Depuis les élections, on parle partout de leadership. La presse en bruisse : il n’y en a que pour les leaders, pour les leaders des leaders, pour les talents qui font le top leader. En transparence, on entend bien sûr le nom de Blocher : la Suisse a un leader, un seul, un vrai… Mais il y a leader et leader.
Le leader d’action a une vision et sait la faire partager. Il indique la direction et inculque aux autres avec la plus grande conviction le désir de le suivre, comme un chef d’orchestre : « c’est là que nous allons parce que c’est là qu’il est bon d’aller, qu’il n’y a pas d’alternative et que c’est là que nous devons aller ». Et tout le monde y va en effet, juste là où le leader voulait, parce que c’était vraiment là qu’il fallait aller, n’est-ce pas ? Puisqu’il l’a dit. Et tous ceux qui ont besoin d’un chef d’orchestre pour donner le meilleur d’eux-mêmes (ou parfois, malheureusement, le pire) reconnaissent au leader son charisme, sa grandeur, sa supériorité.
Mais le leadership des uns va parfois à l’encontre de la liberté des autres. Et puis, les solistes, comme chacun sait, sont des individualistes qui ne se plaisent pas forcément au sein du groupe, sous la direction d’un seul et même chef. Et heureusement, des solistes, il en reste quelques-uns dans ce pays comme ailleurs. Alors, quel leadership pour ces solistes, pour les individualistes, pour tous les amants forcenés de la liberté ? Quel leadership pour augmenter, et non brider, la liberté de ceux qui suivent ?
Un leader de liberté est un leader de pensée plus qu’un leader d’action. Il ne donne pas de direction définitive, il ne guide pas, il ne cherche pas forcément à convaincre ni à emporter l’adhésion coûte que coûte. Un leader de pensée réveille. Il stimule la contradiction. Il dérange. Il brouille les cartes plutôt que d’aligner les troupes et sème le doute plus que l’évidence. Les chemins du doute sont complexes, faits de tours et de détours, et pour être en pointe, le leader de pensée se positionne sur ces chemins de traverse. Il est objecteur de conscience plutôt que général. Il génère lui aussi le désir, comme le leader d’action - mais un autre désir que celui de suivre : celui de penser de manière autonome. Ainsi tous ceux qui suivent ce leader-là cessent en fait immédiatement de « suivre » et deviennent à leur tour des leaders de pensée.
En Suisse romande, on peut donner en modèle de ce deuxième type de leader Xavier Comtesse, l’homme qui a su créer notre premier consulat scientifique à Boston, directeur romand du think tank Avenir Suisse, qui sans relâche nous amène à repenser notre gouvernance, nos modes de faire de la politique, à réévaluer nos valeurs. Xavier Comtesse qui s’il avait une baguette magique pour mettre en place un monde meilleur, choisirait « La liberté pour tous - la valeur suprême qui implique toutes les autres ». Les vrais leaders contribuent ainsi à ce que le Professeur de sociologie Philippe Zarifian appelle « l’émergence difficile des hommes libres » non sans préciser qu’ils doivent être « des hommes libres au pluriel, car il n'y a de liberté possible que dans la coopération. »
C’est bien de leaders de liberté dont nous avons constamment besoin !
Publié dans l'AGEFI, le 30 octobre 2007
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire