Pour Pierre Lemieux (Pierre Lemieux, The Idea of America, Calgary, Canada, Western Standard Monograph, 2008) et tant d’autres, l’Amérique est avant tout une idée : celle de la liberté individuelle face à l’Etat. Au début du siècle dernier, aucune instance régulatrice n’y prévenait quiconque d’entreprendre, de créer une nouvelle compagnie, de vendre des produits. La mission première de l’Etat n’était pas de contrôler, mais de protéger les fragiles libertés individuelles et les Américains étaient fiers d’être plus libres que les autres. Et même si la féministe anarchiste Voltairine de Cleyre estimait déjà devoir se battre, au début du 20ème siècle, contre le puritanisme, les victoires emblématiques d’un Larry Flint pendant la seconde moitié du même siècle balayèrent bien des vélléités étatiques de contrôles privés.
Et aujourd’hui ? La crainte, exprimée par Tocqueville, que si ses citoyens n’y prêtaient pas attention, l’Etat démocratique pourrait dans certaines circonstances former le lit même du despotisme, semble se réaliser. Les Américains, distraits par 9/11, ont laissé l’administration et l’Etat américains occuper une position inadmissible en regard de l’idée américaine. Il ne s’agit pas seulement de Guantanamo, qui fait enfin réagir même les plus distraits – mais aussi des innombrables contrôles administratifs progressivement mis en place, notamment les contrôles d’identité. Même l’emblématique Patriot Act, censé permettre une lutte plus efficace contre le terrorisme, constitue en réalité un nouvel instrument de lutte contre les criminalités de tout ordre, y compris les pseudo-criminalités, et bafoue allégrement le principe fondamental de Benjamin Franklin (1759) qui veut que «ceux qui sont prêts à abandonner des libertés essentielles contre une sécurité illusoire et éphémère ne méritent ni liberté ni sécurité.» Je ne suis pas certaine qu’ils ne les « méritent » pas, mais une chose est certaine, c’est qu’ils ne les obtiennent pas. La preuve, l’Amérique d’aujourd’hui. Moins libre et moins sûre.
En regard, l’Europe et la Suisse semblent prendre le relai de la défense des libertés individuelles, de l’initiative personnelle et de la limitation des pouvoirs de l’Etat et assumer cette responsabilité fondamentale des Etats démocratiques que représente la protection des libertés de leurs citoyens. Pressée par les siens, l’Union européenne sans cesse sur le métier remet l’ouvrage d’une Constitution de liberté, pour laquelle elle ferait bien de s’inspirer de la nôtre, modèle de l’idée américaine, qui protège la liberté et les droits du peuple, souligne que tout être humain a droit à la liberté personnelle et de mouvement et que sont garanties les libertés de conscience et de croyance, d’opinion et d’information, de la langue, de la science, de l’art ; la liberté de réunion, d’association, d’établissement ainsi que les libertés économique et syndicale. Et si le monde entier tend aujourd’hui à vouloir voter pour Obama, c’est probablement avant tout pour le rétablissement, en Amérique aussi, de cette idée-là, la plus précieuse : l’idée de liberté.
Publié dans l'AGEFI le 17 juillet 2008
jeudi 17 juillet 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire