voter Obama: lui, au moins, ne s’est pas choisi un vice sexy. Et sa compagne date d’avant sa campagne. La progression n’est pas encore exclue.


Publié dans les Quotidiennes.

lundi 22 septembre 2008

Le Soleil et l'Argent

L'argent ne disparaît pas, il se déplace. Exemple, à Londres: la banque Lehman Brothers fait faillite. Le même soir, succès maximal pour une vente aux enchères inédite. D'ailleurs, Barbara Polla dit avoir un faible pour les artistes, de préférence aux banquiers.

Il y a comme cela des choses qui vont et qui viennent, comme le soleil et l’argent.

Pour le soleil, quand il nous abandonne vraiment comme cet été et cet automne encore – alors que septembre a toujours représenté l’espoir des étés indiens lémaniques – il y a deux solutions.

La verticale, ou le sud. Au-dessus des nuages, voler pendant quelques semaines sans atterrissage, ou alors, s’installer une navette spatiale, un hôtel flottant dont le dessus des nuages est la plage très privatisée. Attention cependant, bouée obligatoire, de préférence de type montgolfière. Ou alors le sud.

Plus classique, mais plus simple (pour la bouée, surtout). Le choix ne manque pas: Chypre, la Sicile, les îles des mers du sud – ou plus simple, plus proche et plus accessible, Nice par exemple. D’ailleurs, je vous écris de la Promenade des Anglais, les avions décollent continuellement au-dessus de la baie des Anges, il n’y a pas un nuage dans le ciel.

Comme quoi, le soleil est toujours là, même quand il n’y paraît pas. Il s’est juste déplacé, très légèrement. Il suffit d’aller le chercher là où il est, tout près en fait…

Juste un décalage

Il en va de même de l’argent. Il ne disparaît pas, il se déplace, et souvent, ce déplacement est encore plus subtil, juste un décalage. Prenons l’exemple de Londres. La banque Lehman Brothers fait faillite, cela concerne plusieurs milliers d’employés pour la succursale londonienne, avec licenciements immédiats, absence de toute considération de compensation – sans oublier non plus les pertes des clients de la banque. Eh bien, dans ce même Londres, le même soir, Sotheby’s a vendu avec un succès maximal le veau aux œufs d’or et quelques autres 200 œuvres de l’artiste anglais Damien Hirst, illustre millionnaire issu des YBA, les Young British Artists émergents au tournant des années 90.

Investissez dans l'art

Ceux qui ont acheté ont toujours de l’argent, et ceux qui ont vendu, de même. Comme le soleil, l’argent ne disparaît pas, ou du moins, pas encore. Il suffit d’aller le chercher là où il est… pas forcément vertical, pas forcément au sud, mais par exemple, sur le marché de l’art, de préférence aujourd’hui à celui des devises.

Investissez dans l’art plutôt que dans la banque – et non non, je ne prêche ni pour ma paroisse ni pour ma galerie, même si je dois avouer, que j’ai toujours eu un faible pour les artistes, de préférence aux banquiers. C’est aussi la diversité des goûts qui fait la richesse du monde…

mardi 26 août 2008

Barbara Polla boxe la vie en jouisseuse, merci à Spinoza

Elle aimerait comprendre comment marche un cerveau masculin et pouvoir écrire «je» à propos d’un personnage viril tout en étant crédible. Barbara Polla a déjà pondu un essai sur les mâles: Les hommes, ce qui les rend beaux. «J’en ai interrogé deux cents en un an, c’était passionnant.» Elle aime la moto en passagère, les machines et la boxe, qu’elle pratique depuis trois ans avec un coach, deux fois par semaine. L’ancienne conseillère nationale libérale genevoise semble posséder mille cordes à son arc. Médecin, autrefois directrice de recherche à Paris, ex-chef de l’unité d’allergologie à Genève, capitaine, avec son mari, de Forever Laser Institut, fabricante de cosmétiques, mère de quatre filles, galeriste, auteur, essayiste, chroniqueuse: ce diable de femme vibrionne et affiche une énergie foudroyante.

Ce n’est pas la jeunesse derrière laquelle elle court, même si elle se pomponne un maximum. Non: sa mise en forme ne vise qu’à être bien dans sa peau. Et le secret de sa bonne humeur, c’est chez Spinoza qu’elle le puise. «Avec lui, on apprend à transformer les émotions négatives en positives. L’autonomie et la clarté dépendent de la personne. Chaque matin, je me demande ce que je veux. Lorsqu’on le sait, on agit en conséquence. La frustration est une émotion négative à transformer en action. Il y a une différence entre pouvoir et puissance. Si le premier s’exerce sur l’autre, la seconde, on la donne, on la transmet.» Et de citer Deleuze après Einstein. Madame, qui semble avoir réponse à tout, affectionne aussi les minuscules choses qui font la vie. Sourire à quelqu’un dans la rue, ce n’est rien, mais… C’est aussi une façon de dire merci à la chance.

Barbara Polla pense sans cesse et s’entraîne à abattre les barrières du cerveau. «Les choses multiples se fertilisent.» Ses adversaires politiques lui reprochaient d’embrasser trop. Lorsqu’en 2003 elle n’a pas été réélue, après quatre ans sous la Coupole fédérale, elle a mis d’octobre à Noël pour métaboliser le revers. «Mes filles s’en souviennent. Réussir, c’est facile. Je souhaitais leur montrer comment transformer un échec politique en réussite globale.»

La socialiste Marlyse Dormond Béguelin a siégé avec elle à Berne: «Elle jouait sur son apparence et affichait un discours très libéral. Je n’ai jamais trouvé son centre de gravité: vent et bulles de champagne sans substance profonde.» Le radical John Dupraz l’adore: «C’est une chef d’entreprise remarquable. Elle s’exprimait très bien, de manière originale, inventive, créative, hors des sentiers battus avec des idées décoiffantes.»
La production de cosmétiques absorbe beaucoup Barbara Polla. Deux de ses filles travaillent avec elle. Une assiste son père dans leur centre d’esthétique médicalisée. La dernière étudie.

Leur mère vient d’écrire deux romans en deux ans. Victoire est sur le point de sortir en Belgique. Sa galerie, qui expose de jeunes artistes plus ouverts sur le monde que sur leur nombril, se nomme Analix Forever. Analix était le nom du laboratoire d’analyse «criminologique» et chimique de Charles Wakker, un lointain cousin ayant joué un rôle important dans l’affaire Jaccoud qui secoua tout Genève dans les années soixante. En rachetant le lieu, les Polla ont gardé le nom. Elle dit s’inspirer beaucoup des Machines célibataires, le catalogue d’une exposition du très regretté Harald Szeemann, dont le titre renvoie à Marcel Duchamp. En mode, elle ne jure que par Khris Van Assche (KVA et Dior), qui expose à Analix.

Toujours libérale? De plus en plus, depuis qu’elle a démissionné du parti. Barbara Polla signe désormais ses chroniques dans L’Agefi et Les Quotidiennes en intellectuelle indépendante. Elle collabore aux revues françaises Intersection et Nuke . La sensualité des mots la chatouille et c’est à tort que son éditeur avait qualifié Empreinte , son premier roman, d’érotique.
Son défaut majeur? «Je suis très déterminée et il est difficile de me faire changer d’avis.» Elle se croit chiante alors que ses collaborateurs la décrivent comme «légèrement lunatique» ou impatiente. Elle peut rire comme une folle. Ambitieuse? «Evidemment.» Extravagante? «Tout à fait et je pourrais l’être davantage.»

Publié dans Les Quotidiennes

mardi 29 juillet 2008

Au delà du kiosk, la fraîcheur de l’été

Les mots et l’art sont indissociables. Le Centre d’Art Contemporain, qui se plaît à explorer l’interdisciplinarité, les interfaces entre art et design, art et architecture, entre art plastique et le discours qui toujours l’accompagne et le complète, présente « Beyond Kiosk – modes of multiplication », la parfaite exposition d’été (jusqu’au 14 septembre).

Une exposition légère, dans le meilleur sens du terme, et pour de multiples raisons, même si elle présente plusieurs centaines d’œuvres sur papier, documents stratégiques soigneusement sélectionnés dans tout ce qui nous parle d’art, d’édition et de graphisme.

Alors, pourquoi légère ?
Tout d’abord, parce que Christophe Keller (le commissaire de l’exposition) l’est lui-même, léger, par rapport à lui-même, puisqu’il est à la fois éditeur, fondateur des éditions Revolver (Archiv für Aktuelle Kunst), graphiste et curateur notamment de sa propre collection très impressionnante de monographies d’artistes, de catalogues d’expositions, de textes d’artistes, de fanzines, de revues, de disques.... et agriculteur. Christophe Keller nous démontre ainsi de la plus concrète des manières que la vie est certes faite de mots mais aussi d’actions quotidiennes aussi simples qu’indispensables à notre survie. Il joue à la fois avec les mots et la vie - la culture avant tout : celle de nos terres, celle de notre esprit ; nourritures terrestes, nourritures célestes.

Ensuite, parce que c’est essentiellement voire exclusivement l’édition indépendante qui l’intéresse: et quoi de plus léger que l’indépendance ?
Et enfin, parce que les textes rassemblés vous réservent, en parallèle à des textes de haute tenue intellectuelle, les surprises les plus drôlatiques : je n’oublierai pas le texte que j’avais sous les yeux, pendant la conférence de présentation de l’exposition : Piss down my back and tell me it’s raining ! Une pluie tiède, en plein été, derrière le kiosk, au Centre d’Art Contemporain… à ne pas manquer.

Publié dans lextension.com le 29 juillet 2008

vendredi 25 juillet 2008

PME et politique : une question à rebours

La question de savoir ce que la politique pourrait bien faire pour les PME est toujours ouverte. Mais peut-être que le mieux que la politique puisse faire pour elles, c’est rien. Les laisser tranquilles, les laisser prendre les initiatives nécessaires, se développer et créer des emplois. Les oublier en somme, oublier les taxes et impôts surtout, les contrôles intempestifs, la main-mise. Peut-être la vraie réponse est-elle toute autre, sous forme de question elle aussi : que pourraient - que devraient - faire les PME pour infléchir aujourd’hui les difficiles équilibres entre économie et politique ?
A tous les niveaux, la grande économie prend le pas sur la démocratie. Si l’Amérique perd en liberté, c’est pour des raisons économiques bien plus qu’idéologiques : le marché des armes comme celui du pétrole, dictent leurs lois à la politique - y compris à la politique culturelle d’ailleurs. Par respect de l’argent du pétrole, on voit disparaître peu à peu la figure humaine, le sexe et le sang dans une certaine forme d’art officiel… Si la Suisse n’adhère pas à l’Europe politique, c’est parce que les intérêts de sa place financière vont à l’encontre d’une telle option. Si la globalisation touche le travail bien plus que les marchés, c’est que les revenus de la délocalisation du travail sont prépondérants sur ceux de l’ouverture des marchés.
Dans ce combat inégal, les PME, pour petites ou moyennes qu’elles soient, ont à remplir un rôle d’arbitre, voire de modèle, absolument crucial. Qui peut affirmer aujourd’hui la prépondérance du capital humain sur le capital inhumain? Qui sait ce que bonne gouvernance veut dire, sur le terrain même de la vie entrepreneuriale? Qui est en mesure d’implémenter concrètement et sans dogmatisme les principes du développement durable? Qui sait évaluer réellement les besoins d’immigration et les besoins sécuritaires, et distinguer au mieux les régulations indispensables de celles mortifères? Et qui sait vraiment, ce que libéral veut dire?
Ma réponse est claire: ce sont les PME, et avec elles, leurs centaines de milliers de collaborateurs. Parce que dans les PME, le pragmatisme prime, les niveaux hiérarchiques sont quotidiennement effacés par la recherche d’efficacité, le meilleur de chacun constamment requis, le respect de tous indispensable au fonctionnement de chacun. Et si notre pays reste un modèle de démocratie, c’est bien parce que le tissu des PME est serré et ce n’est que dans les domaines où ce tissu se défait et laisse place à des superstructures molles que la démocratie est en péril.
Concrètement, les politiciens, plutôt que de se demander, louablement certes, comment faire pour soutenir les PME, feraient mieux d’aller sur leur terrain pour apprendre les équilibres fondamentaux entre patrons et collaborateurs, de manière à s’en inspirer lorsqu’ils auront à gérer ces mêmes équilibres à d’autres niveaux, économiques, administratifs, ou globaux. Concrètement encore, les PME, même si elles croulent déjà sous leurs responsabilités, devraient lever la tête avec plus de fierté encore et prendre la parole plus souvent qu’à leur tour, non pas pour réclamer de l’aide, mais pour se poser en modèle de gestion humaine, éonomique et démocratique.

Publié dans l'AGEFI le 25 juillet 2008

Archi-émouvant : l’architecture émotionnelle

L’architecture en effet est à l’honneur en ce moment, en France et ailleurs, de Lézigno à Valenciennes, de Gênes à Genève, de Londres à Biarritz, à la croisée des chemins entre art et politique, entre qualité maximale et désastres environnementaux, entre rêves et réflexions, rires et émotions - tout cela pendant que l’architecture suisse, elle, s’exporte sans complexe, à Pékin et Calcutta, archi-local et archi-global.


Archi-émouvant : l’architecture émotionnelle

Architecture émotionnelle? Vous ne trouvez pas, vous, que cela suffit, la structure, la hauteur, la perspective, la performance, la technique, la forme, le style? Oui oui, c’est très bien tout cela, mais… et la beauté b…?

