Et à bientôt, pour l'épiphanie...
"A toi bien sûr" sur lagedhomme.com

Jusqu’à fin décembre
25 rue Royale, 75008 Paris.
Les femmes, paraît-il, ont voté Barak Obama. Nous avons gagné cette nuit et nous allons changer le monde!
Je passe ma soirée à Washington, à Georgetown University, dans un appartement du campus, Henle 58, avec filles qui habitent ici et quatre étudiantes en sciences politiques toutes âgées de 19 ans. Depuis que je suis arrivée aux Etats Unis, un seul nom sur toutes les lèvres : Barak Obama. Une seule image : les queues devant les locaux de vote, sous la bruine de novembre. Je hèle un taxi : «Lady, je ne vous prends que si vous allez voter, aujourd’hui je ne conduis que ceux qui vont voter… ».
Les chauffeurs de taxi sont heureux aujourd’hui. Il règne une sorte de frémissement palpable, une attente sans agressivité. Les républicains semblent d’ores et déjà résignés. Je demande aux filles – mais pourquoi les femmes votent-elles Obama ? «Les minorités votent démocrate ». Je m’élève: mais nous ne sommes pas minoritaires ! La réponse fuse, immédiate : «oui mais les femmes sont considérées et traitées comme une minorité». Quant à la grande inconnue des hispaniques, elle s’avèrent limpide; ils ont voté Obama, eux aussi, comme nous.
Nous allons de CNN la démocrate, à FOX la républicaine, à MNSBC la neutre. Il est 22h30 heures. Sur CNN, on nous dit que McCain «has no path to victory». Roxy la texane tremble un peu, son père lui a dit qu’il la déshériterait, si elle votait Obama. Ce qu’elle fit, dans une grande excitation. Kelly avait prévu de voter Mc Cain, jusqu’à ce qu’il choisisse Sarah Palin comme vice-présidente. «McCain est modéré, c’est bien, mais Palin est vraiment trop concervatrice sur les questions sociales.» Tory quant à elle, aurait aimé voter pour l’un des outsiders, mais Ralph Nader lui paraissait trop dogmatique et Bob Barr trop libertaire; quant à Sarah Palin, «elle aura été la pire stratégie de McCain pour faire voter les femmes pour lui.» L’échec républicain sera pour toujours, «la faute à Bush» et «la faute à Palin».
Il est 23h. Obama a gagné la Virginie, un état républicain.
Encore quelques minutes, et Obama est Président des Etats Unis. Nous sommes encore le 4 novembre 2008. Il le sera le 20 janvier 2009. La question raciale est à peine abordée. C’est quelque chose dont les Américains ne parlent pas. Les commentateurs épuisés disent seulement que c’est la première fois que les Etats Unis ont un président noir – non, «afro-américain».
Mc Cain ne dit rien de différent. La réparation de l’injustice. Un grand silence soudain, à travers le pays. Des millions de visages afro-américains, à travers le pays, couverts de larmes. Edwin Neill, chef d’une entreprise familiale séculaire à la Nouvelle Orléans, me disait hier : «Je vote Obama, je vais expier le fait que mes ancêtres ont été des esclavagistes. Imagine l’espoir que cela représentera pour les enfants noirs de La Nouvelle Orléans !»
Tory enlève son T-shirt rouge et enfile un T-shirt bleu. «Cela vient d’arriver, cela arrive maintenant, nous sommes dans l’Histoire !» «Nous n’aurons pas l’air idiots, Sarah Palin ne sera pas notre porte parole auprès du concert des nations». Enthousiasme sur CNN, retenue sur Fox. Déferlante de joie à l’Université, à Georgetown, à Washington.
Cette nuit, l’émotion. Barak Obama ce soir, représente tous les Américains. Et le reste du monde qui s’est enthousiasmé pour lui. «L’Amérique, nous dit McCain, est la plus grande nation du monde. Et maintenant nous allons tous offrir à notre Président notre soutien et notre collaboration, pour construire un monde meilleur». L’Amérique existe ce soir. La politique reprendra ses droits, demain matin.
Publié dans les Quotidiennes
Hier soir Sylvie Fleury était la reine de Genève. Une foule compacte au MAMCO, impossible de circuler dans les rues voisines du musée, la pluie froide dehors, bientôt novembre – mais à l’intérieur, paillettes, couleurs, sexe humour et flamenco, à la manière de l’exposition de Duchamp, Man Ray et Picabia proposée cet été au Passage de Retz à Paris par Hubert Martin. Comme le célèbre trio, Sylvie Fleury n’aura «jamais abandonné les principes fondateurs d'une création centrée sur l'individu, en rupture avec toutes les idéologies, croyances et idéalismes de toutes sortes».
Elle est là, au milieu du musée, attendant l’heure du champagne, rayonnante «oui, j’ai voulu offrir du plaisir, seulement du plaisir, abattre toutes les barrières, balayer toutes les peurs». Pari réussi: l’exposition, anthologique pourtant, est jouissive, surchargée, colorée, intelligente, drôle, belle, ironique, «traversée de désirs et de dérives consuméristes».
