vendredi 29 octobre 2010

Tribune libre de Barbara Polla : Tell Me Swiss !

Tell Me Swiss ? C'est la dernière création du catalan Cisco Aznar. Qui fait parler d'elle jusqu'à l'autre bout du monde. Présentée dans le cadre de l'Exposition Universelle de Shanghai, elle aurait pu prendre comme sous-titre : Chronique d'une censure annoncée. Il a fallu couvrir les seins des danseuses, ce qu'Aznar fit de bonne grâce, mais non sans inscrire "Censuré" sur les corps concernés !

Mais au-delà de quelques ravissantes mamelles, qu'est ce qui choqua vraiment, dans cette fantaisie suisse que seul pouvait créer "un étranger" ? La réalité, Mesdames et Messieurs, voilà ce qui choque, choqua et choquera… la réalité du travail par exemple, et la manière dont cette réalité là est traitée en Suisse. Psychédélique : voyez l'apprentissage pour les clandestins - oui, mais qu'ils restent soigneusement, tout de même, clandestins, aussi longtemps que nous aurons besoin d'eux. La Suisse non seulement sait travailler, mais elle sait aussi faire travailler les autres, pour elle et chez elle. Sans les "travailleurs étrangers" - et, en ce qui nous concerne, nous les femmes, les travailleuses - que ferions-nous ? Sans ces travailleuses qui font fonctionner notre pays et qui nous permettent notamment, à nous femmes actives que nous sommes, de devenir - en apparence du moins - de vraies super-women, à la fois professionnelles et engagées socialement et qui s'occupent à la quasi perfection non seulement de leur travail, mais en parallèle de leurs foyers, de leurs enfants et de leur famille élargie ? Oui, sans ses vrais super-travailleurs, la Suisse ne serait pas si belle.

La Suisse certes exploite parfois, dissimule et hiérarchise, mais elle est aussi la démocratie la plus extrême du monde. Et elle sait accueillir l'étranger de manière si éminemment sélective que tous ceux qui passent sous les fourches caudines de l'accueil suisse officiel vont se trouver pour toujours liés à ce pays qui les a élus "swiss-compatibles". Et comme le disent, le chantent et le dansent les acteurs de Tell Me Swiss, si la Suisse est "grave" avec ses étrangers, il vaut toujours mieux être étranger en Suisse que chez soi dans tant d'autres pays du monde… Cisco Aznar sait de quoi il parle : il vit chez nous ! Cynthia Odier aussi, sait de quoi elle parle. Elle est grecque - et à l'origine, en collaboration avec la Haute école d'art et de design - Genève (HEAD), de ce spectacle pour le moins ébouriffant. Car Tell Me Swiss n'est pas tombé du ciel : né de l'union de la Fondation Fluxum et de la HEAD, cette performance transdisciplinaire s'est inspirée des costumes créés pour Shanghai par les étudiants en Design Mode de la HEAD. Pour L'Extension, Jean Pierre Greff, le Directeur de la HEAD commente : "Nous n'avions pas imaginé que la création des costumes pour le Pavillon suisse de Shanghai - qui en soi était déjà une belle success story pour la HEAD et son département Design Mode - puisse trouver un prolongement aussi... spectaculaire. C'est à Cynthia Odier que nous en devons l'idée ! C'est elle aussi qui a rendu possible ce spectacle plein d'invention et de drôlerie, de poésie et d'humour, impertinent et provocateur imaginé par Cisco Aznar. Avec quel brio ! Le dialogue qu'il a engagé avec l'école a été enthousiasmant. Nous allons le poursuivre..." Après Shanghai, retour à Genève, où Tell Me Swiss sera présenté à nouveau en décembre, à l'Alhambra. Allez apprécier ce conte de fée grinçant où dragons et sorcières se rencontrent mais aussi "Coucou" et "Moitié-moitie »́ … car une des qualités salvatrices de la Suisse est sa capacité d'autodérision. Le film des Faiseurs de Suisses en fut longtemps le témoin par excellence, aujourd'hui Tell Me Swiss prend la relève ! Au thème de l'exposition universelle, "Meilleure ville, Meilleure vie", on pourrait désormais ajouter, meilleur pays, meilleur spectacle.

Car en dehors de la provocation pleine de gaieté, Tell me Swiss est aussi un émerveillement. Pour la féérie du spectacle d'abord : Cisco Aznar offre à son public une scène au plancher si verdoyant que l'on se croirait en plein mayens. Rien ne manque au décor et la Suisse éternelle repose tranquillement au pied de ses alpages tandis que le troupeau de vaches, entre idéalisme et vacherie, se forme et se déforme pour réclamer des subventions pour les agriculteurs... Pour Guillaume Tell, ensuite. Guillaume Tell pour une fois représenté tell qu'il était, un tout jeune homme fier et angoissé. Magnifique échange de regards entre le père et le fils, ce dernier inquiet et pourtant complice, face à son jeune père qui met en jeu la vie de son enfant pour le refus de se soumettre et le sauve grâce à sa compétence. Complices en liberté. La liberté comme valeur absolue. La nôtre bien sûr - mais sans oublier celle des autres.


Libre livre, un best seller archi-suisse

L'Histoire suisse en un clin d'œil de Joëlle Kuntz est un best seller. Pour les russes notamment, mais plus fascinant encore, pour nous les Suisses. Exceptionnel vraiment car "suisse" et "best seller" ne vont pas souvent de pair et encore moins en littérature qu'en tout autre domaine : presque un oxymoron ! Et pourtant, c'est bien un best seller : incroyable mais vrai. Nombreux sont ceux qui se sont demandés pourquoi. Peut-être parce que, comme le dit Joëlle Kuntz, "le désir de la Suisse de jouer un rôle est au moins aussi grand que son désir de ne pas prendre parti" et que ces deux désirs contradictoires animent la plupart d'entre nous, suisses, non suisses, ou suisses à moitié. Les paradoxes identitaires qui tordent plus souvent qu'à son tour les intestins de ce pays ne sont-ils pas, eux aussi, un reflet des paradoxes identitaires de chacun d'entre nous ? Etre grand mais discret, neutre mais bon, pauvre mais riche ou alors riche mais sans que cela ne se sache, ouvert et fermé...
Joëlle Kuntz nous raconte l'histoire de ce pays, le nôtre, qui selon Pierre Assouline est un "îlot d'absurdie dans un monde déréglé", comme elle nous raconterait une l'histoire d'une personne qu'elle aurait bien connue. La Suisse a une psychologie, des problèmes d'identité, elle change au cours du temps, elle assemble ses parties disparates en un improbable mais résilient ensemble. Les cantons de cette Suisse fédéraliste, qui selon Joëlle Kuntz, "ne font plus qu'appliquer en toute “souveraineté” des décisions qui ont été préparées ou orientées par l'administration fédérale" nous ressemblent : nous tous, habitants de la planète Terre, appliquons nous aussi, en soi-disant souveraineté, des décisions préparées par d'autres, ou les laissons appliquer, parce que finalement c'est plus simple, le plus souvent, que de s'y opposer.
Joëlle Kuntz en nous racontant la Suisse nous raconte donc nous-mêmes, et c'est bien là la raison d'être d'un best-seller... "On peut raconter la Suisse, dit encore Assouline - mais on ne l'explique pas sauf à être Kafka, Musil ou Nabokov. Pour ce qui est du pays-qui-n'existe-pas, du malheur d'être suisse et de la prison de l'esprit, on se reportera plutôt à Durrenmatt ou Frisch. Quatre langues pour sept millions d'habitants répartis entre vingt six cantons et demi-cantons, et un compromis fédéral pour gérer les désaccords ? Il faut être fou. Sur le papier, c'est indéfendable. Même en se rangeant derrière son cher arbalétrier d'élite, Guillaume Tell. Pourtant, ça fonctionne" - Tell quel ! Joëlle Kuntz n'explique rien, surtout pas le merveilleux malheur d'être suisse, mais elle nous donne à penser, en nous racontant non pas tant l'Histoire suisse que des histoires. Celles des villes, notamment. J'appris ainsi qu'en juin 1814, lors de l'arrivée des Confédérés, Genève les salua d'un "Bienvenue aux enfants de Tell !" Parce que Tell, c'est le mythe suisse en action : la liberté comme valeur absolue et la compétence comme instrument. Bienvenue !

