Toute crise, quelle qu’elle soit, a toujours des effets positifs. Elle est comme une boule dans un jeu de quilles, elle remet tout en jeu, elle permet à certains d’émerger qu’on avait oublié, elle « set the moove ».
Mais dans Genève la feutrée, il ne se passe pas (encore ?) grand chose. On entend bien quelques plaintes, les banquiers souffrent de l’angoisse de leurs clients - plus que de la leur semble-t-il - les activités se restructurent, certaines se centralisent à Zurich, les mesures d’économies pointent à l’horizon, l’emploi frémit. D’aucuns nous recommandent de cultiver notre jardin. La boule n’a pas encore fait tomber les quilles et la stabilité n’a pas encore été remplacée par le mouvement.
Une chose a pourtant, déjà, fondamentalement changé. La crise ferait presque croire à la Suisse qu’elle fait partie de l’Europe. Même les plus anti-européens d’entre les Suisses – et cela en fait beaucoup – ont soudainement changé de ton, surtout dans les milieux bancaires. On n’a plus que l’Europe à la bouche, l’Europe unie. Unie contre, ou plutôt pour, la finance mondiale. C’est bien là l’un des effets les plus positifs de toute crise, ces liens que les menaces extérieures créent classiquement à l’intérieur d’une structure, qu’elle qu’elle soit. Que la menace extérieure soit la concurrence sur les entreprises, ou le risque d’effondrement des systèmes en place pour les nations, elle crée toujours, dans le meilleur des cas, une nouvelle cohésion.
Et à lire les medias suisses se congratuler des accords européens, sur les prêts, les faillites et la recapitalisation ; déplorer le manque de coordination entre responsables politiques et le temps mis (une semaine tout de même !) pour prendre la mesure des risques, se réunir, préparer un plan, le présenter, et rassurer tout le monde ; se féliciter ensuite de cette coordination, du rôle de Nicolas Sarkosy, le leader qui se révèle dans les crises (personnelles ou politiques, la rupture d’abord) ; souligner la cohérence entre les actions britanniques et celles de la zone euro… C’est presque comme si tout ceci se passait en Suisse, à Genève, au cœur de l’Europe. Where else ? Peut-être que l’un des effets bénéfiques de la crise, sera-t-il, pour la Suisse, de réaliser enfin que l’Europe n’est pas seulement structure de centralisation, mais surtout de coordination ; qu’elle n’est pas seulement un monstre qui coûte cher, mais qu’elle peut rapporter gros ; qu’elle n’est pas seulement garante de stabilité géopolitique et de paix, mais aussi de stabilité financière et économique ; qu’elle n’est pas seulement Tour de Babel mais aussi creuset de cohésion globale ? Si cela pouvait être le cas, et que la Suisse décide enfin de remettre en cause son isolement qui n’a de splendide que l’ignorance qui le fonde, bénie soit-elle !
Publié dans l'AGEFI
lundi 20 octobre 2008
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