vendredi 8 mai 2009

Archi-Milan

Milan, la plus belle ville d’Italie, cœur battant du capitalisme cognitif. L’une des villes les plus industrieuses du monde, 28ème puissance mondiale si on l’élisait État indépendant. Une ville discrète cependant, et qui, contrairement aux autres villes italiennes, n’étale pas ses trésors, mais les recèle, plutôt. Une ville que l’on n’a jamais fini de découvrir parce qu’elle vit, se transforme, se renouvelle, inépuisable, et ne cesse de construire son avenir.

La cité de la production industrielle des années 1960 se donne de nouvelles destinations de production – «la production culturelle, bien plus utile aujourd’hui que la production classique» selon Mariano Pichler, l’un des acteurs principaux de la nouvelle Milan du quartier de Ventura à Lambrate. Cet architecte qui a compris très jeune que pour vivre son autonomie au quotidien il se devait d’être aussi entrepreneur (et qui non sans humour a baptisé son entreprise «imperatore»…), a créé de toutes pièces le nouveau quartier des galeries de la ville, réhabilitant à tour de bras bâtiments industriels et post-industriels. Son dernier projet, à peine inauguré pendant la foire de Milan, alors qu’il n’est pas vraiment terminé: Lambretto Art Project, «Observatoire du Contemporain». Un observatoire qui n’a pas besoin de regarder de haut: Milan est un labyrinthe horizontal que ne visionnent de haut que sa gare centrale et le tout proche «Pirelli», l’unique gratte-ciel dans lequel s’était planté, peu après le 11 septembre 2001, un inoffensif avion de tourisme qui ne causa aucune mort mais n’en resta pas moins mythique… Un observatoire, plutôt, «qui fait référence au périscope de la culture classique, mais en adéquation avec le contexte contemporain», comme une fenêtre de sous marin qui surplombe la rue, une fenêtre opaque sur laquelle, dans les torpides nuits estivales, on peut projeter de l’intérieur des vidéos d’artistes que les passants viennent mâter en drive-in. «Un observatoire qui regarde, mais montre aussi» précise encore Mariano Pichler.

Le lieu en évoque un autre à Milan, qui vaut lui aussi le détour: «Les frigos milanais» et le Palais des Glaces, récemment réhabilités par les architectes génois 5+1AA. (pour une histoire détaillée du lieu, se référer à Qu’est-ce qu’il y a dans le frigo? 2009)
Alfonso Femia et Gianluca Peluffo, tout comme Mariano Pichler, «animent» ici l’espace urbain, réinjectent de la vie, une vie éminemment «sociale». Et voilà que soudain, le long de la rue Piranèse, une rue jusqu’alors anonyme s’il en est, un grand mur rouge, lumineux, accueillant, invite le regard, et le passant, à s’arrêter, à s’interroger, à entrer. Dans l’ «Open Care Café» notamment, lové là – parce que le café est cet indispensable instrument de la socialisation, qui manque encore d’ailleurs au Lambretto Art Project. Par les fenêtres du Café, les balcons implantés tout en haut des «Frigos» semblent nous observer, eux aussi, et surveiller la ville, comme une tour de guet.

Dans les deux cas, ces réhabilitations de quartiers illustrent la responsabilité des entrepreneurs italiens, qu’il s’agisse de Pichler pour le Lambretto Art Project, ou des frères Cabassi pour les Frigos milanais – les frères Cabassi qui sont aussi à l’origine du développement de la «Nuova Accademia di Belle Arti Milano». Il s’agit pour eux – saluons-les au passage, ces entrepreneurs italiens responsables – de valoriser le partage social, en son sens le plus noble: le partage culturel.

Publié dans Les Quotidiennes, le 8 mai 2009


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