L’exposition « Des Parisiens sous l’Occupation » présente, à la Bibliothèque historique de la ville de Paris, au cœur du Marais, le travail d’André Zucca, photo-journaliste français correspondant de Signal (revue propogandiste de l’Occupant), en 270 photographies couleur, prises à Paris entre 1941 et 1943. Le traumatisme de la deuxième guerre mondiale est loin d’être épuisé et continura longtemps encore à susciter questions sans réponses, tentatives de rationnalisation, travaux de mémoire.
L’exposition s’intitulait initialement « Les Parisions sous l’occupation ». Tollé, non sans raison : comme si tous les Parisiens, sous l’occupation, profitaient tranquillement de l’existence dans un Marais ensoleillé et souriaient sans arrière-pensée aux étoiles jaunes brodées sur les vêtements de leurs voisins. Sous l’objectif de Zucca, alors que les croix gamées flottent sur leurs bannières à la rue de Rivoli, la vie se poursuit comme si de rien n’était. Il nous montre un Paris accomodant et accomodé, dans lequel les gens – des gens – vont au café, achètent des fleurs, se promènent, s’amusent, admirent la beauté du monde : on y voit même Madame Zucca, posant souriante et satisfaite d’elle-même sous l’objectif du correspondant de Signal - un « détail » qui à lui seul en justifie un autre : changer une lettre du titre de l’exposition. « Les » Parisiens sont devenus « Des » Parisiens. Et les débats se poursuivent, parfois de haut niveau, parfois acharnés, autour de la question, fallait-il montrer les photographies de Zucca et si oui, comment. L’un des plus passionnés aura sans doute été celui organisé par la Ligue des Droits de l’Homme, dont on connaît le combat constant pour la liberté d’expression : «fictionnaliser» la vie étant une activité essentielle de l’homme, tout doit pouvoir être dit et montré dans ce cadre. Mais pas sans ce cadre, justement. Celui de l’exposition Zucca ? Un cadre explicatif, des notices, des cartels. Contre lesquels s’élève avec justesse l’historienne et historienne de l’art Laurence Bertrand Dorléac (auteur notamment de L’Art de la Défaite 1940-1944, Seuil, 1998): elle qui use des mots avec tant de dextérité, les traite de « prothèses de l’image ». On se souviendra de Barthes « l’image aura toujours le dernier mot ». L’historienne, constamment à la recherche de la plus grande précision, aura analysé par elle-même les commentaires des visiteurs laissés dans le livre blanc de l’exposition : ces commentaires ne diffèrent en rien, avant et après l’adjonction des notices explicatives. « Une exposition, cela se regarde, cela ne se lit pas. Les explications sont secondaires ». Alors ? En fait, ce qu’il aurait fallu faire, c’est confronter l’image à l’image. Pour chaque photographie de Zucca, rechercher une photographie du même lieu, ou du même moment, mais prise dans une autre perspective : le Paris souffrant et résistant. A côté des photos du Marais qui se veulent presque gaies, montrer ce que le Marais recelait vraiment, de souffrance, de mépris et d’horreur. Ce n’est qu’au prix d’un tel effort que le Paris de Zucca aurait pu trouver sa place dans une exposition au demeurant plus historique qu’artistique (à voir jusqu’au 1er juillet).
L'Extension
vendredi 20 juin 2008
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