Des voitures crashées aux champignons géants de couleurs irisées, des fusées à la conquête de l’espace à la cosmétique - HYDRATE, LIGHTEN, PURIFY, SOOTHE, enjoignent les néons disposés dans l’escalier – Sylvie Fleury nous présente à sa manière un hommage aux futuristes qui au début du siècle dernier proclamaient: « Nous voulons chanter l'amour du danger, l'habitude de l'énergie et de la témérité... Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l'audace, et la révolte… Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle: la beauté de la vitesse…»
La vitesse de la transformation notamment – le MAMCO lui, en tous cas, est transformé en une usine à rêves, rêves de paillettes et de néant. L’histoire d’une vie, l’histoire d’une œuvre, une vraie puissance et une grande cohérence. Merci Sylvie - et que tous ceux qui ont aimé le néon rouge YES TO ALL sur la Plaine de Plainpalais courent le retrouver au MAMCO!
Paillettes et dépendances ou La fascination du néant, MAMCO, jusqu’au 25 janvier 2009.
Publié dans Les Quotidiennes, le 29 octobre 2008
Un credo à la puissance 104. C’est en tout cas avec ces mots: «l’intelligence, l’esprit, la beauté, l’amour», prononcés sans emphase ni faux-semblant, que le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, a clos son discours d’inauguration du 104. Le 104? Mais oui, 104, rue d’Aubervilliers. Rue Curial aussi – en fait, une sorte de passage, entre le 18e et le 19e arrondissement, constitué par les bâtiments des anciennes Pompes funèbres municipales.
Après une très longue histoire de sauvetage, de reconstruction sans démolition, de restauration, de transformation, d’imagination, conduite par l’Atelier Novembre (Marc Iseppi et Jacques Pajot, architectes) sous une houlette politique enthousiaste de bout en bout, qu’il s’agisse du Maire du 19e, du Maire de Paris, ou encore de la Région, les anciennes Pompes funèbres se voient transformées en un lieu de création vivante, un lieu, selon Delanoë, dont «rien de l’âme de la création ne soit exclu», un lieu qui devra s’inventer chaque jour, un lieu de mondialisation humaine, «sans barrière à l’émotion du beau ou de l’art».
39 000 mètres carrés: ateliers de création, de «fabrication artistique», salles de diffusion, artistes en résidence, ateliers pour artistes amateurs, ouverture sur le monde, pépinière d’entreprises innovantes, jardin suspendu, club fondateur des sponsors… rien ne semble avoir été oublié.
Trop idyllique? Forcément récupéré, la culture mise sous tutelle politique? Dirigé par deux hommes de théâtre (Robert Cantarella et Frédéric Fisbach) sans compétence dans les arts plastiques? Populiste? Rien n’indique que cela sera. Si vous n’étiez pas à l’ouverture, ce 11 octobre; si vous n’avez pas entendu le concert gratuit de Tricky; si vous n’avez jamais mis les pieds dans le 19e arrondissement et si vous n’avez pas encore vu Slick, la foire alternative d’art contemporain qui sera cette année accueillie en ces lieux, à faire verdir de jalousie le Grand Palais: allez voir le 104, toutes affaires cessantes. Car l’art et la culture sont désormais des biens de première nécessité. Et dans le 19e arrondissement de Paris, c’est bien de cela dont il s’agit: de la première nécessité. L’intelligence, l’esprit, la beauté, l’amour.
Publié dans Les Quotidiennes, le 15 octobre
Publié dans Les Urbanités, RSR.
La ville est ma patrie. Je préfère les hommes aux arbres. Et il me plaît que l’immense majorité des humains préfèrent comme moi habiter les villes, pour être proches des autres humains, le plus proches possible. Quitte à réduire leur espace vital à presque rien – pourvu que l’on soit avec les autres, avec l’Autre. Qu’importe alors, la qualité urbaine souvent déplorable en terme d’habitat, de logements, de transport. L’important est ailleurs : dans la parole échangée, dans la stimulation de la pensée, dans la créativité fourmillante. Dans le rapport à l’Histoire, à sa permanence, ou à l’illusion que l’on pourrait faire partie de celle qui est en train de s’écrire. Dans la solitude partagée avec le plus grand nombre.
Seule la culture permet de pardonner aux villes d’être ce qu’elles sont. De pardonner voire d’oublier leur urbanisation aberrante, leur segmentarisation, l’externalisation des derniers arrivants, la mise des marges à la marge. Elle seule permet d’intégrer la perte permanente, de ce qui est et qui l’instant d’après, n’est plus, déjà remplacé par autre chose. Seule la culture… mais - laquelle au juste ? La culture humaine bien sûr, pas celle de l’herbe sur mon balcon – la culture qui, selon l’Unesco, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société, un groupe social ou un individu. C’est pour tout cela très précisément que nous aimons les villes : pour ses traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs. La question de la place de la culture dans la politique urbaine trouve sa réponse dans le fait que la politique urbaine n’est rien d’autre que l’une des multiples émanations de la culture.
