On n’en peut plus de la crise… On nous dit aujourd’hui qu’elle est davantage due à l’incompétence qu’à l’avidité – mais cela ne nous donne pas encore de quoi chanter Alleluïa ! En fait, quelles qu’en soient les causes, ce que nous voulons vraiment, ce sont des solutions à la crise. Alors la croissance bien sûr. De nouvelles idées, de nouvelles pistes, de nouvelles voies (à Genève : de tram évidemment). L’imagination, la création, la construction. Oui, construire… l’avenir et le concret. Construire utile. Vous avez dit utile ?
A Genève, outre les voies de tram : l’hôpital. Il était temps. L’une des villes les plus luxueuse du monde ne pouvait attendre plus longtemps pour faire évoluer l’accueil médiéval de ses patients dans des chambres à six voire huit lits : 196 chambres à un ou deux lits vont ainsi être construites sans plus attendre (début des travaux prévus en mars 2011) dans le contexte du BDL 2 (Bâtiement des Lits2). L’architecture même la plus fonctionnelle se doit de tenir compte des nécessités émotionnelles : en l’occurrence, le besoin d’intimité devant la maladie et parfois la mort. Les conseillers d'Etat Mark Muller, chargé du département des constructions et des technologies de l'information (DCTI), et Pierre-François Unger, chargé du département de l’économie et de la santé (DES), ont ainsi annoncé de concert le 24 juin dernier que le projet de loi de crédit d’investissement pour la construction et l’équipement du futur bâtiment devrait être adopté par le Conseil d’Etat avant la fin de l’année 2009, pour un coût total du projet estimé à 235 millions de francs. 235 millions de francs investis dans la construction sociale, voilà au moins l’esquisse d’une solution… qui de plus n’oublie ni l’esthétique (grâce notamment à l’architecte français Jérôme Brunet), ni l’environnement : le BDL2 sera une construction à haute performance énergétique. La lumière du jour, source d'éclairage principal afin de favoriser les économies d’énergie, y baignera l’espace grâce à de larges baies vitrées : l’esthétique rejoint l’environnement, à l’intérieur comme sur les toits, qui seront quant à eux abondamment végétalisés.
Un autre investissement qui serait particulièrement utile et bienvenu dans le panorama de la construction publique actuelle (ou privée défisclisée d’ailleurs, pouquoi pas) concerne le logement étudiant. Les étudiants d’aujourd’hui sont nos managers de demain, compétents et modestes bien sûr, et c’est dès leurs études qu’il faut favoriser leur mobilité, leur ouverture sociale et leur autonomie. Pour nos étudiants, le confort de la maison parentale qu’ils continuent, le plus souvent, d’habiter pendant leurs études, ne favorise ni l’un ni l’autre. Comment faire autrement ? En investissant dans la construction de logements étudiants à même de jouer le rôle de passerelles souples entre maison parentale et logement urbain indépendant et de favoriser la mixité, que ce soit entre les différents types d’étudiants (apprentis, universitaires), entre les différentes générations (logements de jeunes, logements pour personnes âgées) ou d’une manière générale, la mixité sociale. Une approche dans laquelle la France fait figure de pionnière : en témoignent notamment la publication d’un important dossier sur le sujet (Dernières nouvelles - Architecture et habitat étudiant en Europe, Ante Prima Ed, 2008), qui pourrait inspirer nos constructeurs, et un atelier expérimental, organisé par le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) le 6 juillet dernier à la Cité Universitaire de Paris, sur les modes de vie et le logement des jeunes. L’une des conclusions de ce colloque : la typologie des logements pour étudiants, d’une part, reflète l’organisation générale des études et la place qu’une société donnée accorde à ses étudiants, et, d’autre part, module la vision que la société a de ces mêmes étudiants.
La société suisse devrait davantage prendre en compte le fait que les études des uns représentent l’avenir de tous. Soutenir l’université, la recherche, la formation duale – c’est essentiel ; considérer que les étudiants font partie intégrante de la Cité en construisant pour eux des logements qui ne soient pas seulement fonctionnels, mais qui tiennent compte, eux aussi, des émotions spécifiques à ces années de passage – c’est un pas de plus pour que les villes universitaires deviennent des campus à échelle urbaine. Voilà un investissement dont tout le monde bénéficiera, car comme chacun sait, quand le bâtiment va, tout va !
Publié dans l'AGEFI, le 11 août 2009