Le 20 février 2009, le manifeste suivant, composé par l'écrivain Filippo Tommaso Marinetti et considéré comme le texte fondateur du mouvement futuriste, a été publié par Le Figaro Magazine.
Il venait d’Italie.
1. Nous voulons chanter l'amour du danger, l'habitude de l'énergie et de la témérité.
2. Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l'audace, et la révolte.
3. La littérature ayant jusqu'ici magnifié l'immobilité pensive, l'extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l'insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing.
4. Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle: la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l'haleine explosive... une automobile rugissante, qui a l'air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace.
5. Nous voulons chanter l'homme qui tient le volant dont la tige idéale traverse la terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite... C'est en Italie que nous lançons ce manifeste de violence culbutante et incendiaire, par lequel nous fondons aujourd'hui le Futurisme parce que nous voulons délivrer l'Italie de sa gangrène d'archéologues, de cicérones et d'antiquaires...
Aujourd’hui, what remains is future.
Le soleil se lève à l’est. Hommage au Japon.
1. Nous voulons la concentration absolue. L’attente de la geisha.
2. Les éléments essentiels de notre poésie sonore seront l’ascension du Fujisan, le chant des Inuit, celui du vent dans les feuilles apoptotiques et le choc des gouttes de pluie sur les sables du Sahara.
3. La littérature futuriste ayant exalté le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux et le coup de poing, nous voulons magnifier la matière cosmique, l’énergie décuplée, la voix des guerriers en fleurs, l’alchimie solaire. Terre artiste ciel. Façonner un bonzaï est un art qui s'apprend.
4. Nous déclarons que la beauté du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle, mais nous ne savons pas laquelle. Un dirigeable immense, à lithium laminé, se meut dans notre direction, glissant avec lenteur, comme en un bain d’huile, tel un puissant cétacé des airs. Le pilote est un enfant.
5. Nous voulons chanter la courtoisie, l'honneur, la loyauté.
On est invité à retirer ses chaussures avant d'entrer.
La fierté.
Esthétique politique : le futurisme revisité par Nicolas Sarkozy
André Rouiller, grand spécialiste des relations entre art et politique, a récemment publié sur le site ParisART des observations particulièrement intéressantes sur les choix esthétiques « futuristes » de Nicolas Sarkozy.
Il y a presque cent ans, le 20 février 1909, Filippo Tommaso Marinetti publiait dans le Figaro le manifeste suivant (extraits) considéré comme le texte fondateur du mouvement futuriste. « 1. Nous voulons chanter l'amour du danger, l'habitude de l'énergie et de la témérité. ; 2. Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l'audace, et la révolte ; 3. …nous voulons exalter le mouvement agressif, l'insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing ; 4. Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle: la beauté de la vitesse... ; 5... Nous fondons aujourd'hui le Futurisme parce que nous voulons délivrer l'Italie de sa gangrène d'archéologues, de cicérones et d'antiquaires... »
Le lien avec Sarkozy ? La rupture d’abord, cette rupture voulue avec les archéologues et les antiquaires et tous ceux qui rêvent encore, comme à l’époque mitterrandienne, de « laisser le temps au temps ». Le vitesse ensuite, la rapidité, l’efficacité comme contre-esthétique de la « force tranquille ». On se souvient de Mitterrand massif, assis, réflexif. On voit Sarkozy courant en culottes courtes, sous l’œil des media relayant fidèlement cette esthétique de l’exercice, de l’agilité, de la force en action. L’esthétique de la relation aux femmes est dans la même opposition : performance affichée par Sarkosy (s’il ne l’était pas, performant, comment imaginer que la sublime Carla Bruni l’élise elle aussi), mystère et secret pour Mitterrand, ô combien aimé des femmes pourtant.
Cette esthétique de la vitesse et de la performance se retrouve dans toutes les actions de Sarkozy, avec une efficacité imparable. Selon Rouiller, l’aspect politique des réformes que cherche à conduire Sarkozy ne réside pas tant dans leur contenu que dans leur tempo. Sarkozy est partout, il ne s’arrête jamais, il investit tous les territoires, il court sans relâche - et pas seulement en short - il se bat contre «les forces du conservatisme » (les archéologues de Marinetti) et réitère sans relâche que «la crise nous donne l’occasion d’accélérer la modernisation des structures obsolètes et de changer nos mentalités» ; que «le risque n’est pas dans le mouvement, le risque est dans l’immobilisme» ; que «tout ralentissement dans le rythme des réformes se traduira par un retard que nous paierons très cher ».
Nicolas Sarkozy cherche ainsi à obtenir l’aval de ses citoyens par l’intermédiaire de la mise en scène d’une fiction générant dans l’esprit des Français des équivalences entre politique présidentielle, mouvement et efficacité. Mais au manifeste de Sarkozy l’agité, Sarkozy l’hystérique (double critique implicite au registre de la masculinité même, l’hystérie étant fondamentalement féminine), d’aucuns préfèreraient un nouveau manifeste d’un futur d’aujourd’hui qui inclurait la concentration, l’attention et l’écoute des chants des Inuits. Ceux qui cherchent à s’opposer à Nicolas Sarkozy ne pourront donc le faire qu’en proposant cette autre esthétique : ils n’ont aucune chance sur le terrain de l’efficacité. Si les socialistes veulent se donner une petite chance de gagner, ils feraient bien de s’inspirer du dernier marketing de Nissan : l’esthétique de la lenteur – depuis toujours, celle de la politique suisse.
Publié dans l'AGEFI, le 12 février 2009.
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