Sans hésitation : la culture est primordiale. Elle est la vi(ll)e même. Toute politique urbaine qui souhaite endosser ce nom ne peut être que culturelle. Il n’y a pas d’alternative. Et dans la mesure où la parole, création permanente, universelle, toujours en activité - songez un peu, combien de mots se disent, chaque jour, dans une ville digne de ce nom, simultanément et dans toutes les langues - dans la mesure où cette parole est bel et bien la manifestation la plus spécifique de l’activité culturelle humaine et le vecteur du savoir, la politique urbaine se doit de lui donner une place toute particulière. Lui offrir par exemple des lieux alternatifs, des marchés noirs de la connaissance (Blackmarket of Useful Knowledge and Non-Knowledge, http://www.mobileacademy-berlin.com/englisch/2006/schw_be06.html) comme d’immenses écrans urbains sur lesquels la MobileAcademy projetterait en plein air, au milieu de la nuit, au coeur d’une Genève palpitate, des débats de philosophie plus fréquentés que toutes les star académies. Lui rendre, à la parole, et à celle poétique de préférence, les espaces publicitaires, ces espaces carnivores, et tous les espaces intermédiaires, que les artistes de rue tels Robert Montgomery, Banksy ou ZEVS utilisent subrepticement pour nous émouvoir ou nous surprendre.
La culture, l’activité humaines, sont donc la source et le cadre de toute politique urbaine. Reste la question corollaire de savoir, quelle politique urbaine va satisfaire l’homme de la ville ? La réponse n’est en fait pas la même, selon que cet homme habite durablement la ville en question, ou n’y soit que de passage. Un certain délabrement, la vétusté, le désordre, la place laissée à l’énergie vitale, l’hétérogène, l’étranger, l’intriguant, le trouble, le spectaculaire – toutes caractéristiques culturelles qui vont fasciner l’homme de passage. Mais la fascination pour cette vi(ll)e-là prend fin au seuil des dortoirs. Là où l’homme dort nuit après nuit, mange, regarde la télévision et élève ses enfants, il préfèrera le calme, la propreté, l’ordre voire l’ennui mortifères, garants d’un semblant de sécurité. Mais en réalité,
When we are
Sleeping,
Aeroplanes
Carry memories
Of the horrors
We have given
Our silent
Consent to
Into the
Night sky
Of our cities, and
Leave them there
To gather like
Clouds and
Condense into
Our dreams
Before morning
Robert Montgomery
Mais concrètement alors, comment et où habiter?
Dans la hauteur, toujours. Le sol est terriblement limité, l’espace l’est beaucoup moins dans sa verticalité. La hauteur n’a pas de propriétaire. Elle appartient à la ville et à ses habitants. Détruisons donc les villas, vite, et élevons haut les plafonds ! La ville sera verticale ou elle ne sera pas. Los Angeles est une aberration écologique, New York proche de la perfection.
Aucune politique urbaine ne saurait se passer de la hauteur.
La ville est ma patrie. Je préfère les hommes aux arbres. Et il me plaît que l’immense majorité des humains préfèrent comme moi habiter les villes, pour être proches des autres humains, le plus proches possible. Quitte à réduire leur espace vital à presque rien – pourvu que l’on soit avec les autres, avec l’Autre. Qu’importe alors, la qualité urbaine souvent déplorable en terme d’habitat, de logements, de transport. L’important est ailleurs : dans la parole échangée, dans la stimulation de la pensée, dans la créativité fourmillante. Dans le rapport à l’Histoire, à sa permanence, ou à l’illusion que l’on pourrait faire partie de celle qui est en train de s’écrire. Dans la solitude partagée avec le plus grand nombre.
Seule la culture permet de pardonner aux villes d’être ce qu’elles sont. De pardonner voire d’oublier leur urbanisation aberrante, leur segmentarisation, l’externalisation des derniers arrivants, la mise des marges à la marge. Elle seule permet d’intégrer la perte permanente, de ce qui est et qui l’instant d’après, n’est plus, déjà remplacé par autre chose. Seule la culture… mais - laquelle au juste ? La culture humaine bien sûr, pas celle de l’herbe sur mon balcon – la culture qui, selon l’Unesco, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société, un groupe social ou un individu. C’est pour tout cela très précisément que nous aimons les villes : pour ses traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs. La question de la place de la culture dans la politique urbaine trouve sa réponse dans le fait que la politique urbaine n’est rien d’autre que l’une des multiples émanations de la culture.
Sans hésitation : la culture est primordiale. Elle est la vi(ll)e même. Toute politique urbaine qui souhaite endosser ce nom ne peut être que culturelle. Il n’y a pas d’alternative. Et dans la mesure où la parole, création permanente, universelle, toujours en activité - songez un peu, combien de mots se disent, chaque jour, dans une ville digne de ce nom, simultanément et dans toutes les langues - dans la mesure où cette parole est bel et bien la manifestation la plus spécifique de l’activité culturelle humaine et le vecteur du savoir, la politique urbaine se doit de lui donner une place toute particulière. Lui offrir par exemple des lieux alternatifs, des marchés noirs de la connaissance (Blackmarket of Useful Knowledge and Non-Knowledge, http://www.mobileacademy-berlin.com/englisch/2006/schw_be06.html) comme d’immenses écrans urbains sur lesquels la MobileAcademy projetterait en plein air, au milieu de la nuit, au coeur d’une Genève palpitate, des débats de philosophie plus fréquentés que toutes les star académies. Lui rendre, à la parole, et à celle poétique de préférence, les espaces publicitaires, ces espaces carnivores, et tous les espaces intermédiaires, que les artistes de rue tels Robert Montgomery, Banksy ou ZEVS utilisent subrepticement pour nous émouvoir ou nous surprendre.