Luis Barragan, Prix Pritzker 1980, affirmait déjà qu’ «il est très important que l’architecture puisse émouvoir par sa beauté.» Barragan se référait à Mathias Goeritz, concepteur de l'architecture émotionnelle (Manifeste pour une architecture émotionnelle, 1953) : «J’ai travaillé en totale liberté pour réaliser une œuvre dont la fonction serait l’émotion: il s’agit de redonner à l’architecture son statut d’art». L’architecture d’aujourd’hui, dit encore Goeritz, semble avoir effacé de son vocabulaire non seulement la beauté, mais aussi l’inspiration, la magie, l’envoûtement, l’enchantement, ainsi que les concepts de silence et d’étonnement: autant de causes et d’effets de l’architecture émotionnelle. Poème plastique, introspection, l’architecture émotionnelle, selon le critique et écrivain français Michel Seuphor (Seuphor, rien moins que l’anagranne d’Orpheus), renvoie l'observateur à ses sensations intimes.

Et si l’architecture émotionnelle n’est pas (encore) un large mouvement architectural, elle pourrait bien s’avérer être l’architecture de demain. Elle est en tous cas celle des architectes italiens 5+1AA. 5+1 ? Cinq Terres et une forme. Les Cinq Terres, classées «paysage culturel», se retrouvent, dans le catalogue des projets de 5+1AA, en bordure d’un champ de maïs, en plein été: une femme assise dans l’herbe tient dans son giron, une forme. Et les mots? Foin de concept, de structure, de fonction– l’âme italienne est bien au-delà de ces nécessités. Alfonso Femia et Gianluca Peluffo utilisent d’autres mots: réalisme magique, émerveillement et effroi, contexte versus cynisme, sensorialité et sensualité. Il s’agit d’inventer des bâtiments, affirment-ils, qui deviennent des instruments de perception et de connaissance d’une identité qui ne saurait être que plurielle.

L’architecture émotionnelle est aussi celle d’un Rudy Riciotti, même si les émotions de l’enfant terrible de l’architecture française ont d’autres sources que la nostalgie des brumes du Po ou l’élégance de la Cité des Doges: il s’agit pour Riciotti de violence et de passion, d’excès, voire de brutalité, de révolte toujours, kalachnikov si nécessaire. Le célèbre Stade de Vitrolles que certains ont paraphrasé, le Stade au Vitriol, n’est que l’une des réalisations passionnelles de ce militant sans répit.

L’architecture émotionelle, celle de demain donc? En tous cas celle du futur Nouveau Palais du Cinéma du Lido de Venise. Conçu par qui? Par Rudy Riciotti et 5+1AA. Un projet qui, selon eux, unit métaphysique et sensualité. Le septième art, celui d’écrire le mouvement, aura inspiré une architecture en adéquation: aussi émouvante que la volonté humaine toujours renouvelée de raconter la vie. Jamais sans émotion, et toujours en beauté.

Publié dans les Quotidiennes, le 25 juillet 2008

vendredi 18 juillet 2008

Archi-rire: de la beauté des latrines

L’architecture en effet est à l’honneur en ce moment, en France et ailleurs, de Lézigno à Valenciennes, de Gênes à Genève, de Londres à Biarritz, à la croisée des chemins entre art et politique, entre qualité maximale et désastres environnementaux, entre rêves et réflexions, rires et émotions - tout cela pendant que l’architecture suisse, elle, s’exporte sans complexe, à Pékin et Calcutta, archi-local et archi-global.

Archi-rire: de la beauté des latrines
La beauté des latrines? Le signe même de la civilisation et la preuve irréfutable que le progrès existe. Quoi d’autre que les latrines établit définitivement la suprématie de l’Italie sur l’Angleterre? A Rome, elles étaient aussi nombreuses que somptueuses: murs en marbre, mosaïques, peintures, rien n’était de trop. Récemment, les foires d’art internationales ont elles aussi été cotées, non sans raison, en fonction de la qualité de leurs latrines. Dignité oblige. Et à Genève, qui ne se souvient de Christian Ferrazino et de ses treize millions (à savoir, tout de même, 380.000 francs pièce) pour améliorer l’état des toilettes publiques de la ville? Le Conseil municipal de l’époque avait fait merveille en termes de bons mots (retrouvés dans les archives de la Tribune de Genève): «Je ne vous demande pas un vote sur le siège!» avait déclaré Ferrazino lui-même, suivi par Pierre Maudet, «Cette proposition répond à un réel besoin», puis Hélène Ecuyer, «Je suis pour ma part d'accord pour le renvoi en commission», alors que Roberto Broggini se refusait à «entrer en matière» et que selon Eric Ischi «Nos toilettes sont un véritable calvaire: on se dépêche, on fait à côté et on en ressort comme on peut», constat qui l’amena à plaider pour le modèle turc «où l'on se rend avec plaisir». «Allons-y tous ensemble!» avait-il conclu pour obtenir un vote massif en faveur du concept – et il fut entendu. Mais la rue du Stand prit le pas sur Ferrazzino et les latrines genevoises passèrent aux oubliettes…

