lundi 31 août 2009

Bienne en pleine utopie (1), ou quand la vie devient plus intéressante que l’art

Utopics, l’exposition de Simon Lamunière, a ouvert ce 30 août à Bienne. Elle nous convie à une chasse au trésor, entre le u-topos, le lieu qui n’existe pas, et le eu-topos, le lieu où il fait bon vivre – peut-être que l’un ne va pas sans l’autre ? C’est en tous cas dans ces entre-deux mondes imaginés par des artistes, ou des individus et des collectifs qui ne se réclament pas forcément de l’art, mais toujours de l’utopie, que Lamunière s’est infiltré pour composer Utopics – utopie avec pics.

Chasse au trésor vraiment : un passant m’arrête – « Madame, savez-vous où je puis trouver les œuvres 20 et 21 ? » Mais bien sûr Monsieur, regardez là-haut, sur le toit, vous voyez flotter le drapeau de Fabrice Gygi, et quant à General Idea, il vous faut aller tout au fond du café, vous trouverez leur programme télévisuel sur petit écran, il y a même deux fauteuils… Mais c’est vrai que certaines œuvres sont difficiles à trouver ! Cherchez toujours celle de 360°, sur le quai de la gare, entre les voies 4 et 5, en attendant le train qui vous ramènera à Genève : en fait c’est une diffusion sonore et encore à certaines heures seulement…

Mon utopie préférée ? Elles sont nombreuses – mais je commencerai par Robert Filliou, ce « génie sans talent » comme il se définit lui-même, qui préfère le comportement artistique à l’objet d’art et privilégie constamment le premier, et pour qui l’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art lui-même. Il nous offre à Bienne, dans une boîte en carton, un nouvelle version de sa République géniale, un pays mental ouvert à toutes les bonnes volontés créatives. Initialement présentée dans le minibus Volkswagen de Filliou, la République géniale se développe sans territoire défini, prenant des formes aussi multiples que les rencontres suscitées par le nomadisme de Filliou : au Stedelijk Museum d’Amsterdam, en 1971, une salle fut décrétée Territoire de la République géniale et quatre semaines durant, l’exposition y est fut réalisée en commun par l’artiste et le public. A Bienne, c’est jusqu’au 25 octobre !

Et la semaine prochaine.

Publié dans Les Quotidiennes, le 31 août 2009

vendredi 21 août 2009

Quel BAZAR!

C’est l’été, encore et toujours, au Tiffany… et c’est là que vous rencontrerez Patricia Plattner, cinéaste, en tête à tête avec Leo. Son film Bazar sort en novembre et elle n’a que son Bazar en tête, son Bazar en cœur…

Bernadette Lafont y joue Gabrielle – qui pourrait être Patricia. L’héroïne du film, passionnée par son métier d’antiquaire, est au centre de tout un petit monde qui gravite autour d’elle et de son Bazar de l’Ange, juste en face du Tiffany – ou quand Angelic’Art était encore peint en jaune. Au Tiffany même, sous la lampe colorée, à l’angle de la salle, une rencontre entre Gabrielle et Gilles (son ami et amant de longue date) - alias Bernadette Lafont et Jean-Paul Wenzel. Puis Gabrielle – Bernadette se jette à corps perdu dans une aventure amoureuse avec Fred, un jeune homme de vingt-cinq ans d’origine portugaise. Mais Lou Doillon est aussi à l’affiche… et veille au grain !

Et moi je me souviens… de la publication, en 2001, d’un ouvrage intitulé La santé au risque du marché ; incertitudes à l’aube du XXIe siècle (PUF 2001), dans lequel, avec ma collègue Ewa Mariéthoz, nous avions publié un chapitre intitulé Demain grand-mère, tu auras 120 ans… qui restera l’un des articles les plus critiqués que j’aurai rédigé – et pourtant ! J. Mirenowicz (Médecine et Hygiène, la Revue médicale suisse) par exemple ironise : « Le point de vue le plus surprenant de La santé au risque du marché est un article de Barbara Polla et d’Ewa Mariéthoz sur le vieillissement des femmes. De fait, cet article illustre ce qu’entraîne la focalisation d’une réflexion sur le bien-être des personnes solvables. Ses deux auteurs évoquent la grand-mère qu’elles rêvent de devenir : une grand-mère de 120 ans épanouie sexuellement »….

