Certains diront que Noël est une célébration de l’amour. Il faut bien un jour par an, pour célébrer l’amour divin, comme il faut un jour pour les femmes. D’autres parleront d’une « coupure » bienvenue, un arrêt sur image, une boîte à souvenirs, un moment de repos, un « break ». Les Fêtes servent à marquer le temps et à nous donner l’illusion qu’il ne passe pas, que le passé revit, que le futur n’existe pas.
Les Fêtes sont aussi une formidable relance de l’économie (15 millions de paquets distribués par la Poste suisse en décembre…), un moment que tous les économistes attendent avec impatience pour évaluer l’allant des consommateurs. Un allant qu’ils mesurent à l’aune de la capacité de la production à générer la consommation, par l’intermédiaire d’un rêve, celui de l’échange, du cadeau, du don. Du Père Noël qui veille à ce que chaque enfant reçoive son cadeau et des parents qui aident le Père Noël à remplir sa mission. Un allant qui se mesure donc in fine à l’aune de l’efficacité du « marketing Père Noël » : n’oublions pas que sous sa forme de gros barbu habillé en rouge (aujourd’hui critiqué pour son image qui promeut l’obésité auprès des petits enfants), il a été inventé pour Coca-Cola !
Moi j’aimerais que les Fêtes servent (aussi) à autre chose.
Pas forcément à dépenser l’argent « autrement », ou « mieux » comme le demande l’économie dite « éthique ». Car ce que demande l’économie éthique, c’est avant tout de dépenser l’argent pour elle, d’une manière extraordinairement similaire à celle de l’économie « classique » (inéthique, donc).
Pas forcément non plus, à transformer notre économie de l’offre en une économie du don. Le don (« gift ») n’est pas sans ambiguïté...
Sans doute une telle économie aurait-elle des effets positifs, mais elle signerait aussi notre incapacité à gérer le monde de demain avec une vraie « économie ».
Alors quoi ? Ce que j’aimerais, en fait, c’est que les Fêtes de fin d’année deviennent aussi les Fêtes de l’intelligence et de la créativité économiques. Sans que l’économie n’ait à se camoufler pour dissimuler le rouge de la honte sous un bonnet de Père Noël, ni à se draper d’éthique pour se faire pardonner d’exister. Imaginons par exemple, que nous reconsidérions la possibilité d’une économie des besoins, en oubliant un instant les désirs, ou plutôt, en laissant à chaque individu le soin d’identifier ses propres désirs et de les vivre dans leur dynamique propre, sans vouloir les gérer par l’économie. «L’humanité peut en effet satisfaire les besoins de tous, mais non les désirs de chacun» disait Gandhi.
Une économie des besoins, alors ? Impossible, les besoins ne sauraient faire tourner la machine économique, diront la plupart. Pas si sûr. Un tout petit surplus d’intelligence économique devrait permettre d’identifier les besoins qui permettront, mieux que la Conférence de Copenhague, de préparer l’avenir des habitants de la Planète.
Quels sont ces besoins ? Avant toute chose, l’enseignement, la transmission du savoir, des connaissances et de l’Histoire, la formation. Une économie immense, centrée sur le besoin, plus verte que verte, plus éthique qu’éthique. Si l’économie, collectivement, prenait en main cette nécessité absolue au bien-être et à la puissance de l’humanité que sont l’enseignement et la formation, et qu’elle investissait dans ce chantier ses plus belles intelligences, sans nul doute elle saurait en faire le plus grand self-service du monde, le do it yourself le plus prisé, la chaîne universelle la plus rentable. A quel autre chantier l’économie pourrait-elle atteler ses plus beaux esprits pour que les Fêtes ne soient plus seulement des Fêtes nostagiques du passé, mais des Fêtes d’un avenir radieux ? Au chantier de la paix, par exemple. J’aimerais voir fleurir les études démontrant la supériorité économique de la paix sur la guerre. Imaginons que les plus grands économistes, les plus beaux cerveaux de Harvard Business School, de France et de Navarre, démontrent par A + B que la paix est économiquement plus rentable que la guerre, enterrent l’industrie de l’armement, et développent une vraie économie de la paix ? On vendrait de la paix partout pour le bénéfice de tous… Utopie ? Pourquoi donc l’économie, qui réussit à générer tous les désirs même les plus absurdes, ne serait-elle pas capable de sublimer le désir de paix, preuves à l’appui et jeux vidéos en prime ? Une vraie économie de la paix pourrait être à la fois une économie de l’offre et une économie du besoin. J’aimerais entendre, partout, dans tous les cerveaux d’économistes, grésiller le désir non pas d’un objet pour chacun, mais d’un avenir pour tous.
«L’homme n’est pas un être de besoin, il est un être de désir» affirme le philosophe Gaston Bachelard. Il est probablement les deux. Selon Hugues Puel, économiste qui a dirigé longtemps l’association Economie et Humanisme, si l’homme est être de désir, ce n’est en tous cas pas « d’un désir particulier qui puisse trouver sa satisfaction dans quelque bien ou dans quelque service. Il s’agit d’une orientation fondamentale du sujet humain, en ce qu’il est, dans sa condition même de sujet désirant. » Les économistes et les patrons des plus grandes entreprises mondiales sont des êtres comme les autres. Animés sans nul doute, les lendemains de fêtes, par le désir d’inventer une nouvelle économie. La vieille économie de l’offre est désormais surrannée. Inventons demain !
Publié dans l'AGEFI, le 30 décembre 2009
jeudi 31 décembre 2009
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1 commentaire:
Bonjour Barbara, merci pour cet éclair d'enthousiasme. Le concept d'économie de la paix est interressant et rempli d'humanisme... alors pour les miens et moi meme, ça sera un "package paix" pour 1 vie entière !
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