Dommage… mais heureusement, d’autres ont repris la flamme. Robert Latour d’Affaure notamment, architecte basque, qui a investi ses convictions et son âme de créateur dans la construction d’exceptionnelles toilettes publiques en bord d’océan. Son concept? L’opération esthétique provient aussi bien du haut, l’essence, que du bas, la matière; il s’agit d’allier référé conceptuel et stimulus sensible; l’architecture ne se comprend pas seulement avec le cerveau ou les yeux: elle se vit avec le corps. C’est ainsi que Latour d’Affaure a réalisé «Miroir ancré» sur le Paeso Nuevo à Saint Sebastien, «miroir ancré» signifiant à la fois l’ouverture au monde: le miroir; et le caractère identitaire: l’ancrage. Une architecture de la révélation du paysage, selon ses propres mots: «Miroir ancré se fond dans la roche basque. Il fait partie intégrante de la montagne. Il suscite un sentiment d’appartenance au lieu: la matière même de la roche devient un élément du langage architectural.»

A Lézigno 2008, où Latour d’Affaure présente son travail dans le cadre de la conférence intitulée Inopportunismes, le lyrisme de l’architecte laisse les auditeurs sans voix, si ce n’est pour se demander si le titre de la conférence ne fut pas choisi tout exprès pour lui? L’objet architectural est magnifique, le miroir reflétant l’Océan, la conception spatiale, l’intégration au paysage, les plages sauvages de Saint Sébastien auxquelles les vagues donnent de la hauteur: des toilettes comme une dune avec une porte en miroir, qui se déplace, telle l’entrée d’un grotte magique, et nous laisse nous glisser à l’intérieur de cette pure merveille de style, béton, végétation et acier, ou comme le dit encore Latour d’Affaure, «champ ouvert de perceptions sensorielles». Tout cela, non pas pour un lieu de spiritualité, que Latour d’Affaure eût aussi bien pu réaliser, mais pour la Matière avec un grand M, pipi-caca donc… depuis, je ne vais plus aux toilettes. Pipi debout devant le lac, ou rien. En attendant que les toilettes de la rade deviennent dignes de palaces anciens, avec des miroirs qui de l’extérieur réfléchiraient notre magnifique jet d’eau, pour en capter d’autres, plus prosaïques, à l’intérieur. Nous voulons Robert Latour d’Affaure à Genève, de toute urgence – et nous graverons dans nos esprits et dans la pierre, les vers de Bernardo Atxaga avec lesquels il conclut sa conférence: «Sur ce miroir mille yeux se poseront, (et le monde), des miroirs, eux aussi… le miroir de tant d’autres mondes». Des yeux sans lunettes, à coup sûr!

Publié dans les Quotidiennes, le 18 juillet 2008

jeudi 17 juillet 2008

Comme une idée de liberté

Pour Pierre Lemieux (Pierre Lemieux, The Idea of America, Calgary, Canada, Western Standard Monograph, 2008) et tant d’autres, l’Amérique est avant tout une idée : celle de la liberté individuelle face à l’Etat. Au début du siècle dernier, aucune instance régulatrice n’y prévenait quiconque d’entreprendre, de créer une nouvelle compagnie, de vendre des produits. La mission première de l’Etat n’était pas de contrôler, mais de protéger les fragiles libertés individuelles et les Américains étaient fiers d’être plus libres que les autres. Et même si la féministe anarchiste Voltairine de Cleyre estimait déjà devoir se battre, au début du 20ème siècle, contre le puritanisme, les victoires emblématiques d’un Larry Flint pendant la seconde moitié du même siècle balayèrent bien des vélléités étatiques de contrôles privés.
Et aujourd’hui ? La crainte, exprimée par Tocqueville, que si ses citoyens n’y prêtaient pas attention, l’Etat démocratique pourrait dans certaines circonstances former le lit même du despotisme, semble se réaliser. Les Américains, distraits par 9/11, ont laissé l’administration et l’Etat américains occuper une position inadmissible en regard de l’idée américaine. Il ne s’agit pas seulement de Guantanamo, qui fait enfin réagir même les plus distraits – mais aussi des innombrables contrôles administratifs progressivement mis en place, notamment les contrôles d’identité. Même l’emblématique Patriot Act, censé permettre une lutte plus efficace contre le terrorisme, constitue en réalité un nouvel instrument de lutte contre les criminalités de tout ordre, y compris les pseudo-criminalités, et bafoue allégrement le principe fondamental de Benjamin Franklin (1759) qui veut que «ceux qui sont prêts à abandonner des libertés essentielles contre une sécurité illusoire et éphémère ne méritent ni liberté ni sécurité.» Je ne suis pas certaine qu’ils ne les « méritent » pas, mais une chose est certaine, c’est qu’ils ne les obtiennent pas. La preuve, l’Amérique d’aujourd’hui. Moins libre et moins sûre.
En regard, l’Europe et la Suisse semblent prendre le relai de la défense des libertés individuelles, de l’initiative personnelle et de la limitation des pouvoirs de l’Etat et assumer cette responsabilité fondamentale des Etats démocratiques que représente la protection des libertés de leurs citoyens. Pressée par les siens, l’Union européenne sans cesse sur le métier remet l’ouvrage d’une Constitution de liberté, pour laquelle elle ferait bien de s’inspirer de la nôtre, modèle de l’idée américaine, qui protège la liberté et les droits du peuple, souligne que tout être humain a droit à la liberté personnelle et de mouvement et que sont garanties les libertés de conscience et de croyance, d’opinion et d’information, de la langue, de la science, de l’art ; la liberté de réunion, d’association, d’établissement ainsi que les libertés économique et syndicale. Et si le monde entier tend aujourd’hui à vouloir voter pour Obama, c’est probablement avant tout pour le rétablissement, en Amérique aussi, de cette idée-là, la plus précieuse : l’idée de liberté.