La culture, l’activité humaines, sont donc la source et le cadre de toute politique urbaine. Reste la question corollaire de savoir, quelle politique urbaine va satisfaire l’homme de la ville ? La réponse n’est en fait pas la même, selon que cet homme habite durablement la ville en question, ou n’y soit que de passage. Un certain délabrement, la vétusté, le désordre, la place laissée à l’énergie vitale, l’hétérogène, l’étranger, l’intriguant, le trouble, le spectaculaire – toutes caractéristiques culturelles qui vont fasciner l’homme de passage. Mais la fascination pour cette vi(ll)e-là prend fin au seuil des dortoirs. Là où l’homme dort nuit après nuit, mange, regarde la télévision et élève ses enfants, il préfèrera le calme, la propreté, l’ordre voire l’ennui mortifères, garants d’un semblant de sécurité. Mais en réalité,
When we are
Sleeping,
Aeroplanes
Carry memories
Of the horrors
We have given
Our silent
Consent to
Into the
Night sky
Of our cities, and
Leave them there
To gather like
Clouds and
Condense into
Our dreams
Before morning
Robert Montgomery
Mais concrètement alors, comment et où habiter?
Dans la hauteur, toujours. Le sol est terriblement limité, l’espace l’est beaucoup moins dans sa verticalité. La hauteur n’a pas de propriétaire. Elle appartient à la ville et à ses habitants. Détruisons donc les villas, vite, et élevons haut les plafonds ! La ville sera verticale ou elle ne sera pas. Los Angeles est une aberration écologique, New York proche de la perfection.
Aucune politique urbaine ne saurait se passer de la hauteur.
Barbara Polla, Galeriste / Analix, Genève
Publié dans les Urbanités, le 7 octobre 2008
L’année dernière, lors de la campagne présidentielle française, la possibilité d’avoir une femme Présidente de la France n’était pas écartée d’emblée. Madame Royal n’a pas été élue. C’est d’une autre first lady que les media montent désormais la tête en épingle: Carla Bruni. Deux femmes magnifiques – une candidate sérieuse à la présidence d’un pays magnifique ; une accompagnatrice de président. La répartition des rôles la plus classique qui soit reprend droit de cité, la beauté, la fantaisie, la classe féminines aux côtés du pouvoir masculin. Ouf, tout va bien, on respire. La régression a opéré.
Cette année, lors de la campagne présidentielle américaine, la possibilité d’avoir une femme présidente des Etats Unis d’Amérique, semblait à portée de mains. Certes, cette femme-là avait été précédemment accompagnatrice du pouvoir masculin. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles Hillary Clinton n’a pas passé les primaires. Et c’est désormais une autre femme qui fait la une des sondages: Sarah Palin. Sous l’aile protectrice du vieux loup, qui a bien besoin d’elle pour rafraîchir quelque peu son image, elle fait la belle, répète avec assiduité les vérités proférées par l’auguste candidat, ravie de reproduire en politique l’image hyper-conservatrice et stéréotypée d’une famille bien rangée. Merci Seigneur ! La régression est en marche.
Vous savez quoi? Eh bien, tout cela nous donne une raison de plus de voter Obama: lui, au moins, ne s’est pas choisi un vice sexy. Et sa compagne date d’avant sa campagne. La progression n’est pas encore exclue.
Il y a comme cela des choses qui vont et qui viennent, comme le soleil et l’argent.
Pour le soleil, quand il nous abandonne vraiment comme cet été et cet automne encore – alors que septembre a toujours représenté l’espoir des étés indiens lémaniques – il y a deux solutions.
La verticale, ou le sud. Au-dessus des nuages, voler pendant quelques semaines sans atterrissage, ou alors, s’installer une navette spatiale, un hôtel flottant dont le dessus des nuages est la plage très privatisée. Attention cependant, bouée obligatoire, de préférence de type montgolfière. Ou alors le sud.
Plus classique, mais plus simple (pour la bouée, surtout). Le choix ne manque pas: Chypre, la Sicile, les îles des mers du sud – ou plus simple, plus proche et plus accessible, Nice par exemple. D’ailleurs, je vous écris de la Promenade des Anglais, les avions décollent continuellement au-dessus de la baie des Anges, il n’y a pas un nuage dans le ciel.
Comme quoi, le soleil est toujours là, même quand il n’y paraît pas. Il s’est juste déplacé, très légèrement. Il suffit d’aller le chercher là où il est, tout près en fait…
Juste un décalage
Il en va de même de l’argent. Il ne disparaît pas, il se déplace, et souvent, ce déplacement est encore plus subtil, juste un décalage. Prenons l’exemple de Londres. La banque Lehman Brothers fait faillite, cela concerne plusieurs milliers d’employés pour la succursale londonienne, avec licenciements immédiats, absence de toute considération de compensation – sans oublier non plus les pertes des clients de la banque. Eh bien, dans ce même Londres, le même soir, Sotheby’s a vendu avec un succès maximal le veau aux œufs d’or et quelques autres 200 œuvres de l’artiste anglais Damien Hirst, illustre millionnaire issu des YBA, les Young British Artists émergents au tournant des années 90.
Investissez dans l'art
Ceux qui ont acheté ont toujours de l’argent, et ceux qui ont vendu, de même. Comme le soleil, l’argent ne disparaît pas, ou du moins, pas encore. Il suffit d’aller le chercher là où il est… pas forcément vertical, pas forcément au sud, mais par exemple, sur le marché de l’art, de préférence aujourd’hui à celui des devises.
Investissez dans l’art plutôt que dans la banque – et non non, je ne prêche ni pour ma paroisse ni pour ma galerie, même si je dois avouer, que j’ai toujours eu un faible pour les artistes, de préférence aux banquiers. C’est aussi la diversité des goûts qui fait la richesse du monde…
Elle aimerait comprendre comment marche un cerveau masculin et pouvoir écrire «je» à propos d’un personnage viril tout en étant crédible. Barbara Polla a déjà pondu un essai sur les mâles: Les hommes, ce qui les rend beaux. «J’en ai interrogé deux cents en un an, c’était passionnant.» Elle aime la moto en passagère, les machines et la boxe, qu’elle pratique depuis trois ans avec un coach, deux fois par semaine. L’ancienne conseillère nationale libérale genevoise semble posséder mille cordes à son arc. Médecin, autrefois directrice de recherche à Paris, ex-chef de l’unité d’allergologie à Genève, capitaine, avec son mari, de Forever Laser Institut, fabricante de cosmétiques, mère de quatre filles, galeriste, auteur, essayiste, chroniqueuse: ce diable de femme vibrionne et affiche une énergie foudroyante.
Ce n’est pas la jeunesse derrière laquelle elle court, même si elle se pomponne un maximum. Non: sa mise en forme ne vise qu’à être bien dans sa peau. Et le secret de sa bonne humeur, c’est chez Spinoza qu’elle le puise. «Avec lui, on apprend à transformer les émotions négatives en positives. L’autonomie et la clarté dépendent de la personne. Chaque matin, je me demande ce que je veux. Lorsqu’on le sait, on agit en conséquence. La frustration est une émotion négative à transformer en action. Il y a une différence entre pouvoir et puissance. Si le premier s’exerce sur l’autre, la seconde, on la donne, on la transmet.» Et de citer Deleuze après Einstein. Madame, qui semble avoir réponse à tout, affectionne aussi les minuscules choses qui font la vie. Sourire à quelqu’un dans la rue, ce n’est rien, mais… C’est aussi une façon de dire merci à la chance.
Barbara Polla pense sans cesse et s’entraîne à abattre les barrières du cerveau. «Les choses multiples se fertilisent.» Ses adversaires politiques lui reprochaient d’embrasser trop. Lorsqu’en 2003 elle n’a pas été réélue, après quatre ans sous la Coupole fédérale, elle a mis d’octobre à Noël pour métaboliser le revers. «Mes filles s’en souviennent. Réussir, c’est facile. Je souhaitais leur montrer comment transformer un échec politique en réussite globale.»
La socialiste Marlyse Dormond Béguelin a siégé avec elle à Berne: «Elle jouait sur son apparence et affichait un discours très libéral. Je n’ai jamais trouvé son centre de gravité: vent et bulles de champagne sans substance profonde.» Le radical John Dupraz l’adore: «C’est une chef d’entreprise remarquable. Elle s’exprimait très bien, de manière originale, inventive, créative, hors des sentiers battus avec des idées décoiffantes.»
La production de cosmétiques absorbe beaucoup Barbara Polla. Deux de ses filles travaillent avec elle. Une assiste son père dans leur centre d’esthétique médicalisée. La dernière étudie.
Leur mère vient d’écrire deux romans en deux ans. Victoire est sur le point de sortir en Belgique. Sa galerie, qui expose de jeunes artistes plus ouverts sur le monde que sur leur nombril, se nomme Analix Forever. Analix était le nom du laboratoire d’analyse «criminologique» et chimique de Charles Wakker, un lointain cousin ayant joué un rôle important dans l’affaire Jaccoud qui secoua tout Genève dans les années soixante. En rachetant le lieu, les Polla ont gardé le nom. Elle dit s’inspirer beaucoup des Machines célibataires, le catalogue d’une exposition du très regretté Harald Szeemann, dont le titre renvoie à Marcel Duchamp. En mode, elle ne jure que par Khris Van Assche (KVA et Dior), qui expose à Analix.
Toujours libérale? De plus en plus, depuis qu’elle a démissionné du parti. Barbara Polla signe désormais ses chroniques dans L’Agefi et Les Quotidiennes en intellectuelle indépendante. Elle collabore aux revues françaises Intersection et Nuke . La sensualité des mots la chatouille et c’est à tort que son éditeur avait qualifié Empreinte , son premier roman, d’érotique.
Son défaut majeur? «Je suis très déterminée et il est difficile de me faire changer d’avis.» Elle se croit chiante alors que ses collaborateurs la décrivent comme «légèrement lunatique» ou impatiente. Elle peut rire comme une folle. Ambitieuse? «Evidemment.» Extravagante? «Tout à fait et je pourrais l’être davantage.»
Publié dans Les Quotidiennes
L’architecture en effet est à l’honneur en ce moment, en France et ailleurs, de Lézigno à Valenciennes, de Gênes à Genève, de Londres à Biarritz, à la croisée des chemins entre art et politique, entre qualité maximale et désastres environnementaux, entre rêves et réflexions, rires et émotions - tout cela pendant que l’architecture suisse, elle, s’exporte sans complexe, à Pékin et Calcutta, archi-local et archi-global.
Archi-émouvant : l’architecture émotionnelle
Architecture émotionnelle? Vous ne trouvez pas, vous, que cela suffit, la structure, la hauteur, la perspective, la performance, la technique, la forme, le style? Oui oui, c’est très bien tout cela, mais… et la beauté b…?
Luis Barragan, Prix Pritzker 1980, affirmait déjà qu’ «il est très important que l’architecture puisse émouvoir par sa beauté.» Barragan se référait à Mathias Goeritz, concepteur de l'architecture émotionnelle (Manifeste pour une architecture émotionnelle, 1953) : «J’ai travaillé en totale liberté pour réaliser une œuvre dont la fonction serait l’émotion: il s’agit de redonner à l’architecture son statut d’art». L’architecture d’aujourd’hui, dit encore Goeritz, semble avoir effacé de son vocabulaire non seulement la beauté, mais aussi l’inspiration, la magie, l’envoûtement, l’enchantement, ainsi que les concepts de silence et d’étonnement: autant de causes et d’effets de l’architecture émotionnelle. Poème plastique, introspection, l’architecture émotionnelle, selon le critique et écrivain français Michel Seuphor (Seuphor, rien moins que l’anagranne d’Orpheus), renvoie l'observateur à ses sensations intimes.
Et si l’architecture émotionnelle n’est pas (encore) un large mouvement architectural, elle pourrait bien s’avérer être l’architecture de demain. Elle est en tous cas celle des architectes italiens 5+1AA. 5+1 ? Cinq Terres et une forme. Les Cinq Terres, classées «paysage culturel», se retrouvent, dans le catalogue des projets de 5+1AA, en bordure d’un champ de maïs, en plein été: une femme assise dans l’herbe tient dans son giron, une forme. Et les mots? Foin de concept, de structure, de fonction– l’âme italienne est bien au-delà de ces nécessités. Alfonso Femia et Gianluca Peluffo utilisent d’autres mots: réalisme magique, émerveillement et effroi, contexte versus cynisme, sensorialité et sensualité. Il s’agit d’inventer des bâtiments, affirment-ils, qui deviennent des instruments de perception et de connaissance d’une identité qui ne saurait être que plurielle.
L’architecture émotionnelle est aussi celle d’un Rudy Riciotti, même si les émotions de l’enfant terrible de l’architecture française ont d’autres sources que la nostalgie des brumes du Po ou l’élégance de la Cité des Doges: il s’agit pour Riciotti de violence et de passion, d’excès, voire de brutalité, de révolte toujours, kalachnikov si nécessaire. Le célèbre Stade de Vitrolles que certains ont paraphrasé, le Stade au Vitriol, n’est que l’une des réalisations passionnelles de ce militant sans répit.
L’architecture émotionelle, celle de demain donc? En tous cas celle du futur Nouveau Palais du Cinéma du Lido de Venise. Conçu par qui? Par Rudy Riciotti et 5+1AA. Un projet qui, selon eux, unit métaphysique et sensualité. Le septième art, celui d’écrire le mouvement, aura inspiré une architecture en adéquation: aussi émouvante que la volonté humaine toujours renouvelée de raconter la vie. Jamais sans émotion, et toujours en beauté.
Publié dans les Quotidiennes, le 25 juillet 2008
L’architecture en effet est à l’honneur en ce moment, en France et ailleurs, de Lézigno à Valenciennes, de Gênes à Genève, de Londres à Biarritz, à la croisée des chemins entre art et politique, entre qualité maximale et désastres environnementaux, entre rêves et réflexions, rires et émotions - tout cela pendant que l’architecture suisse, elle, s’exporte sans complexe, à Pékin et Calcutta, archi-local et archi-global.
Archi-rire: de la beauté des latrines
La beauté des latrines? Le signe même de la civilisation et la preuve irréfutable que le progrès existe. Quoi d’autre que les latrines établit définitivement la suprématie de l’Italie sur l’Angleterre? A Rome, elles étaient aussi nombreuses que somptueuses: murs en marbre, mosaïques, peintures, rien n’était de trop. Récemment, les foires d’art internationales ont elles aussi été cotées, non sans raison, en fonction de la qualité de leurs latrines. Dignité oblige. Et à Genève, qui ne se souvient de Christian Ferrazino et de ses treize millions (à savoir, tout de même, 380.000 francs pièce) pour améliorer l’état des toilettes publiques de la ville? Le Conseil municipal de l’époque avait fait merveille en termes de bons mots (retrouvés dans les archives de la Tribune de Genève): «Je ne vous demande pas un vote sur le siège!» avait déclaré Ferrazino lui-même, suivi par Pierre Maudet, «Cette proposition répond à un réel besoin», puis Hélène Ecuyer, «Je suis pour ma part d'accord pour le renvoi en commission», alors que Roberto Broggini se refusait à «entrer en matière» et que selon Eric Ischi «Nos toilettes sont un véritable calvaire: on se dépêche, on fait à côté et on en ressort comme on peut», constat qui l’amena à plaider pour le modèle turc «où l'on se rend avec plaisir». «Allons-y tous ensemble!» avait-il conclu pour obtenir un vote massif en faveur du concept – et il fut entendu. Mais la rue du Stand prit le pas sur Ferrazzino et les latrines genevoises passèrent aux oubliettes…
Dommage… mais heureusement, d’autres ont repris la flamme. Robert Latour d’Affaure notamment, architecte basque, qui a investi ses convictions et son âme de créateur dans la construction d’exceptionnelles toilettes publiques en bord d’océan. Son concept? L’opération esthétique provient aussi bien du haut, l’essence, que du bas, la matière; il s’agit d’allier référé conceptuel et stimulus sensible; l’architecture ne se comprend pas seulement avec le cerveau ou les yeux: elle se vit avec le corps. C’est ainsi que Latour d’Affaure a réalisé «Miroir ancré» sur le Paeso Nuevo à Saint Sebastien, «miroir ancré» signifiant à la fois l’ouverture au monde: le miroir; et le caractère identitaire: l’ancrage. Une architecture de la révélation du paysage, selon ses propres mots: «Miroir ancré se fond dans la roche basque. Il fait partie intégrante de la montagne. Il suscite un sentiment d’appartenance au lieu: la matière même de la roche devient un élément du langage architectural.»
A Lézigno 2008, où Latour d’Affaure présente son travail dans le cadre de la conférence intitulée Inopportunismes, le lyrisme de l’architecte laisse les auditeurs sans voix, si ce n’est pour se demander si le titre de la conférence ne fut pas choisi tout exprès pour lui? L’objet architectural est magnifique, le miroir reflétant l’Océan, la conception spatiale, l’intégration au paysage, les plages sauvages de Saint Sébastien auxquelles les vagues donnent de la hauteur: des toilettes comme une dune avec une porte en miroir, qui se déplace, telle l’entrée d’un grotte magique, et nous laisse nous glisser à l’intérieur de cette pure merveille de style, béton, végétation et acier, ou comme le dit encore Latour d’Affaure, «champ ouvert de perceptions sensorielles». Tout cela, non pas pour un lieu de spiritualité, que Latour d’Affaure eût aussi bien pu réaliser, mais pour la Matière avec un grand M, pipi-caca donc… depuis, je ne vais plus aux toilettes. Pipi debout devant le lac, ou rien. En attendant que les toilettes de la rade deviennent dignes de palaces anciens, avec des miroirs qui de l’extérieur réfléchiraient notre magnifique jet d’eau, pour en capter d’autres, plus prosaïques, à l’intérieur. Nous voulons Robert Latour d’Affaure à Genève, de toute urgence – et nous graverons dans nos esprits et dans la pierre, les vers de Bernardo Atxaga avec lesquels il conclut sa conférence: «Sur ce miroir mille yeux se poseront, (et le monde), des miroirs, eux aussi… le miroir de tant d’autres mondes». Des yeux sans lunettes, à coup sûr!
Publié dans les Quotidiennes, le 18 juillet 2008
L’architecture en effet est à l’honneur en ce moment, en France et ailleurs, de Lézigno à Valenciennes, de Gênes à Genève, de Londres à Biarritz, à la croisée des chemins entre art et politique, entre qualité maximale et désastres environnementaux, entre rêves et réflexions, rires et émotions - tout cela pendant que l’architecture suisse, elle, s’exporte sans complexe, à Pékin et Calcutta, archi-local et archi-global.
Archipolitique n’est pas toujours archi-crime. Il ne s’agit pas seulement de détruire en banlieue parisienne certains désastres architecturaux et sociaux comme ceux de Sarcelles - non, la France construit aussi des liens, des réseaux, riches et productifs, entre politiciens, artistes, intellectuels et entrepreneurs. «Heureuses Coïncidences», le Colloque de Lézigno, organisé par Luciana Ravanel (lien Quotidiennes Ravanel), en collaboration avec Paul Ardenne, spécialiste de l’art en espace public, draine chaque année vers le sud non moins de deux cents participants et génère les interactions les plus éclectiques et les plus riches.
Tout ceci et grâce à la volonté, à l’intelligence et au soutien financier et logistique d’Agnès Jullian, jeune femme hors du commun qui a repris du jour au lendemain la direction de l’entreprise familiale Technilum, spécialisée dans l’éclairage public, et en a fait non seulement une entreprise florissante, mais une entreprise engagée - heureuse coïncidence s’il en est entre entreprise familiale et mécénat culturel!
Au colloque de Lézigno, cette année, on n’aura pas seulement entendu les plus grands architectes – même Kengo Kuma était là, le prince japonais de l’architecture organique – mais aussi, de manière plus inattendue, quelqu’un comme Laurent Fachard (Eclairagistes Associés) qui s’attache notamment à illuminer les prisons (l’esthétique lumineuse de la prison comme facteur de réhabilitation) – ou encore le maire de Valenciennes.
Mais pourquoi donc, le maire de Valenciennes? Parce que Dominique Riquet a fait le pari périlleux que la culture pouvait devenir un véritable instrument de réhabilitation de sa région déclarée sinistrée (26% de chômage en moyenne). Et pour symboliser la réussite apparente de son approche, le maire a confié à Jean-Bernard Métais, artiste, la résurrection du beffroi de sa ville après que le projet de l’artiste a été plébiscité par la population comme par les politiques.
Pourquoi le beffroi? Parce que ce clocher, depuis le 11ème siècle, marque l’autonomie et la puissance des communes libres. Comme une flèche de lumière et de murmures qui s’élève désormais sur la place en direction de l’avenir, le beffroi résonne des mots des 7000 personnes qui ont participé au projet et apporté leurs réponses à des questions comme «Qu’est-ce que c’est que Valenciennes»? «Que représente le Nord»? «Quel a été votre premier sentiment de liberté»? Le beffroi de Valenciennes est devenu cette rumeur sensible de la ville, une liberté partagée, qui appartient à chacun.
Une telle architecture poétique pourrait-elle faire revivre par exemple les terres détruites de Sarcelles? Peut-être faudrait-il y inviter de toute urgence le maire Riquet?
L'architecture est à l'honneur, de Lézigno à Valenciennes, de Gênes à
Genève, de Londres à Biarritz, à la croisée des chemins entre art et
politique, entre qualité maximale et désastres environnementaux, entre
rires et émotions. Pendant ce temps, l’architecture suisse, elle,
s’exporte de Pékin et Calcutta, archi-local et archi-global.
Architecture ? Art de concevoir et de construire des édifices. Structure, ossature, style, à la fois présentation et représentation du monde, de ses formes, de son sens, agencement et ordonnencement de l’espace dans lequel l’homme va vivre, interagir (ou non), avec les autres hommes, ouverture et projection onirique de futurs possibles. Selon Nicolas Schöffer, l’un des art-chitectes les plus importants de la deuxième moitié du 20ème siècle, « l’art de concevoir, de combiner et de disposer - par les techniques appropriées, des éléments destinés à constituer les volumes protecteurs qui mettent l’homme, dans les divers aspects de sa vie, à l’abri».
Mais encore ? L’architecture, c’est aussi des contraintes économiques carnassières, un emprisonnement politique erratique, contre lesquels devraient s’élever les contre-propositions la plus audacieuse, les tours les plus hautes, le béton le plus pur. A défaut de quoi, selon l’architecte «sudiste», inspiré et militant Rudy Riciotti, il ne reste que la kalachnikov : pour les villas, pour les banlieues à l’architecture mortifère (c’est en cours à Paris qui détruit ou réhabilite les pires d’entre elles) et pour l’architecture HQE (haute qualité environnementale, mensonges en rapport) dont le bataille majeure devrait être, justement, l’élimination des villas au profit des villes.
Dans ce contexte ravageur, les architectes deviennent des stars aussi bien politiques qu’artistiques : les expositions et biennales d’architecture fleurissent partout dans le monde. Mais c’est à Londres que nous nous arrêterons. La Hayward Gallery, étrange ensemble de béton brut qui reste aujourd’hui encore une provocation dans la ville et un laboratoire d’exploration perceptuelle, fête ses 40 ans avec Psychobuildings, une exposition conçue par Ralph Rugoff, directeur du lieu, inspiré quant à lui par les rapports complexes qui existent entre espace public et espace privé.
Rugoff a pris soin d’inclure une femme dans son exposition, et pas des moindres puisqu’il s’agit de la grande Rachel Whiteread. Mais hélas, trois fois hélas, Whiteread, qui a visiblement oublié de lire Ibsen, n’a rien trouvé de mieux que de nous présenter un archétype de la famille bourgeoise: des maisons de poupées. Une centaine de maisonnettes, dans la pénombre, fenêtres illuminées, comme une ville un soir de Noël.
Et tout le monde d’applaudir, «How nice, how cute» ! How pathetic, plutôt, que même une Witherhead n’ait rien trouvé de mieux que de nous représenter ces prisons à femmes que sont les maisonnettes, au lieu de nous encourager à sortir, à quitter les abris, de toute urgence, avec ou sans plan de route, mais avec la détermination d’aller voir ce qui se passe dans le vaste monde, et notamment, dans le monde vertical. Nous n’en sortiront pas sans mal, du stéréotype de la maison de poupée – mais une chose est sûre, le plus vite sera le mieux !
Publié dans les Quotidennes le 4 juillet 2008
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