lundi 12 janvier 2009

Seize semaines ou l'enfer

Une bonne mère prend ses 16 semaines de congé maternité. Au pilori celles qui oseraient faire autrement: nous les femmes, on s’est tellement battues pour cela, vous n’allez tout de même pas mettre en cause nos combats, en montrant radieuse au monde incrédule que l’on peut avoir une merveilleuse petite Zohra à 43 ans et retourner au travail cinq jours plus tard, le ventre à peine encore un peu arrondi. Seules des sorcières aux ongles noirs oseraient ainsi, d’un sourire triomphant d’un seul, mettre en cause la sacro sainte norme de la bonne mère. A la maison, et vite ! En pleurs, dans la chambre du bébé! A genoux, pour demander pardon, de ce crime anti-féministe! Pas d’alternative possible, Mesdames, ou Mesdemoiselles, pas de choix, pas de discussion. 16 semaines ou l’enfer. Pour certaines, 16 semaines en enfer.

La liberté individuelle d’être mère à son goût, à son rythme, à sa manière, sans autre critère que le bien-être personnel et l’amour? On s’en fout totalement. Foin de la liberté, ce n’est pas pour cela que se sont battues les féministes. La norme doit être respectée : ce sera 16 semaines, ou rien, pas d’enfants, pas de soutien, aucun esprit communautaire, ce dernier s’est vu brisé comme un joujou bien trop fragile en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Mais si nous ne nous disons pas, justement, nous, entre nous, entre femmes, que chacune de nous peut vivre sa vie en général et sa maternité en particulier comme elle l’entend, qui d’autre le dira? Les hommes? La loi? Les pédopsychiatres? Les enfants, une fois grands, qui remercieront le ciel de les avoir préservés d’une mère frustrée ? A ce propos, vous savez ce que m’a dit un jour ma fille aînée, alors qu’effrayée par des commentaires entendus à la Faculté de Médecine où je travaillais à l’époque – «Les pauvres enfants Polla, qui ne voient jamais leur mère» – je m’en étais ouvertes à mes filles? «Mais maman, ils n’ont rien compris, c’est si tu étais toujours là, qu’on serait de pauvres enfants !»

Laissons donc celle que l’on accuse de «droguée du pouvoir» vivre sa vie privée comme elle l’entend, remercions Madame le Ministre de son magnifique engagement professionnel et politique, et n’oublions jamais que collectivement, nous savons tout faire. Des bébés, et aussi, sauver le monde! Yes we can!

Publié dans les Quotidiennes, le 12 janvier 2009

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