mardi 1 janvier 2008

ls ont tué Benazir : un assassinat qui transforme la corruption en sainteté?

L’assassinat de Benazir Bhutto l’aurait transformée en sainte ? Ces remarques ont fusé, y compris dans les commentaires sur ce blog. En guise de réponse, notamment à Alain Fernal, je vous transmets ici les réactions du Kuwait, où je me trouvais il y a quelques jours. La presse unanime condamne. Arab Times a notamment titré en grand: “Atrocious crime against democracy.” Ni les qualités ni les défauts de Benazir Bhutto n’y ont rien changé.

Mais la réponse la plus intéressante à la question posée m’est venue sans nul doute d’une personnalité exceptionnelle dont nous reparlerons: Massouma al-Moubarak, première femme ministre du Kuwait (de juin 2005 à août 2007) : “Benazir a été la première femme premier ministre d’un pays musulman, et à ce titre, elle a représenté pour des millions de femmes une percée incroyable et une inspiration essentielle, puisqu’elle prouvait par sa position même qu’il n’y avait aucune limite réelle aux possibles ambitions politiques de toutes les femmes - et invalidé la notion qu’une femme musulmane ne saurait diriger un pays comme le Pakistan. Il est vrai que sa politique n’a jamais été lisse, qu’elle a été dans l’opposition, qu’elle a été accusée par de nombreux pays de corruption – mais aujourd’hui, je n’ai pas à juger de sa politique à elle, j’ai à me prononcer sur son assassinat.”

Et comme d’autres le disent d’ailleurs aussi dans leurs commentaires: l’assassinat n’est jamais une position politique défendable. Massouma al-Moubarak ne dit pas autre chose, mais elle développe : “lorsque l’on se débarrasse d’un adversaire politique par l’élimination physique, cela démontre par trop bien que la démocratie n’a pas encore pris racine, qu’elle n’est là qu’en surface, puisque la démocratie, par définition, suppose l’acceptation de la diversité des opinions, de l’autre, de la tolérance”.

Il ne s’agit donc pas de faire de Benazir une sainte, mais de faire deux constats: en tuant une femme, ceux qui l’on tuée ont touché à un symbole extrêmement important pour les femmes musulmanes (et pour les autres aussi); et en tuant un adversaire politique, ceux qui l’ont tuée ont arraché ne serait-ce qu’une fine pellicule de démocratie d’un pays désormais en plus grand danger.

Publié dans les Quotidiennes, le 1er janvier 2008

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