Analix Forever, Barbara Polla, Art et Mode, by Juliet


mercredi 27 octobre 2010

Show Off, show up !

La FIAC classique, moderne et somptueuse, ainsi que toutes les foires Off, chacune dans son style. Show Off par exemple, un vrai bonheur : sous le Pont Alexandre III coule la Seine... Ce n’est pas par hasard qu’Analix Forever a choisi ce Off là et s’y tient depuis ses débuts ! A part son emplacement sur les bords de Seine, à deux pas du Grand Palais, c’est son esprit de famille qui séduit. Créée par une poignée de galeristes du Marais et de Lyon, Show Off sait ce dont les galeristes ont besoin pour promouvoir l’art qui se fait aujourd’hui, les artistes de leur choix, leur travail et la qualité de galeries aussi modestes qu’engagées. Et favorise les propositions de type solo.

Nous en retiendrons quelques-unes : tout d’abord celle de Vanessa Quang présentant, sur proposition d’Albertine de Galbert (dans la famille, on est semble-t-il amateur d’art à toutes les générations), une installation de l’artiste chilienne Voluspa Jarpa évoquant mystérieusement l’hystérie. Puis celles de deux galeries londoniennes : celle de Jérôme Ladiray, qui a ouvert sa première galerie à Rouen mais prévenait déjà il y a deux ans qu’il irait à Londres. Il l’a fait ! mais reste fidèle à Show Off – où les dessins de Vincent Bizien ont reçu le meilleur accueil ; et celle de Danielle Arnaud, qui présente elle aussi, comme Vanessa Quang, une installation tout aussi étrange que celle de Voluspa Jarpa : des animaux, féériques au premier regard, fantaisistes, mais à se pencher davantage sur le travail de Tessa Farmer, on perçoit le gothique, l’inquiétant, voire le sorcier – ou plutôt la sorcière....

Hélène Bailly montrait quant à elle les Protectors de Sabine Pigalle. Sur fond noir, l’artiste reconstitue sa version personnelle des saints patrons immaculés. Apolline par exemple, sainte patronne des dentistes et autres arracheurs de dents, tout de blanc vêtue, tient entre ses mains ses tenailles, celles qui ont servi à ses tortionnaires pour lui briser la mâchoire parmi d’autres sévices, à elle qui refusa d’apostasier... L’inventivité des humains pour faire souffrir les autres humains est sans fin. Et last but not least, les élégants découpages de l'homme araignée par Mathias Schmied, qui fait du héros de comics américains un mystérieux squelette de papier. A revoir à Lyon à la galerie Olivier Houg si vous avez manqué Paris...

Ces quelques exemples à l’aune de la richesse de ces foires off, de Slick (Palais de Tokyo) à Cutlog (Bourse), de Chambre à Part (pas tout à fait une foire, plutôt une mascarade...) (Trocadéro) au retour sur les bords de Seine. Show Up ! Et si vous avez eu peur des grèves (très peu de Genevois en effet semblent avoir fait le voyage - les plus courageux seulement), revenez l’année prochaine, Paris sera serein, promis.

Publié dans les Quotidiennes, le 27 octobre 2010

mardi 26 octobre 2010

Think bigger, le premier conseil de Sharon Hadary

Sharon Hadary a créé et dirigé le Center for Women's Business Research, avant de devenir professeur associée à l’Université de Maryland et consultante pour les questions de l’économie féminine. Elle a récemment publié un grand rapport sur les business créés par les femmes aux Etats-Unis. Elle s’émerveille de la croissance formidable des business créés et gérés par des femmes, une création qui ces dernières décennies semble s’être poursuivie à une rapidité deux fois plus importante que la création de business par les hommes. Et pourtant.