Publié dans l'AGEFI le 17 juillet 2008

vendredi 11 juillet 2008

Archi-politique: heureuses coïncidences

L’architecture en effet est à l’honneur en ce moment, en France et ailleurs, de Lézigno à Valenciennes, de Gênes à Genève, de Londres à Biarritz, à la croisée des chemins entre art et politique, entre qualité maximale et désastres environnementaux, entre rêves et réflexions, rires et émotions - tout cela pendant que l’architecture suisse, elle, s’exporte sans complexe, à Pékin et Calcutta, archi-local et archi-global.

Archipolitique n’est pas toujours archi-crime. Il ne s’agit pas seulement de détruire en banlieue parisienne certains désastres architecturaux et sociaux comme ceux de Sarcelles - non, la France construit aussi des liens, des réseaux, riches et productifs, entre politiciens, artistes, intellectuels et entrepreneurs. «Heureuses Coïncidences», le Colloque de Lézigno, organisé par Luciana Ravanel (lien Quotidiennes Ravanel), en collaboration avec Paul Ardenne, spécialiste de l’art en espace public, draine chaque année vers le sud non moins de deux cents participants et génère les interactions les plus éclectiques et les plus riches.

Tout ceci et grâce à la volonté, à l’intelligence et au soutien financier et logistique d’Agnès Jullian, jeune femme hors du commun qui a repris du jour au lendemain la direction de l’entreprise familiale Technilum, spécialisée dans l’éclairage public, et en a fait non seulement une entreprise florissante, mais une entreprise engagée - heureuse coïncidence s’il en est entre entreprise familiale et mécénat culturel!


Au colloque de Lézigno, cette année, on n’aura pas seulement entendu les plus grands architectes – même Kengo Kuma était là, le prince japonais de l’architecture organique – mais aussi, de manière plus inattendue, quelqu’un comme Laurent Fachard (Eclairagistes Associés) qui s’attache notamment à illuminer les prisons (l’esthétique lumineuse de la prison comme facteur de réhabilitation) – ou encore le maire de Valenciennes.

Mais pourquoi donc, le maire de Valenciennes? Parce que Dominique Riquet a fait le pari périlleux que la culture pouvait devenir un véritable instrument de réhabilitation de sa région déclarée sinistrée (26% de chômage en moyenne). Et pour symboliser la réussite apparente de son approche, le maire a confié à Jean-Bernard Métais, artiste, la résurrection du beffroi de sa ville après que le projet de l’artiste a été plébiscité par la population comme par les politiques.


Pourquoi le beffroi? Parce que ce clocher, depuis le 11ème siècle, marque l’autonomie et la puissance des communes libres. Comme une flèche de lumière et de murmures qui s’élève désormais sur la place en direction de l’avenir, le beffroi résonne des mots des 7000 personnes qui ont participé au projet et apporté leurs réponses à des questions comme «Qu’est-ce que c’est que Valenciennes»? «Que représente le Nord»? «Quel a été votre premier sentiment de liberté»? Le beffroi de Valenciennes est devenu cette rumeur sensible de la ville, une liberté partagée, qui appartient à chacun.


Une telle architecture poétique pourrait-elle faire revivre par exemple les terres détruites de Sarcelles? Peut-être faudrait-il y inviter de toute urgence le maire Riquet?


Publié dans les Quotidiennes, le 11 juillet 2008

samedi 5 juillet 2008

Parfum de père

La mémoire olfactive est probablement la plus puissante - même si nous n’en sommes pas toujours conscients - et l’odeur de l’autre déterminante dans la chimie de l’amour et du non-amour, de la proximité et de la distance. Je t’aime parce que tu sens bon, parce que ton parfum me rappelle mon enfance, ma petite enfance, ma toute petite enfance. Ou au contraire, je ne t’aime pas, parce que je ne peux pas te sentir. Parce que je ne t’ai jamais senti. Parce que tu m’es étranger, lointain extérieur.

