Deux romans récemment publiés, l’un, Mon petit Mari (Grasset 2007), d’un auteur fort admiré en Suisse romande, Pascal Bruckner, et l’autre, Le Nouvel Age (Le Grand Miroir 2007) d’un auteur plus connu pour son engagement dans l’art contemporain que pour ses romans, Paul Ardenne, traitent tous deux, sur un mode assez différent - la tragi-comédie contemporaine pour Bruckner, le roman moderne intello-trash pour Ardenne – de la position de l’homme, ou plus exactement du mâle, au tournant de ce siècle.

Pour Bruckner, il est minuscule. A peine un petit soldat de plomb. «C’est d’abord une histoire de taille», dit Bruckner, «Mon Petit Mari, c’est l’histoire de la prédominance des grands, de leur domination sur les petits». Mais c’est aussi une farce sur le couple, sur la confiscation de la liberté qu’il ordonne, sur le patriotisme viril à la dérive, sur ces hommes qui se laissent volontiers dominer dans le couple et qui ne s’en trouvent que mieux.

La transformation de la femme en maman, cette femelle universelle qui tout à la fois génère et déplore la perte de la virilité «domestique», son surinvestissement compensateur à l’extérieur et l’irresponsabilité de l’homme nouveau, blame son compagnon de n’être pas à la hauteur quand bien même elle fait tout pour le diminuer, et nous rappelle avec acuité le travail de sape de la masculinité d’une Sophie Calle et de ses compagnes d’infortune (Christine Angot exclue).

Quant à l’homme, dit Bruckner, pas de chance, «même quand il est opprimé il est encore oppresseur - ou alors une victime vraiment ridicule». Heureusement, la fin inventée par Bruckner est lumineuse: finalement il suffit, pour ne pas être un petit mari, de ne pas choisir une grande femme – il en est tant de petites… Plus aucune chance désormais pour celles qui mesurent plus de 165cm.

Quand au Victor de Paul Ardenne, il n’est guère plus victorieux.

Le pauvre Vic rêve d’une société de l’harmonie - celle «préfabriquée par les charlatans de la réunification humaine» -, mais sans arriver à la trouver dans sa propre existence. Non seulement «il bouffe et grossit en conséquence, mais de plus, il ne bande plus.» En tous cas plus dans le cadre de son couple qui se devrait pourtant d’être harmonieux.

Rares sont les hommes qui abordent ainsi de plein fouet cette problématique pourtant quotidienne. Problématique qui plus est escamotée dans ce cas, car cela indiffère à Madame (Madeleine): une autre manière de diminuer le mâle. Victor développe alors des stratégies alternatives: il rencontre des femmes actives, avec lesquelles il adopte une attitude clairement passive d’homme objet servile et heureux de l’être.

Elle choisit l’hôtel, le jour, la position – quand bien même les deux qui intéressent Vic sont symptomatiques: d’une part le sexe oral, «étouffoir métaphorique de la parole féminine», commente Ardenne, et d’autre part le sexe anal, qui abolit lui aussi la puissance féminine dans la mesure où celle-ci, contrairement à celle masculine, est fondamentalement puissance d’absorbtion et non pas d’émission. Contre nature. La fin est sans espoir… mais ne se laisse pas dévoiler.

Bonne lecture à toutes celles qui s’intéressent aux désastres des hommes, qui sont forcément aussi les nôtres - les désastres donc, pas les hommes, car finalement, comme nous, ils n’appartiennent qu’à eux-mêmes.


Publié dans les Quotidiennes le 7 décembre 2007