Une fois passé Hegyeshalom, le symbole de l’ouverture devenu le symbole de rien du tout, on arrive bientôt en Slovaquie. Après la Hongrie et la douceur de ses paysages, la civilité de ses habitants, on a l’impression d’arriver dans un lieu riche et chaotique, en pleine évolution – une évolution vers quoi ? Bratislava semble traversée de part en part d’autoroutes, comme éventrée par les axes routiers, incompréhensible, dominée par son château immaculé en pleine restauration qui paraît aussi anachronique que la vielle ville, elle aussi parfaitement restaurée et qui donne l’impression étouffante d’un musée de province obsolète, alors que la vie est ailleurs, sur les autoroutes, dans ces hôtels impersonnels importés tels quels, et dans la jungle de béton…
La jungle de béton : la description parfaite qui m’a été donnée de Bratislava, quelques jours après mon retour, au défilé parisien de Kris Van Assche : je bavarde back-stage avec Teriza, l’une des personnalités qui défilent pour Kris – oui des personnalités, bien plus que des mannequins. Teriza qui me parle de sa ville : « j’aime Bratislava, j’aime mon pays, mais je crois que ceux qui viennent d’ailleurs ne peuvent pas comprendre… parce que c’est une jungle de béton. Moi je veux finir mes études, c’est très important pour moi, je retourne à Bratislava après les défilés… et puis je verrai. »
Autrefois, Bratislava fut Presbourg, la capitale de couronnement de la Hongrie de 1536 à 1784, lorsque Budapest fut occupée par les Ottomans. A Paris, la rue de Presbourg, dans le 16ème arrondissement, célèbre d’ailleurs la Paix de Presbourg … mais rien de Bratislava ici dans le 16ème. Rien de Bratislava non plus dans les propos de l’écrivain suisse William Ritter, originaire de la Chaux-de-Fonds, publié par l’Age d’Homme bien sûr, et qui affirmait qu’ « être Slovaque est considéré par les Slovaques comme un grand honneur et un grand bonheur, et par ceux qui ne le sont pas comme une chance et un privilège... »
Chance et privilège, je ne sais pas vraiment, mais en tous, cas, il me reste une curiosité vive au coin de l’âme : retourner à Bratislava, vite, pour voir, pour essayer de comprendre encore, au bord du bleu Danube qui semble s’écouler comme étranger lui aussi, retourner dans cette jungle de béton qui grouille de vie, avec Teriza comme guide à travers ce monde multilingue, multiculturel, paneuropéen dans lequel il s’agit, sans passéisme, de créer aujourd’hui la culture de demain !
Publié dans les Quotidiennes, le 14 octobre 2009
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