jeudi 21 octobre 2010
Architecture et émotion : la beauté d’abord
L’architecture est émotion, toujours, et d’abord émotion esthétique. Mais quel rapport, me demanderez-vous, entre esthétique architecturale et esthétique humaine ? En fait, j’aime définir l’esthétique et la beautétout d’abord par le lien. Le lien qui se crée entre nos yeux et une œuvre d’art, entre notre regard et la ville, entre moi et l’autre. Le lien que nous sommes capables de créer avec nous-mêmes : l’harmonie, donc. Harmonie entre le corps et l’esprit, entre le corps et son habitat, entre le corps et la ville. Mais l’architecture peut aussi générer des émotions négatives : l’architecture, à l’image de l’humain, est parfois magnifique, parfois délétère. Mais nous la voudrions toujours belle, comme nous nous désirons toujours beaux !
Le corps urbain, à l’image du corps humain
Les maisons, les bâtiments, la ville elle-même, ressemblent à des corps. Car l’Homme crée à son image : les maisons ont des yeux et des façades, équivalent architectural du visage (de la face), avec tout ce que les faces et les façades nous montrent et nous dissimulent de l’âme urbaine comme de l’âme humaine. Et les villes ont des artères, des articulations, des poumons, et de fait, la beauté architecturale est très proche de la beauté physique. Le corps humain, structuré par le haut et le bas, par l’avant et l’arrière, par ses faces latérales, préfigure les bâtiments : eux aussi ont leur endroit (qui constitue le visage de la ville) et leur envers (leurs arrières fermés et souvent négligés). Le corps humain et le corps urbain ont tous deux leurs côtés, leurs intérieurs creux, leur verticalité, témoin de leur capacité à résister à la gravitation. Leur résilience aussi, la capacité de résister aux chocs, physiques ou psychologiques.
Andreas Angelidakis, architecte grec visionnaire, nous propose un nouveau genre de musée urbain, qui tout à la fois contient la ville et se déplace en elle, dans un corps à corps étonnant puisque le musée marche, comme un grand corps, à travers la ville : c’est le Walking Building, parce que la ville d’aujourd’hui ne veut plus de bâtiments figés…
La peau, protection sensible
Nous pouvons pousser plus loin encore les relations entre corps et architecture : les maisons, les bâtiments, ont une peau aussi, aussi importante que celle de notre corps et de notre visage. L’enveloppe architecturale, à l’image de la peau humaine, régule l’hygrométrie et la température, assure l’étanchéité et la protection, participe à la respiration, absorbe des éléments nutritifs. Et véhicule des sensations fondamentales, car même si nous ne touchons pas assez souvent la ville, c’est bien au contact intime que nous convoque la « peau urbaine ». On dit parfois que la peau est la surface externe du cerveau. Peut-être en va-t-il de même de la surface extérieure des bâtiments ? Et peut-être faut-il parfois aller jusqu’à « ravaler la façade » lorsque le temps rend le lifting ô combien nécessaire !
Les creux et les pleins et les rêves nichés dans les creux
Comme le corps social, le corps urbain est pétri de lumière, de temps et d’espace et caractérisé par la présence de vides et de pleins. Le vivant n’émerge pas d’une matière compacte, et sans vides ni creux, nous ne saurions « ressentir ». Ainsi le corps est-il fait d’organes creux, de cavités – les poumons, le cœur, la bouche, les intestins, et chez la femme, l’utérus. Ce sont bien dans ces creux que se logent nos sentiments et nos rêves, de même que le rêve architectural va se lover au creux des nuages… au creux du nuage d’Andreas Angelidakis notamment. Qu’il est beau d’habiter un nuage, d’avoir non seulement la tête, mais notre corps entier, dans un nuage, au bord de la plage. Protégés, cocoonés, allégés, nous flottons dans la ville comme nous flottons dans la vie. Alternativement, Angelidakis nous propose un Blue Wave, un hôtel comme un nid d’abeille, comme un ensemble de grottes parfaites, que le soleil couchant traverse et où passent de solitaires voyageurs du futur.
Architecture émotionnelle et beauté
L’architecture émotionnelle ? En fait, toute l’architecture génère des émotions, positives quand elle est belle, négatives aussi lorsqu’elle ne respecte pas les besoins des citoyens, mais trop souvent oubliées voire ignorées. Le premier Colloque international d’Architecture émotionnelle, les 20, 21 et 22 janvier 2011, un colloque dont les partenaires principaux sont le Centre Interfacultaire des Sciences Affectives de l’Université de Genève et la Faculté d’Architecture La Cambre-Horta de l’Université Libre de Bruxelles, explorera ce sujet central pour le bien-être citoyen et social. Save the date ! Le colloque est organisé avec le soutien de la République et Canton de Genève et accueillera parmi les plus grandes personnalités de l’architecture et du monde des émotions et il est ouvert à tous. Entrée libre, inscription obligatoire.
http://archiemo.wordpress.com/
Publié dans Beauté, novembre 2010
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