samedi 12 janvier 2008

Le combat d'une femme musulmane après la mort de Benazir


Professeur en sciences politiques, première femme ministre au Koweït, Massouma al-Moubarak fait partie de celles qui ont ouvert la voie en accédant au gouvernement d'un pays musulman, suivant les traces de Benazir Bhutto.

«Benazir a été la première femme premier ministre d’un pays musulman et à ce titre, elle a représenté pour des millions de femmes une percée incroyable et une inspiration essentielle. Elle prouvait par sa position même qu’il n’y avait aucune limite réelle aux possibles ambitions politiques de toutes les femmes. Elle a aussi invalidé l’idée qu’une femme musulmane ne saurait diriger un pays comme le Pakistan.»

Que dire des accusations de corruption adressées à Benazir Bhutto ? «Il est vrai que sa politique n’a jamais été lisse et qu’elle a été critiquée – mais aujourd’hui, je n’ai pas à juger de sa politique, j’ai à me prononcer sur son assassinat. Et lorsqu’on se débarrasse d’un adversaire politique par l’élimination physique, cela démontre que la démocratie n’a pas encore pris racine, puisque, par définition, elle suppose l’acceptation de la diversité des opinions et de la tolérance.»

La première femme? «Je suis fière, mais j’ai aussi ressenti avec beaucoup d’acuité le poids de cette position. Je me sentais jugée pour toutes les femmes. Je me disais souvent, «si je rate, on conclura que les femmes ne sont pas qualifiées!»»

Le parcours de Massouma al-Moubarak: forcément exceptionnel et engagé. Dans les années 90, avec un groupe de femmes et d’experts, elle étudie la Constitution koweitienne et constate que selon celle-ci, les femmes ont le droit de vote et sont éligibles; la loi qui veut que seuls les hommes soient concernés est anticonstitutionnelle.

Première démarche en 1999 pour amender la loi, échec. Elle revient à la charge, jusqu’à ce que finalement, jour de gloire!, le 16 mai 2005, le parlement koweïtien accorde le droit de vote et d’éligibilité aux femmes, et que l’émir concrétise immédiatement cette décision parlementaire en nommant la première femme ministre. «Pourquoi moi ? J’étais active dans le monde de l’éducation, du droit international, des droits humains et des droits des femmes, koweitienne pure souche et je n’appartenais à aucun groupe politique…»

Inscriptions automatiques
Ministre du planning et des affaires administratives, puis de la santé, elle raconte: «J’ai changé les systèmes de recrutement, proposé qu’on ne précise plus le sexe (masculin toujours) mais seulement le profil, les qualifications et les diplômes requis. J’ai aussi fait procéder à une inscription automatique de toutes les femmes dans le registre électoral, afin de les rendre immédiatement éligibles, en un seul clic, sans qu’elles aient à faire de démarche personnelle, ce qui aurait pu prendre des années… L’émir et le parlement ont suivi!»

Elle est décidée à profiter de cette situation pour les élections de 2007, mais celles-ci sont soudain avancées d’une année. «Nous n’avons eu qu’un mois pour préparer des femmes à la candidature au parlement !» Trente femmes sont réunies, une seule se retire sous l’effet de menaces de sa famille. «Nous avons accompagné et soutenu ce groupe, l’enthousiasme était au rendez-vous - mais c’était vraiment trop court et aucune n’a été élue… . Mais plus de la moitié d’entre elles sont prêtes à recommencer tout de suite, malgré les difficultés!».Et pourquoi alors Massouma al-Moubarak n’est-elle plus en poste ? En été 2007, un des hôpitaux, dont elle était responsable en tant que ministre de la santé, brûle. Deux personnes meurent dans l’incendie. Elle démissionne. «En tant que première femme au gouvernement, je devais assumer cette responsabilité. Je ne pouvais imaginer entendre dire un jour, « ah, le principe de responsabilité n’est pas respecté par les femmes.» Je ne regrette rien, c’était le prix à payer pour être en paix avec moi-même. En politique, tu ne peux pas sauter par dessus les corps des agonisants!».

Et l’histoire continue …

Il y a aujourd’hui une femme ministre de l’éducation au Koweit. « Quant à moi, je fais des plans pour aider les futures candidates, je leur prépare la route… » dit Massouma al-Moubarak. L’assassinat de Benazir Bhutto ne freinera pas cette femme.

Publié dans les Quotidiennes, le 12 janvier 2008


1 commentaire:

Nina a dit…

Bonjour, Mme Polla,
j'ai fait une petite recherche pour mon rapport universitaire et je suis tombée sur votre article :

Interactions entre infectant et infecté :
qui stresse qui

Séminaire CUEH, mars 1995

Barbara S. Polla

disponible sur :
http://ecolu-info.unige.ch/teach/ResoBioInfo1/ResoBioInfo-ArtPolla.html

c'est alors que j'ai décidé de faire une recherche sur l'auteur de l'article, j'espere sincèrement que je ne me tropmpe pas de personne. En fait c'est pour vous dire: j'ai rarement vu un sens de l'humour comme le vôtre en science biologiques, intelectuellement c'est tres stimulant :)
Merci

Nina