Et pourtant, passée la phase de création, on ne peut que constater que les business créés et dirigés par des femmes restent de taille inférieure à ceux créés et dirigés par des hommes, avec un chiffre d’affaire inférieur en moyenne de 27%. Hadary identifie quatre causes majeures à cette situation. Tout d’abord, les buts que l’on se fixe. Les buts que se fixent les femmes créatrices d’entreprises sont régulièrement plus modestes que ceux que se fixent les hommes. On atteint rarement ses buts – mais plus rarement encore, des buts que l’on ne se fixe pas… Les trois autres facteurs sont l’accès au capital, l’accès aux marchés et l’accès aux réseaux. Au travail donc, mais d’abord, fixons-nous donc les objectifs les plus ambitieux et non plus seulement les plus réalistes !

Publié dans les Quotidiennes, le 26 octobre 2010

jeudi 21 octobre 2010

Architecture et émotion : la beauté d’abord



L’architecture est émotion, toujours, et d’abord émotion esthétique. Mais quel rapport, me demanderez-vous, entre esthétique architecturale et esthétique humaine ? En fait, j’aime définir l’esthétique et la beautétout d’abord par le lien. Le lien qui se crée entre nos yeux et une œuvre d’art, entre notre regard et la ville, entre moi et l’autre. Le lien que nous sommes capables de créer avec nous-mêmes : l’harmonie, donc. Harmonie entre le corps et l’esprit, entre le corps et son habitat, entre le corps et la ville. Mais l’architecture peut aussi générer des émotions négatives : l’architecture, à l’image de l’humain, est parfois magnifique, parfois délétère. Mais nous la voudrions toujours belle, comme nous nous désirons toujours beaux !

Le corps urbain, à l’image du corps humain
Les maisons, les bâtiments, la ville elle-même, ressemblent à des corps. Car l’Homme crée à son image : les maisons ont des yeux et des façades, équivalent architectural du visage (de la face), avec tout ce que les faces et les façades nous montrent et nous dissimulent de l’âme urbaine comme de l’âme humaine. Et les villes ont des artères, des articulations, des poumons, et de fait, la beauté architecturale est très proche de la beauté physique. Le corps humain, structuré par le haut et le bas, par l’avant et l’arrière, par ses faces latérales, préfigure les bâtiments : eux aussi ont leur endroit (qui constitue le visage de la ville) et leur envers (leurs arrières fermés et souvent négligés). Le corps humain et le corps urbain ont tous deux leurs côtés, leurs intérieurs creux, leur verticalité, témoin de leur capacité à résister à la gravitation. Leur résilience aussi, la capacité de résister aux chocs, physiques ou psychologiques.
Andreas Angelidakis, architecte grec visionnaire, nous propose un nouveau genre de musée urbain, qui tout à la fois contient la ville et se déplace en elle, dans un corps à corps étonnant puisque le musée marche, comme un grand corps, à travers la ville : c’est le Walking Building, parce que la ville d’aujourd’hui ne veut plus de bâtiments figés…

La peau, protection sensible
Nous pouvons pousser plus loin encore les relations entre corps et architecture : les maisons, les bâtiments, ont une peau aussi, aussi importante que celle de notre corps et de notre visage. L’enveloppe architecturale, à l’image de la peau humaine, régule l’hygrométrie et la température, assure l’étanchéité et la protection, participe à la respiration, absorbe des éléments nutritifs. Et véhicule des sensations fondamentales, car même si nous ne touchons pas assez souvent la ville, c’est bien au contact intime que nous convoque la « peau urbaine ». On dit parfois que la peau est la surface externe du cerveau. Peut-être en va-t-il de même de la surface extérieure des bâtiments ? Et peut-être faut-il parfois aller jusqu’à « ravaler la façade » lorsque le temps rend le lifting ô combien nécessaire !


Les creux et les pleins et les rêves nichés dans les creux
Comme le corps social, le corps urbain est pétri de lumière, de temps et d’espace et caractérisé par la présence de vides et de pleins. Le vivant n’émerge pas d’une matière compacte, et sans vides ni creux, nous ne saurions « ressentir ». Ainsi le corps est-il fait d’organes creux, de cavités – les poumons, le cœur, la bouche, les intestins, et chez la femme, l’utérus. Ce sont bien dans ces creux que se logent nos sentiments et nos rêves, de même que le rêve architectural va se lover au creux des nuages… au creux du nuage d’Andreas Angelidakis notamment. Qu’il est beau d’habiter un nuage, d’avoir non seulement la tête, mais notre corps entier, dans un nuage, au bord de la plage. Protégés, cocoonés, allégés, nous flottons dans la ville comme nous flottons dans la vie. Alternativement, Angelidakis nous propose un Blue Wave, un hôtel comme un nid d’abeille, comme un ensemble de grottes parfaites, que le soleil couchant traverse et où passent de solitaires voyageurs du futur.


Architecture émotionnelle et beauté
L’architecture émotionnelle ? En fait, toute l’architecture génère des émotions, positives quand elle est belle, négatives aussi lorsqu’elle ne respecte pas les besoins des citoyens, mais trop souvent oubliées voire ignorées. Le premier Colloque international d’Architecture émotionnelle, les 20, 21 et 22 janvier 2011, un colloque dont les partenaires principaux sont le Centre Interfacultaire des Sciences Affectives de l’Université de Genève et la Faculté d’Architecture La Cambre-Horta de l’Université Libre de Bruxelles, explorera ce sujet central pour le bien-être citoyen et social. Save the date ! Le colloque est organisé avec le soutien de la République et Canton de Genève et accueillera parmi les plus grandes personnalités de l’architecture et du monde des émotions et il est ouvert à tous. Entrée libre, inscription obligatoire.
http://archiemo.wordpress.com/



Publié dans Beauté, novembre 2010

Eloge du corset

Vous n’avez encore jamais porté de corset, parce que vous êtes vaguement féministe si ce n’est plus et que ce truc est totalement ringard ?

Détrompez-vous, c’est une découverte. Que nous raconte avec délices Siri Hustvedt, la magnifique épouse du non moins magnifique Paul Auster, à moins que ce ne soit surtout lui son mari, d’ailleurs. Elle en parle plus souvent qu’à son tour dans son Plaidoyer pour Eros (Actes Sud,2009) : mon mari par-ci, mon mari par-là…

Siri qui a tenté l’affaire nous dit que «porter un corset c’est un peu comme se sentir embrassée en permanence dans un enlacement de la taille qui jamais ne se relâche. C’est agréable et vaguement érotique : une étreinte qui jamais ne se relâche». Elle s’est même évanouie, minimum … car le vêtement, n’est-ce pas, c’est avant tout une idée - en l’occurrence une idée du sexe «faible».

Une idée à regarder dans le miroir avant que de ne l’écarter : la courbure de la taille devient extrême et les seins sont poussés vers le haut - le corset ne couvre pas le sexe et laisse les seins libres, juste un peu plus haut que d’habitude donc, en entre deux ce resserrement… comme le dit encore Siri, se regarder en corset, si on ne l’a pas porté avant, c’est se découvrir un nouveau corps. Les vêtements expriment ce que l’on souhaite être – déguisement, transformation, métamorphose – et les atours culturels du sexe n’en ont jamais fini, de nous définir, de nous faire nous aimer, nous changer, nous amuser… sans oublier, jamais, «le venin que peuvent, aussi, distiller les apparences».

Mais avant de rejeter le corset, il faut l’essayer – et peut-être même le garder ? Miroir mon beau miroir… il vous dira très bien si l’étreinte en vaut la peine.

Publié dans les Quotidiennes, le 21 octobre 2010

lundi 18 octobre 2010

Viviane de Witt, une femme d’ailleurs bien de chez nous

Viviane de Witt, première femme commissaire priseur de France, grande culture, grandes passions, pour l’art et les gens : trois maris, trois enfants, trois chevaux, cinq petits enfants, une maison toujours ouverte, à l’image de son coeur. Elle a tant aimé Genève qu’elle est devenue suisse, conseillère municipale à Vandoeuvres, indépendante orientation verte, a créé une foire d’art, puis repris la Foire de Genève, puis Radio Cité…

La belle rousse a fait des remous, la foire de Genève a connu le sort que l’on sait, Radio Cité poursuit sa route. Elle y fait travailler aujourd’hui vingt-cinq personnes, interviewe elle-même des gens dont elle apprécie le parcours de vie - j’ai eu l’heur d’en faire partie mais non ne croyez pas que ce soit (seulement) pour cela que je vous parle de Viviane de Witt. Je vous en parle parce qu’une radio privée - associative en l’occurrence - basée sur le contenu, le sens et la qualité, plutôt que sur l’audience, le taux d’écoute et la rentabilité, c’est rare et précieux - même si bien sûr, pour concrétiser ses valeurs, Radio Cité doit se faire entendre.

Ses valeurs… - mais quelles valeurs ?

La culture d’abord, pour tous. Le constat de Viviane de Witt, c’est que Genève est culturellement très riche, mais que cette richesse bénéficie régulièrement à ceux qui en ont déjà, à ceux qui peuvent, à ceux qui savent, à un 20% de la population du bassin genevois qui en a à peine besoin. Son ambition : faire bénéficier de la culture locale un autre public, ce 80% qui résiste, qu’il faut solliciter, à qui il faut proposer une offre à la fois haut de gamme et accessible pour qu’il se laisse tenter.

L’éthique ensuite - mais quelle éthique ? Pour Viviane de Witt, c’est l’honneur. Mais… c’est quoi, l’honneur - un truc un peu ringard, non ? Pour Viviane de Witt, il s’agit de ne pas renier sa parole. D’être en accord avec soi-même et empathique avec les autres. De reconnaître la valeur de ses collaborateurs. Elle a récemment confié la direction de Radio Cité à Stéphane Santini qu’elle estime plus capable qu’elle même pour ce faire ; elle tient en haute estime Pierre Botton et son émissions Tant qu’il y de la vie – une émission sur la résilience.

La résilience. Rebondir, toujours. Viviane de Witt connaît. Une qualité très suisse, un terme qui vient de France. Radio Cité, sur le net, est devenue internationale. Au cœur de Genève.


Publié le 18 octobre 2010 dans les Quotidiennes

mardi 12 octobre 2010

News du Premier Colloque International d’Architecture émotionnelle

Le Premier Colloque International d’Architecture émotionnelle aura donc lieu du 20 au 22 janvier 2011 à la salle de la Fondation Louis-Jeantet, gracieusement mise à disposition par la Fondation. Barbara Polla est à l’origine de ce Premier Colloque, les deux institutions académiques partenaires principales sont le Centre interfacultaire des Sciences Affectives de l’Université de Genève et la Faculté d’Architecture La Cambre Horta de l’Université libre de Bruxelles, et les éminents membres du Comité Scientifiques sont listés sur ce blog. L’organisme responsable est l’Association suisse pour l’Architecture émotionnelle (statuts sur ce site ; vous pouvez adhérer en faisant un don).

Vous pourrez bientôt vous inscrire sur le site http://archiemo.wordpress.com au moyen d’un formulaire électronique. L’inscription est libre mais obligatoire ; les inscriptions pour les trois jours seront privilégiées. Si vous souhaitez des informations supplémentaires, contactez-nous à analix@forever-beauty.com: Marylène Malbert, historienne de l’art et collaboratrice de la galerie Analix Forever, responsable de l’organisation pratique du colloque, se fera un plaisir de vous répondre. Pour tout commentaire ou suggestion, vous pouvez également joindre directement Barbara Polla.

Le programme est en cours d’élaboration, il sera consultable sur http://archiemo.wordpress.com/ dès qu’il sera définitif. Parmi les orateurs confirmés, outre les membres du Comités scientifique, citons notamment Andreas Angelidakis, Patrick Aebischer, Catherine Brandner, Jérôme Brunet, Thomas Cochrane, Jean-Louis Cohen, Bernard Khoury, Flavio Mangione, Didier Ottinger, Thierry Paquot, Rudy Ricciotti, Christine Schaut, Chris Younès. Francesco Della Casa, rédacteurs de la revue Tracés, servira de métamodérateur.

