Le photographe californien Larry Sultan est mort d’un cancer le dimanche 13 décembre . A ses amis, dont j’avais la chance de faire partie, il envoyait régulièrement des courriels, pour nous tenir au courant de l’évolution de sa maladie. Avec l’autodérision qu’on lui connaît.
En 2005, le Musée de L’Elysée lui avait consacré une exposition monographique. En 2008, son travail photographique fut inclus dans l’exposition Working Men à Genève.
«Avec The Valley, Larry Sultan a signé l’une des réalisations visuelles les plus fortes de sa carrière de photographe documentariste. Cette série de clichés pris en Californie, entre 1998 et 2002, sur les lieux de tournage de films pornographiques fera en 2004 l’objet d’un portfolio éponyme, publié chez Scalo… Au registre de la fabrique des images, Larry Sultan neutralise tout effet de spectaculaire, d’emballement et d’exaltation au profit d’un «regard pensif» (Régis Durand) à la fois précis et pudique.
Il s’attache avec méticulosité aux moments creux de l’action, aux phases d’attente, aux lieux du « crime », aussi, intérieurs kitsch de belles demeures recyclées en studios improvisés pour le moment d’un film ou d’une scène. Ce traitement au ras des choses donne de l’atmosphère du travail entourant la réalisation d’un film X une traduction qui est sans doute la plus juste possible : le moment d’une activité comme une autre, avec ses contraintes et ses respirations, son dispositif social et ses impératifs de rentabilité. Le travail, c’est l’action qui concentre l’énergie et vous épuise… » (Working Men, Paul Ardenne et Barbara Polla, Ed Que, 2008)
Larry Sultan, un homme et un photographe remarquable.
« Remarquable, entre autres, la capacité de Sultan à tisser ses références multiples, littéraires, bibliques, cinématographiques, familiales, et sa conscience de l’actualité sociopolitique, au creux d’histoires riches de détails et de la texture du présent. La tension est constante entre les mythes et les faits. Remarquable aussi sa capacité à produire des images séduisantes – bien au-delà du raisonnable. Remarquable encore, l’usage de la couleur comme grande réconciliatrice. Remarquable enfin, la prise de risque : Sultan, photographe, auteur, artiste, s’engage les yeux ouverts dans les territoires interdits de la pornographie, du vieillissement, de l’humiliation, des mythes défaits des banlieues californiennes, de l’amour malgré tout de cette famille qui lui permet d’explorer sans jamais arriver à satiété, son enfance, ses propres obsessions, sa sexualité adolescente en contrepoint de la violence des scènes familiales dans la cuisine de la maison : Pictures from home, artéfacts d’un paradis illusoire de pelouse de golf et tapisserie fleurie. Manipulateur sans scrupule de la réalité poignante des autres qui deviennent ses acteurs consentants malgré eux, mais toujours respectueux et fidèle à son propre imaginaire qu’il continue avec acharnement d’essayer de cerner, Sultan nous livre la déréliction humaine comme des marguerites jaunes dans un vase somptuaire. Plus nue la fragilité, plus éclatante la servilité, plus solitaire la dérive : plus belle sera la lumière. Parce que la vraie vie est perméable à la lumière. Les yeux ouverts, au plus vite, Sultan nous transmet, dans la joie de pouvoir voir, des images, encore, encore, encore avant la nuit. » (Publié dans CRASH, octobre 2009, Barbara Polla et Stephen Vincent).
A Larry Sultan j’ai écrit quelques chansons ces derniers mois. Il avait aimé celle-ci, dont le titre se référait à un mail qu’il m’avait envoyé, « I’ve been bad and still am » – il avait tardé à m’envoyer des documents que je lui avais demandés. A Larry Sultan, qui a vécu les yeux et l’objectif ouverts sur la lumière du monde.
I've been bad and still am
My name is Lucky
Black blood down my veins
Black rain down the valley
Californian cancer
And safety razor blades
I catch my breath
And wade through chaos
Each picture from home
Unveils despair
Yellow daisies
In lavish vases
Illusion of paradise
My name is Lucky
Black blood down my veins
Black rain down the valley
Californian cancer
And safety razor blades
I'm an old man now
Smacked with a stone
Not a sultan any more
Not a tsar not a star
In the patio sunlight
In the dark underside
Want to live forever
Sweet broken hearth
You make my laugh
I've been bad and still am
Publié dans les Quotidiennes, le 28 décembre 2009
lundi 28 décembre 2009
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