jeudi 10 décembre 2009

L'Amérique retourne sur la Lune près d'un demi-siècle après Apollo

Les découvertes indienne et américaine de particules d’eau sur notre satellite relancent le projet d’implanter une base lunaire. Près d’un demi-siècle après la mission Apollo.

L’été 1969 promettait la lune à portée de terre. Et le monde entier de se rêver, en scaphandrier plombé, sur une autre planète - une lune en fait – récoltant des cailloux au fond des cratères, avec les enfants, le dimanche après-midi – et tous les militaires des grandes puissances de se rêver des bases nucléaires, les scientifiques des bases d’observation et de recherche et les poètes une nouvelle littérature. Mais l’enthousiasme s’éclipsa aussi vite que la lune le 10 février 1971. Retour sur Terre pour la plupart et pour d’autres, des visées plus lointaines encore, à commencer par Mars, planète des hommes ou des singes…
Mais les Américains, eux, sont tenaces, ce n’est pas la moindre de leurs qualités. Never surrender ! Ils tenaient la Lune, ils ne la lachèrent pas. Et dans une discrétion relative, ils ont poursuivi le travail. Avec, pour leurs recherches et leurs explorations, un fil conducteur absolument limpide et parfaitement cohérent avec les problèmes qui se posent sur la planète Terre : trouver de l'eau partout où elle pourrait possiblement se cacher dans le système solaire. Et voilà que la ténacité, une fois de plus, paie.
Alors que l’Inde avait annoncé en septembre déjà la présence de particules d'eau sur la Lune, les chercheurs américains, eux, se sont penchés spécifiquement sur un cratère baptisé Cabeus, situé dans une zone lunaire non exposée au soleil. La NASA a ciblé cette région après y avoir détecté d'importantes émanations d'hydrogène au début des années 2000, émanations qui pourraient s'expliquer par la présence de glace. Le 8 octobre 2009, la NASA propulse alors Centaur, un projectile de 2,3 tonnes, dans le dit cratère. Une deuxième sonde, la LCROSS (Lunar Crater Observation and Sensing Satellite) a ensuite survolé le cratère pour y amasser de l'information sur les débris en suspension au-dessus du cratère avant de s'y écraser à son tour. C'est en analysant le nuage de poussière que les experts de la NASA ont découvert des particules d'eau. Bingo ! Le 9 octobre, Anthony Colaprete, responsable scientifique de la mission LCROSS, annonce alors en jubilant : « Nous avons trouvé de l'eau sur la Lune, et pas seulement un petit peu, mais des quantités importantes ! » Certes, la notion de « quantités importantes » est relative. « Nous y avons trouvé l'équivalent d'au moins une dizaine de seaux de 7,5 litres », aurait précisé Colaprete en ajoutant qu'il s'agissait des premiers résultats. Espérons qu’en effet il ne s’agisse que des premiers résultats, parce que 10 x 7,5 litres, cela ressemble plus à la sardine qui bouche le port de Marseille qu’à la manne du Seigneur… Anthony Colaprete a d’ailleurs ajouté que « la concentration et la répartition de l'eau ainsi que d'autres substances nécessitent davantage d'analyse des données recueillies » d’autant plus que ces données suggérerent la présence de « substances intrigantes !» Peter Schultz, professeur de géologie à l'Université Brown, membre de l’équipe scientifique de la NASA, a quand à lui comparé l’or transparent à l’or noir : « C'est un peu comme quand on découvre du pétrole en faisant des forages, quand on en trouve à un endroit il y a de plus grandes chances d'en trouver aussi pas très loin… »
Quoiqu’il en soit, la découverte américaine relance le projet d'implanter une base lunaire, près d'un demi siècle après la mission Apollo. Plusieurs observateurs estiment que la découverte d'eau sur la Lune pourrait rendre la construction d'un camp scientifique ou d'une base lunaire plus réaliste. Une commission d'experts créée par le président Barack Obama, vient de rendre un rapport offrant différentes options d'exploration habitée. Il y a fort à parier les menaces de restrictions budgétaires qui planaient lourdement sur la NASA sont en train de s’évanouir comme vapeur au soleil…
Morale de l’histoire ? L’investissement, la foi et le partage font des miracles. De ces trois caractéristiques américaines, les deux premières, l’investissement et la foi, sont volontiers reconnues aux Américains. Pas le partage. Et pourtant, c’est bien grâce la technologie américaine que l’Inde elle aussi avait confirmé la présence d’eau sur la Lune, et ceci même quelques semaines avant la NASA. « De l'eau sur la Lune: la stupéfiante découverte de Chandrayaan », « Un grand pas pour l'Inde, un pas de géant pour l'Humanité », pouvait-on lire en titre dans les quotidiens indiens en septembre. Ou quand la technologie des uns fait la fierté de tous.
Adieu la Lune sèche !


Publié dans l'Agefi, le 10 décembre 2009

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