Ce colloque est organisé avec le soutien de la République et Canton de Genève, de l’Université de Genève, du Fonds national suisse de la Recherche scientifique et de la FAI (Fédération des Associations d’architectes et d’ingénieurs de Genève). Merci à vous tous !

jeudi 7 octobre 2010

Invest in infacy

L’acteur Pierre Arditi ce jeudi matin 7 octobre parrainait une action de la Fondation Prim’Enfance pour les enfants souffrant de cardiopathies à l’Hôpital des Enfants à Genève. La fondation Prim’Enfance ? Créée en 2007 par Philippe Monnier, docteur en ostéopathie, elle a comme but d'apporter un soutien à la recherche, à la prévention, au dépistage et au traitement des maladies de l'enfance. De la prénaissance à l'adolescence, en se concentrant sur trois axes : les neuro-sciences, la cardiologie et la pédopsychiatrie. La Fondation vit de l’engagement de ses fondateurs, et distribue les cotisations de ses membres, les fonds récoltés lors d’évènements organisés spécifiquement à cet effet, et les dons.

Une cérémonie presque familiale au cœur de l’Hôpital des enfants en pleine transformation, des soignants enthousiastes, la psychiatre du groupe, très engagé lui aussi, François Ansermet, qui explique ce qui paraît une évidence mais que l’on oublie trop souvent, à savoir que les soins peuvent eux aussi représenter un traumatisme, un projet design tout en douceur, mais aussi des enfants qui pleurent et deux clowns pour oublier les larmes... Pierre Arditi qui en a vu d’autres pourtant, ému, a décidé sur place non seulement de parrainer, mais d’adhérer à la Fondation. Applaudissements. Nous aussi, nous pouvons aider... - ou comme le dit le slogan de la Fondation Prim’enfance, invest in infancy.

Publié dans les Quotidiennes, le 7 octobre 2010

Nathalie Rebholz: (In)constance

Pour sa deuxième exposition personnelle à Analix Forever, Nathalie Rebholz met en scène des offrandes à la nature (Despachos), une série de Vanités contemporaines et une sélection de dessins sur papier.

Les Despachos se rapportent à une tradition andine de remerciement en communion avec les éléments de la nature. Il s'agit d'une offrande pour honorer un nouveau commencement, solliciter une guérison, une protection, une bienveillance particulière. L'humilité du Despacho fait face au déploiement des vanités. Nathalie Rebholz s'empare en effet de ce thème qui traverse l'histoire de l'art depuis le XVIIe siècle, lorsque la nature morte devient un genre reconnu. Elle décline ce dispositif comme autant de Memento Mori: Souviens-toi que tu vas mourir...

Publié sur sortir.ch

lundi 4 octobre 2010

Bonjour New York

Cela faisait quelques mois que je n’étais pas venue à New York. La première chose qui frappe : dans l’intervalle, la pauvreté semble s’être installée, une impression qui confirme les chiffres déjà avancés en mars de cette année (http://www.nytimes.com/2010/03/03/nyregion/03poor.html). Alors les New-Yorkais, qui savent qu’ils s’en sortiront toujours, sont redevenus philosophes. Tout le monde semble avoir admis que la crise est installée, qu’elle va durer et qu’il faut s’adapter. Comme toujours, comme partout, ce sont surtout les pauvres qui souffrent – mais pas seulement. Et la pauvreté visible de la rue retient davantage l’attention : la plupart des passants semblent regarder autour d’eux, sortent quelques pièces… ils ont davantage le temps. Comme une nouvelle compréhension, une nouvelle solidarité, créée par la perte des repères.

Les riches, eux, sont toujours riches. Mais ils font attention. Quand on pose la question à Richard Branson (le patron de Virgin) comment on fait pour devenir millionnaire, il répond : vous êtes milliardaire et vous achetez une compagnie d’aviation. On pourrait paraphraser, vous êtes milliardaire et puis la crise arrive. Là encore, on s’adapte, au plus vite : Sotheby’s dont on raconte qu’elle a licencié en une nuit 30% de ses collaborateurs au début de la crise, se porte bien, et présente même désormais des expositions de niveau muséal, en ce moment sur le thème de la Divine Comédie de Dante (http://www.sothebys.com/divinecomedy/#overview) , avec des pièces valant des millions de dollars… pour milliardaires, donc. Tollé dans les chaumières des galeries.

