Le Courrier International consacre sa une et cinq pages à notre Pauvre Suisse de moutons blancs et noirs. Il cite notamment El Mundo, sous la plume de Carlos Alvaro Roldan, regrette la Suisse «ouverte et généreuse» dans laquelle il est arrivé, jeune immigré espagnol, bien avant les victoires de l’UDC. «Beaucoup d'anciens émigrés espagnols retournés au pays, dont mes parents, ont appris avec tristesse le durcissement des lois sur le droit d'asile et le séjour des étranger ». Mais il n’y a pas que l’Europe qui se désole: d’après l’International Herald Tribune aussi, la Suisse entière semble désormais faite de moutons. Blancs bien sûr, qui éjectent les noirs.
Devant cette avalanche bêlante, il est plus que jamais temps que ceux qui n’ont pas voté UDC – et nous sommes plus des deux tiers des votants tout de même – disent haut et fort que si moutons nous sommes, nous sommes tous des moutons noirs ! Tout d’abord parce que l’indignation doit toujours être exprimée. Comme le dit si bien le libéral français Jean Claude Michéa dans l’Empire du moindre mal (Climats, 2007): «La richesse suprême, pour un être humain – et la clé de son bonheur – a toujours été l’accord avec soi-même. C’est un luxe que tous ceux qui consacrent leur bref passage sur terre à dominer et exploiter leurs semblables ne connaîtront jamais. Quand bien même l’avenir leur appartiendrait.» Mais outre cet idéal de l’accord avec soi-même, demanderez-vous, y a-t-il vraiment d’autres raisons de se démarquer de l’UDC sur cette question clé de l’immigration ? Bien sûr ! En voici quelques-unes seulement: pour la vie et le respect des droits de l’homme, pour la dignité, pour des raisons économiques, de politique extérieure et d’image.
Tout d’abord, pour la vie. La vie n’existe que dans la diversité. Disons-le clairement : l’enfer, le vrai, ce serait une Suisse avec seulement des moutons blancs. Laine blanche sur neige blanche, la monotonie absolue… Respect des droits de l’homme, dignité et politique extérieure ensuite: alors que toute la politique extérieure suisse est basée sur la neutralité, la médiation, le soutien à la paix, le respect des droits de l’homme et des Conventions de Genève, comment paraître encore un tant soit peu crédibles si nous stigmatisons les étrangers - qui constituent, faut-il le rappeler, 20% de la population suisse, plus de 40% de celle genevoise et 25% de notre force de travail – comme les moutons noirs de notre paradis ?
Raisons économiques encore: toutes les études, toutes les analyses, tous les checks de réalité n’ont-ils donc toujours pas suffisamment établi que l’économie suisse s’écroulerait immédiatement en l’absence d’étrangers? Que la sève vitale de notre économie, qu’elle soit au blanc ou au noir, déclarée ou non, vient de l’enrichissement continuel de notre pays par les moutons noirs, un enrichissement sans lequel notre développement économique n’existerait pas?
Raisons d’image enfin : même si ce n’est jamais un impératif catégorique, vous avez vraiment envie, vous, que le monde entier nous considère comme de débiles moutons à la droite du front national, comme le suggère l’International Herald Tribune?
Publié dans l'AGEFI, le 25 octobre 2007
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