L'architecture est à l'honneur, de Lézigno à Valenciennes, de Gênes à
Genève, de Londres à Biarritz, à la croisée des chemins entre art et
politique, entre qualité maximale et désastres environnementaux, entre
rires et émotions. Pendant ce temps, l’architecture suisse, elle,
s’exporte de Pékin et Calcutta, archi-local et archi-global.
Architecture ? Art de concevoir et de construire des édifices. Structure, ossature, style, à la fois présentation et représentation du monde, de ses formes, de son sens, agencement et ordonnencement de l’espace dans lequel l’homme va vivre, interagir (ou non), avec les autres hommes, ouverture et projection onirique de futurs possibles. Selon Nicolas Schöffer, l’un des art-chitectes les plus importants de la deuxième moitié du 20ème siècle, « l’art de concevoir, de combiner et de disposer - par les techniques appropriées, des éléments destinés à constituer les volumes protecteurs qui mettent l’homme, dans les divers aspects de sa vie, à l’abri».
Mais encore ? L’architecture, c’est aussi des contraintes économiques carnassières, un emprisonnement politique erratique, contre lesquels devraient s’élever les contre-propositions la plus audacieuse, les tours les plus hautes, le béton le plus pur. A défaut de quoi, selon l’architecte «sudiste», inspiré et militant Rudy Riciotti, il ne reste que la kalachnikov : pour les villas, pour les banlieues à l’architecture mortifère (c’est en cours à Paris qui détruit ou réhabilite les pires d’entre elles) et pour l’architecture HQE (haute qualité environnementale, mensonges en rapport) dont le bataille majeure devrait être, justement, l’élimination des villas au profit des villes.
Dans ce contexte ravageur, les architectes deviennent des stars aussi bien politiques qu’artistiques : les expositions et biennales d’architecture fleurissent partout dans le monde. Mais c’est à Londres que nous nous arrêterons. La Hayward Gallery, étrange ensemble de béton brut qui reste aujourd’hui encore une provocation dans la ville et un laboratoire d’exploration perceptuelle, fête ses 40 ans avec Psychobuildings, une exposition conçue par Ralph Rugoff, directeur du lieu, inspiré quant à lui par les rapports complexes qui existent entre espace public et espace privé.
Rugoff a pris soin d’inclure une femme dans son exposition, et pas des moindres puisqu’il s’agit de la grande Rachel Whiteread. Mais hélas, trois fois hélas, Whiteread, qui a visiblement oublié de lire Ibsen, n’a rien trouvé de mieux que de nous présenter un archétype de la famille bourgeoise: des maisons de poupées. Une centaine de maisonnettes, dans la pénombre, fenêtres illuminées, comme une ville un soir de Noël.
Et tout le monde d’applaudir, «How nice, how cute» ! How pathetic, plutôt, que même une Witherhead n’ait rien trouvé de mieux que de nous représenter ces prisons à femmes que sont les maisonnettes, au lieu de nous encourager à sortir, à quitter les abris, de toute urgence, avec ou sans plan de route, mais avec la détermination d’aller voir ce qui se passe dans le vaste monde, et notamment, dans le monde vertical. Nous n’en sortiront pas sans mal, du stéréotype de la maison de poupée – mais une chose est sûre, le plus vite sera le mieux !
Publié dans les Quotidennes le 4 juillet 2008
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