Les bonnes nouvelles ? Les artistes… pas les Cattelan, les Kunz, les Friedman et les autres – non, ceux qui sont en plein dans le processus créatif : ils créent avec plus d’engagement que jamais, travaillent dans l’espace public, collaborent, inventent… Les galeries, elles, ne passent pas toutes leur temps à se féliciter ou se plaindre des maisons de vente, elles se réinventent aussi, se repositionnent, Lower East Side par exemple, si vous êtes à New York allez voir l’exposition de Bob Flanagan à Invisible Exports (http://www.invisible-exports.com/). Des galeristes étonnants. Brooklyn grouille de vie, de poussettes, de bébés, comme si la crise générait un nouveau baby boom… Et la construction se poursuit. Et les hôtels flambant neufs sont deux fois moins chers qu’il y a deux ans. Et l’on parle de prendre soin de soi, de Health and Beauty – New York qui accueille chaque année la Health & Beauty Association (http://www.hbaexpo.com/) est devenue un temple du care… et le dernier Woody Allen, You will meet a tall dark stranger (http://mubi.com/notebook/posts/1840 ) (of course…) nous propose de vivre dans une vie parallèle, antérieure de préférence !

A bientôt New York !


Publié le 4 octobre 2010 dans Les Quotidiennes

Bons baisers de Bill Gates

Oui c’était en juin, mais de retour de Washington et New York il me semble soudain que nous n’en avons pas assez parlé : les deux hommes les plus riches du monde (voir lien ici) ont décidé d'unir leurs forces pour lutter contre la pauvreté. Bill Gates, (53 milliards de dollars) et le patron mexicain Carlos Slim (500 millions de plus et premier ressortissant d'un pays en développement à prendre la tête du classement des fortunes mondiales du magazine Forbes) investiront dans les cinq ans à venir plus de 100 millions de dollars pour aider la santé des plus démunis en Amérique centrale et au Mexique. Une bagatelle ? Certes, peut faire mieux. D’ailleurs Bille Gates a d’ores et déjà publiquement évoqué la suite, le 14 juin à Mexico : «C'est la première société que nous montons ensemble mais je suis sûr que ce ne sera pas la dernière».

Qui dit mieux ? Bille Gates encore. Deux jours plus tard, Bill Gates encore, cette fois ci avec Warren Buffet (troisième fortune mondiale, 47 milliards de dollars), a annoncé leur volonté commune de consacrer la moitié de leur fortune à des oeuvres de charité pour convaincre les autres riches de faire pareil. Quarante familles et individus, essentiellement de Californie ou de New York, ont d’ores et déjà suivi. Parmi eux le producteur George Lucas, le co-fondateur de Microsoft Paul Allen, le fondateur d’EBay Pierre Omidyar ou encore Larry Ellison, Oracle. Mercredi soir 29 octobre, dîner philanthropique à Pékin : les jaloux titrent : Warren Buffet et Bill Gates «font les poches des milliardaires chinois» (voir lien ici). De l’art de transformer les meilleures nouvelles en escroquerie.

Mais… qui dit mieux ? Notre Suisse natale peut-être ? Avant de faire, qui sait, aussi bien, disons déjà, bravo ! Et parlons-en, de cette initiative qui ne peut que nous rassurer sur l’état de santé de la planète, notre propre capacité à analyser le problème des disparités de moyens et à chercher à y remédier. Ceux qui, dans le Point par exemple, parlent d’«aumône», ne l’on probablement jamais faite.

Et laissons à leur propre culpabilité ceux qui prétendent que donner est un signe de culpabilité, et qui cherchent, tels Don Watkins et Yaron Brook dans leur pathétique article dans Forbes, à transformer The Giving Pledge (voir lien ici), en «Guilt Pledge». (voir lien ici)

Publié dans les Quotidiennes, le 4 octobre 2010

vendredi 1 octobre 2010

L'oeil du commissaire priseur

Passage sur RadioCité du 1er octobre 2010.

Le mp3 peut être téléchargé en cliquant sur ce lien.