Ugo Rondinone est l'un des artistes suisses les plus importants et les plus émouvants. Celui que l'on appelle parfois "le clown" nous touche au plus profond, à la fois par son esthétique et par son humanité. Madeleine Schuppli, directeur du Aargauer Kunsthaus, lui consacre la première exposition solo en Suisse depuis plus de 10 ans. Elle lui consacre d'ailleurs plus qu'une exposition : elle lui consacre son musée. En effet, Rondinone non seulement expose des pièces - mieux, il investit le musée d'atmosphères spécifiques, de rêves parfois monumentaux, parfois fragiles, mais toujours poétiques. Rondinone est un poète de vie, comme tous ceux qui savent habiller le quotidien le plus banal de la plus belle des magies sans oublier la souffrance que cet indispensable exercice inflige : les clowns, donc.
Rondinone va plus loin encore : non seulement il expose des pièces magnifiques, comme son olivier blanc à la fois ancestral et futuriste ou ses ciels immenses, dont les galaxies sont révélées par la terre - non seulement il investit le musée tout entier de multiples atmosphères Ugoiennes, notamment sonores, car l'artiste, peut-être synesthésique, fait constamment appel à nos sens pluriels et fait parler ses oeuvres - mais il cherche encore à sortir du musée à la rencontre du monde, car sans cette connexion, sans cet aller vers l'autre, même la création la plus belle reste incomplète.
S'il est une exposition à voir en ce moment en Suisse, c'est donc bien "La Nuit de Plomb", une rencontre de l'artiste avec lui-même, avec la poésie, avec nous tous. La vie pèse parfois comme du plomb sur nos épaules. La poésie nous rend ce poids très cher.
NOTE:
Mardi 18 mai , conversation entre Ugo Rondinone et Madeleine Schuppi.
Dimanche 13 juin, présentation du catalogue qui accompagne l'exposition, avec notamment des textes de Beatrix Ruf , Klaus Biesenbach, Agustin Pérez Rubio et Madeleine Schuppi.
Publié dans les Quotidiennes, le 17 mai 2010
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