Comme si, cher Monsieur Mirenowicz, l’épanouissement sexuel (sans oublier l’amour…) des grand-mères n’était envisageable que pour celles, à l’image de Liliane Bettencourt, qui seraient « solvables » (pour autant que le reste de la famille ne s’en mêle pas trop). Je ne puis que vous recommander d’aller voir Bazar… pour en découdre ! Merci Patricia…

Et moi je n’en démords pas. La rue de l’Arquebuse est la plus belle de Genève. La preuve par le cinéma

Et pour n’en jamais finir, cerise sur le gâteau, une citation de Jean Bazaine : « Les voies de l'absolu sont celles de la déraison, et l'amour fou, la cuvée du grand âge. »


Publié le 21 août dans les Quotidiennes.

mercredi 12 août 2009

Collections particulières

Nadia Cantet est une enthousiaste amante de l’art pour qui « vivre avec l’art » est une nécessité. Son ouvrage Collections particulières (Flammarion 2008) présente 150 commandes privées d’art contemporain en France : l’une des multiples manifestations de la passion pour l’art et du besoin souvent irrépressible d’appropriation qui fait les collections privées. Elisabeth Lebovici dans son texte introductif intitulé « Les status du commandeur » décrit avec subtilité les liens qui se tissent entre collectionneur et artiste autour de la commande, avec références à Masoch : le collectionneur victime de sa passion cherche un bourreau qui le forme et fasse alliance avec lui. « Faire entrer le partenaire dans son univers et son fantasme comme un des éléments indispensables de la mise en scène… : préliminaire psychique à la relation entre l’artiste et le collectionneur ».

Mais parfois le collectionneur est aussi artiste, une situation des plus ambiguës rend le modèle immédiatement intéressant : Jean-Charles de Castelbajac est l’un d’entre eux, artiste, collectionneur, et ambigu, lui et son univers « où les hybridations sont légions ». N’est-il pas fils de Louis, marquis de Castelbajac et Jeanne-Blanche (née Empereur-Bissonet), pensionnaire chez les Oratoriens et les frères de Bétharam de l'âge de six ans jusqu'à ses dix-sept ans, passionné d'histoire militaire et marqué par Hannibal Barca et autre Bertrand du Guesclin ? En 1967, il rencontre le dadaïste Raoul Hausmann à Limoges : ce sera l'année de sa première photo, de sa première moto et de sa première veste, taillée dans sa couverture de pensionnaire.

Mais Jean-Charles de Castelbajac n’est pas seulement aristocrate et ambigu, il sait aussi être drôle et l’autodérision fait partie de ses armes. Il s’amuse sans retenue dans Collections particulières en allant jusqu’à l’extrême du narcissisme de l’artiste-collectionneur : chaque pièce parle de lui, du portrait de Pierre et Gilles Jean-Charles de Castelbajac et ses fils, aux dessins d’Artus : « Je suis je ne suis pas Jean-Charles de Castelbajac » ou encore « Après la mort de Malaval, de Jean-Michel Basquiat, de Keith, j’ai mis longtemps à trouver l’écho de mes idées, de mes intentions… »
Une collection, sans aucun doute, des plus particulières !


Publié dans les Quotidiennes, le 12 août 2009

mardi 11 août 2009

Le bon timing pour les infrastructures

On n’en peut plus de la crise… On nous dit aujourd’hui qu’elle est davantage due à l’incompétence qu’à l’avidité – mais cela ne nous donne pas encore de quoi chanter Alleluïa ! En fait, quelles qu’en soient les causes, ce que nous voulons vraiment, ce sont des solutions à la crise. Alors la croissance bien sûr. De nouvelles idées, de nouvelles pistes, de nouvelles voies (à Genève : de tram évidemment). L’imagination, la création, la construction. Oui, construire… l’avenir et le concret. Construire utile. Vous avez dit utile ?