J’aime ma maman parce qu’elle sent bon. Parce que c’est la meilleure odeur, celle que je connais depuis toujours. Les hommes aiment les femmes parce qu’elles sentent bon et les femmes s’aiment elles-mêmes pour la même raison. Parfum de femme, toujours si proche de celui que nous avons tous respiré au premier cri de notre vie. Et moi j’aime mon bébé, ce tout petit moi-même, parce que son parfum dérive du mien. Ah les délices du mélange de nos odeurs, quand il tète, le minuscule : celle du lait, celle de sa peau, celle de notre sueur, la mienne et la sienne qui perle délicatement en microgouttes à sa mesure sur sa lèvre supérieure et dans sa nuque lorsqu’il accomplit cet effort majeur : manger pour vivre, pour grandir, pour devenir, pour être, pour faire, pour voir, entendre, sentir, sentir surtout...

Papa ! Et toi ? Jetons, vite, tous nos bébés dans leurs bras. Dès la première minute, déshabillons les pères, qu’ils prennent au creux d’eux-mêmes nos tous petits, les nôtres, à eux et à nous. Que les bébés hument leur parfum masculin à travers les poils de leur mâle poitrine, leur haleine fraîche du matin et leur haleine du soir, l’odeur du savon à barbe, le tabac, le musc, le vent, les épices du sud et de l’est, romarin, basilic, gingembre et cumin... Qu’ils dorment dans les bras de leur père, qu’ils se baignent ensemble, que chaque occasion soit une source de bonheur olfactif partagé : ma fille, mon fils, mon papa… J’aime mon papa parce qu’il sent bon. Une autre odeur que celle de ma maman, un autre ressenti : un parfum différent, qui colle à une peau différente, associé à une voix différente - mais aussi délicieux, aussi rassurant, aussi évocateur, aussi puissant, aussi inoubliable. La diversité olfactive dès le berceau est désormais un must : pour chaque parfum de femme, un parfum de père.

Et quant aux papas, après avoir humé cet entêtant parfum d’extrasmall, ils ne pourront plus s’en passer. Nous devrons réclamer notre tour, pour pouvoir encore porter nos tout petits dans nos bras…

Barbara Polla, médecin, écrivain, mère de quatre filles.

Extra Small, été 2008

vendredi 4 juillet 2008

Archi-filles: désertons les maisons de poupées!

L'architecture est à l'honneur, de Lézigno à Valenciennes, de Gênes à
Genève, de Londres à Biarritz, à la croisée des chemins entre art et
politique, entre qualité maximale et désastres environnementaux, entre
rires et émotions. Pendant ce temps, l’architecture suisse, elle,
s’exporte de Pékin et Calcutta, archi-local et archi-global.

Architecture ? Art de concevoir et de construire des édifices. Structure, ossature, style, à la fois présentation et représentation du monde, de ses formes, de son sens, agencement et ordonnencement de l’espace dans lequel l’homme va vivre, interagir (ou non), avec les autres hommes, ouverture et projection onirique de futurs possibles. Selon Nicolas Schöffer, l’un des art-chitectes les plus importants de la deuxième moitié du 20ème siècle, « l’art de concevoir, de combiner et de disposer - par les techniques appropriées, des éléments destinés à constituer les volumes protecteurs qui mettent l’homme, dans les divers aspects de sa vie, à l’abri».

Mais encore ? L’architecture, c’est aussi des contraintes économiques carnassières, un emprisonnement politique erratique, contre lesquels devraient s’élever les contre-propositions la plus audacieuse, les tours les plus hautes, le béton le plus pur. A défaut de quoi, selon l’architecte «sudiste», inspiré et militant Rudy Riciotti, il ne reste que la kalachnikov : pour les villas, pour les banlieues à l’architecture mortifère (c’est en cours à Paris qui détruit ou réhabilite les pires d’entre elles) et pour l’architecture HQE (haute qualité environnementale, mensonges en rapport) dont le bataille majeure devrait être, justement, l’élimination des villas au profit des villes.

Dans ce contexte ravageur, les architectes deviennent des stars aussi bien politiques qu’artistiques : les expositions et biennales d’architecture fleurissent partout dans le monde. Mais c’est à Londres que nous nous arrêterons. La Hayward Gallery, étrange ensemble de béton brut qui reste aujourd’hui encore une provocation dans la ville et un laboratoire d’exploration perceptuelle, fête ses 40 ans avec Psychobuildings, une exposition conçue par Ralph Rugoff, directeur du lieu, inspiré quant à lui par les rapports complexes qui existent entre espace public et espace privé.

Rugoff a pris soin d’inclure une femme dans son exposition, et pas des moindres puisqu’il s’agit de la grande Rachel Whiteread. Mais hélas, trois fois hélas, Whiteread, qui a visiblement oublié de lire Ibsen, n’a rien trouvé de mieux que de nous présenter un archétype de la famille bourgeoise: des maisons de poupées. Une centaine de maisonnettes, dans la pénombre, fenêtres illuminées, comme une ville un soir de Noël.

Et tout le monde d’applaudir, «How nice, how cute» ! How pathetic, plutôt, que même une Witherhead n’ait rien trouvé de mieux que de nous représenter ces prisons à femmes que sont les maisonnettes, au lieu de nous encourager à sortir, à quitter les abris, de toute urgence, avec ou sans plan de route, mais avec la détermination d’aller voir ce qui se passe dans le vaste monde, et notamment, dans le monde vertical. Nous n’en sortiront pas sans mal, du stéréotype de la maison de poupée – mais une chose est sûre, le plus vite sera le mieux !

Publié dans les Quotidennes le 4 juillet 2008

mardi 1 juillet 2008

The Art Newspaper, June 2008


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mardi 24 juin 2008

We don’t need another Bush

We don’t need another hero, titrait l’immense affiche de l’artiste américaine Barbara Kruger, sur laquelle on voit une petite fille aux tresses blondes poser son index sur le biceps gonflé d’un petit garçon (1987). Rien n’est moins sûr : l’Amérique en veut encore, des héros, des virils, des hommes des vrais. Des John McCaine donc. Pas des Obama. « Too elite, too effete, too easy to defeat » (Trop élitiste, trop efféminé, trop facile à battre - avec les rimes en plus). L’investiture démocrate ayant écarté la femme, la voilà qui revient malgré tout : ses adversaires ne pouvant pas, même sur la toile, critiquer ouvertement Obama parce qu’il est noir - ils le critiquent parce qu’il est efféminé - et très mauvais au bowling. Or, le bowling, comme le rappelle Eric Fassin, est une métaphore politique de l’Amérique profonde, dont les valeurs viriles sont un vrai refuge du lien social « genré ». Il paraît qu’ « Obama joue au bowling comme une fille ! » Or les Américains veulent que leur président, si c’est un homme, soit un vrai homme. Etre intellectuel et perdre au bowling sont des offenses parallèles à la virilité nationale américaine. « Je suis peut-être vieux jeu », commente tel anonyme sur internet, « mais je pense toujours que le commandant en chef de l’armée la plus puissante au monde devrait être un vrai homme ». Et si la guerre est une affaire d’hommes, alors le retrait militaire d’Irak signerait la fin de la virilité américaine.

Heureusement, McCaine veille au grain viril. Il a survécu au pire, c’est donc un vrai homme. Il souffre cependant d’une autre tare – ou peut-être au contraire, possède-t-il encore un atout supplémentaire : s’il n’est ni femme ni noir, il est par contre, vieux. Selon Adam Nagourney (NYTimes 15 juin), « Age becomes the new race and gender », nouveau critère d’exclusion ou de félicitation, à choix et alternativement : les « vieux » votent, comme les femmes, comme les noirs, et qui sait s’ils ne seront pas assez nombreux pour faire pencher la balance. Il est intéressant de souligner d’ailleurs que Obama ne traite jamais McCaine de « vieux » – il dit simplement, « c’est moi qui suis le facteur du changement » – sous entendu, et non McCaine.

La guerre des symboles fait donc rage, entre minorités et majorités. Mais au-delà des symboles, essentiels dans toute élection et encore plus dans une élection américaine, il est malgré tout une constante non symbolique : même les chauffeurs de taxi de Washington, républicains pour la plupart, sont unanimes, we don’t need another Bush. L’Irak, l’image catastrophique de Amérique dans le monde, le déficit démocratique rampant, les mensonges de l’administration Bush ? Tout cela n’a pas vraiment d’importance. Non, ce qui compte, c’est ce qui se compte : « Bush nous a fait perdre la valeur de notre argent ». Tous les chauffeurs de taxi vous le diront, même sans que vous ne posiez la question. Et du coup, Obama, qui affirme que son programme économique est meilleur que son bowling (et heureusement !), se place très exactement au nord de la brèche la plus profonde créée par Bush. Obama garde de ce fait une chance d’être élu : même s’il n’est ni assez noir pour certains, ni assez viril pour d’autres, il représente néanmoins, pour la plupart, la rupture bénéfique, notamment économique, tant attendue par les USA - cowboys exclus - comme d’ailleurs par le monde entier, ou presque.

Publié dans l'AGEFI, le 24 juin 2008