A Genève, outre les voies de tram : l’hôpital. Il était temps. L’une des villes les plus luxueuse du monde ne pouvait attendre plus longtemps pour faire évoluer l’accueil médiéval de ses patients dans des chambres à six voire huit lits : 196 chambres à un ou deux lits vont ainsi être construites sans plus attendre (début des travaux prévus en mars 2011) dans le contexte du BDL 2 (Bâtiement des Lits2). L’architecture même la plus fonctionnelle se doit de tenir compte des nécessités émotionnelles : en l’occurrence, le besoin d’intimité devant la maladie et parfois la mort. Les conseillers d'Etat Mark Muller, chargé du département des constructions et des technologies de l'information (DCTI), et Pierre-François Unger, chargé du département de l’économie et de la santé (DES), ont ainsi annoncé de concert le 24 juin dernier que le projet de loi de crédit d’investissement pour la construction et l’équipement du futur bâtiment devrait être adopté par le Conseil d’Etat avant la fin de l’année 2009, pour un coût total du projet estimé à 235 millions de francs. 235 millions de francs investis dans la construction sociale, voilà au moins l’esquisse d’une solution… qui de plus n’oublie ni l’esthétique (grâce notamment à l’architecte français Jérôme Brunet), ni l’environnement : le BDL2 sera une construction à haute performance énergétique. La lumière du jour, source d'éclairage principal afin de favoriser les économies d’énergie, y baignera l’espace grâce à de larges baies vitrées : l’esthétique rejoint l’environnement, à l’intérieur comme sur les toits, qui seront quant à eux abondamment végétalisés.

Un autre investissement qui serait particulièrement utile et bienvenu dans le panorama de la construction publique actuelle (ou privée défisclisée d’ailleurs, pouquoi pas) concerne le logement étudiant. Les étudiants d’aujourd’hui sont nos managers de demain, compétents et modestes bien sûr, et c’est dès leurs études qu’il faut favoriser leur mobilité, leur ouverture sociale et leur autonomie. Pour nos étudiants, le confort de la maison parentale qu’ils continuent, le plus souvent, d’habiter pendant leurs études, ne favorise ni l’un ni l’autre. Comment faire autrement ? En investissant dans la construction de logements étudiants à même de jouer le rôle de passerelles souples entre maison parentale et logement urbain indépendant et de favoriser la mixité, que ce soit entre les différents types d’étudiants (apprentis, universitaires), entre les différentes générations (logements de jeunes, logements pour personnes âgées) ou d’une manière générale, la mixité sociale. Une approche dans laquelle la France fait figure de pionnière : en témoignent notamment la publication d’un important dossier sur le sujet (Dernières nouvelles - Architecture et habitat étudiant en Europe, Ante Prima Ed, 2008), qui pourrait inspirer nos constructeurs, et un atelier expérimental, organisé par le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) le 6 juillet dernier à la Cité Universitaire de Paris, sur les modes de vie et le logement des jeunes. L’une des conclusions de ce colloque : la typologie des logements pour étudiants, d’une part, reflète l’organisation générale des études et la place qu’une société donnée accorde à ses étudiants, et, d’autre part, module la vision que la société a de ces mêmes étudiants.

La société suisse devrait davantage prendre en compte le fait que les études des uns représentent l’avenir de tous. Soutenir l’université, la recherche, la formation duale – c’est essentiel ; considérer que les étudiants font partie intégrante de la Cité en construisant pour eux des logements qui ne soient pas seulement fonctionnels, mais qui tiennent compte, eux aussi, des émotions spécifiques à ces années de passage – c’est un pas de plus pour que les villes universitaires deviennent des campus à échelle urbaine. Voilà un investissement dont tout le monde bénéficiera, car comme chacun sait, quand le bâtiment va, tout va !


Publié dans l'AGEFI, le 11 août 2009

lundi 10 août 2009

Week-end de rêve?

Moi j’aime les vacances virtuelles. Economiques, écologiques, zéro stress : la réalité n’étant pas mise à contribution, le rêve reste parfait. Jamais d’embouteillages quand je pars en vacances dans ma tête… Mais si vraiment, ce week end de la mi-août, je voulais m’échapper, alors ce serait, bien sûr, en Suisse, en train, et dans les hauteurs… et allez, avouons-le, dans les plus beaux hôtels… une destination délicieuse d’ailleurs, pour les vacances virtuelles, ce sont les guides d’hôtels, à lire sur une terrasse urbaine en sirotant un café glacé. Tout est toujours parfait… Mais encore ?

Alors si vraiment… Saas Fee, total exotique. Village de montagnes lové sur lui-même, sans voitures, avec en son centre un hôtel cinq étoiles familial, un hôtel, que dis-je, un chalet en bois clair, avec de grands bols de pommes à la réception, la nature, la santé, les plus belles randonnées tout alentour, et des jeunes filles blondes en robe rouge traditionnelle et tablier blanc à dentelle qui vous montrent et vous expliquent, dans un angalis presque parfait mais avec le plus joli accent suisse-alémanique dont on puisse rêver, les trésors cachés de l’hôtel, dont le spa (Ferienart Resot & Spa tout de même !) et ses soins dans le foin… Ou alors urbain : le Dolder Grand, sur les hauteurs de Zurich. Là les sommets ne sont pas alentour, mais de l’autre côté du lac, l’Oberalpstock, le Krönten, le Sustenhorn, le Chli Spannort, le Piz Giuv, tous au-dessus de 3000 mètres, juste en face depuis la terrasse… et mon préféré, le Pilate, plus à droite, moins élevé mais au centre de la Suisse comme disait mon grand père qui du coup donna son nom comme troisième prénom à mon père. Le Dolder, pure merveille de l’hôtellerie suisse. Et même si c’est juste pour un café ou un soin au spa – ici plus exotique et méditatif que rural – vous serez accueilli avec la grâce Grand classe. Evidemment, la Maestro Suite, au sommet de la tour, avec ses poutres apparentes rousses style chalet de luxe… Bon je retourne dans mes rêves.

Et dans la réalité urbaine mais non moins bucolique : entre la rue de l’Arquebuse et celle des Lavendières, entre le Tiffany et la Barge. Chic et pas cher…


Publié dans les Quotidiennes, le 10 août 2009

lundi 3 août 2009

Mon premier août en Europe

J'ai passé mon premier août en Europe, à Vionnaz plus exactement, dans le district de Monthey, juste en face d'Aigle, où le 1er août fut fêté comme partout, en fanfare, avec sonneurs de cloches, raclettes, vins du pays, lampions, feu de bois, feu de joie et même feu d'artifice. Un peu plus de 2000 habitants - il me semble qu'ils étaient tous là à m'écouter ! En effet, j'ai eu le plaisir d'y être invitée à prononcer l'allocution officielle. Certes, le Valais n'est pas mon fief naturel... mais celui de Philippe Nantermod, député suppléant, 25 ans, dont je suis la trajectoire depuis presque dix ans avec le plus grand intérêt; de Xavier Mottet aussi, conseiller communal de Vionnaz, mon hôte, qui comptabilise le même nombre de printemps... Vionnaz est probablement l'une des communes suisses dont le Conseil communal a la moyenne d'âge la plus basse, avec un Président de moins de 45 ans même s'il a une longue carrière politique à son actif!

Il m'a donc paru naturel de parler de l'avenir. L'avenir de la Suisse ? L'Europe bien sûr. C'est au sein de l'Union européenne et nulle par ailleurs que la Suisse pourra continuer de jouer son plus beau rôle: celui de médiateur de la paix. C'est au sein de l'Union européenne que la Suisse pourra faire perdurer ses spécificités et ses valeurs. C'est avec délices que j'ai lu le manifeste du Club Helvétique et l'article de Joelle Kuntz dans le Temps du 31 juillet 2009. Et je me souviens de cette conversation que j’avais eue avec Joelle Kuntz aux lendemains de mon élection au Conseil national, aux premiers jours de l’an 2000. A la question de savoir comment je voyais l’avenir, j’avais répondu que je voyais la fin de Blocher et le retour de l’Europe. Je me suis trompée bien sûr, mais de quelques années seulement. La fin de Blocher a eu lieu. Le retour de l’Europe et de la question incontournable de l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne est en cours.
Le premier août nous rappelle que l’union fait la force. Sans cette conviction qui a présidé à sa création, la Suisse n’existerait pas. Sans la même conviction, l’Union européenne non plus... Vive Vionnaz, vive la Suisse, vive l’Europe!

Publié le 3 août dans Les Quotidiennes